Ecoles fermées, cable car (tramways à traction par câble) à l’arrêt, parcs déserts, la ville de San Francisco a vécu au ralenti vendredi 16 novembre, noyée dans un voile jaune. Plus d’une semaine après le début de l’incendie baptisé « Camp Fire », qui fait rage quelque 300 kilomètres au nord-est de la ville, le niveau de pollution a atteint un stade comparable à ceux observés en Inde ou en Chine.
L’indice de qualité de l’air dans la métropole californienne était à 309 en milieu de journée, un seuil considéré comme « très malsain » par les organismes de mesure. Selon le site World Air Quality Index, San Francisco était au deuxième rang mondial de l’atmosphère irrespirable, derrière Delhi (346). L’indice était à 33 à Los Angeles.
Répercussions sur la santé des habitants
Dans toute la baie, nombre de manifestations ont été annulées. Le zoo de la ville a fermé et les excursions à Alcatraz, dans la baie de San Francisco, ont été suspendues. La bibliothèque municipale a étendu ses horaires pour accueillir les passants, le métro a été déclaré gratuit, ainsi que plusieurs musées. Pour la première fois depuis l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, le match de football américain opposant les rivaux historiques, Stanford et Berkeley, surnommé « Big Game », qui devait se tenir samedi 17 novembre à Berkeley, a été reporté au 1er décembre.
En l’absence de vent, le nuage toxique s’est installé sur toute la région, en particulier dans la vallée centrale. Sur l’autoroute 5, qui descend de Chico, près de la localité de Paradise, détruite par les flammes le 8 novembre, la visibilité était réduite et l’air piquait les yeux. A Sacramento, l’indice était comparable à celui de San Francisco.
A Chico, à 30 km de l’incendie, l’indice de qualité de l’air affichait 548, niveau « dangereux », alors que plusieurs centaines de personnes dorment dans des tentes ou dans leur voiture. Selon les spécialistes des maladies respiratoires, les répercussions sur la santé des habitants risquent de se prolonger pendant des années.
Le nombre de personnes portées disparues dans l’incendie qui ravage le nord de la Californie a grimpé vendredi 16 novembre à plus de 1 000, ont rapporté les autorités, qui ont également fait état de huit victimes supplémentaires, portant le nombre de morts à 71.
Le nombre de disparus est passé de 631 jeudi à 1 011, a fait savoir lors d’une conférence de presse le shérif du comté de Butte, Kory Honea. « Je veux que vous compreniez que c’est une liste qui évolue », a précisé M. Honea. « L’information que je vous apporte est une donnée brute et nous estimons qu’il y a une possibilité prévisible que la liste contienne des noms en double. »
Près de 100 000 hectares ravagés
L’incendie « Camp Fire » est le plus meurtrier de l’histoire de la Californie. Il s’est déclenché jeudi 8 novembre près de la petite ville de Paradise et a ravagé près de 57 500 hectares dans le nord de l’Etat.
Dans le sud, près de Los Angeles, le « Woolsey Fire » a brûlé près de 40 000 hectares depuis jeudi dernier, dont une partie de la station balnéaire Malibu, prisée des stars. Il a fait au moins trois morts. Près de 9 000 pompiers sont déployés sur les deux brasiers, qui ont entraîné l’évacuation de dizaines de milliers d’habitants dont beaucoup n’ont pas encore été autorisés à regagner leurs foyers.
Le président états-unien Donald Trump est attendu samedi sur le terrain. Il a annoncé sur Fox News qu’il allait « juste voir les pompiers », alors que la Maison Blanche avait fait savoir la veille qu’il rencontrerait des victimes des incendies. La présidence n’a pas dévoilé le programme exact de sa visite, la seconde seulement sur les terres californiennes depuis son entrée en fonctions, en janvier 2017.
Cet Etat de l’Ouest américain, bastion démocrate et progressiste, incarne la résistance au président républicain, de l’immigration à l’environnement en passant par la régulation des armes à feu. Le plus peuplé des Etats-Unis, il est aussi celui qui compte le plus d’immigrés et de sans-papiers, largement ciblés par la politique présidentielle.
Preuve de cette animosité mutuelle, M. Trump avait d’abord dénoncé la mauvaise gestion des forêts par les autorités du « Golden State », oubliant que celles-là sont en majorité sous le contrôle de l’Etat fédéral. Il avait aussi menacé de couper les fonds fédéraux, alors que le Congrès a consacré un budget de 2 milliards de dollars à la lutte contre les incendies pour l’année fiscale 2018.
Alerte à la pollution
Le président a depuis changé de ton : il a déclaré la Californie en état de « catastrophe majeure », salué le travail des soldats du feu et assuré la population de son soutien en expliquant avoir parlé directement avec le gouverneur démocrate, Jerry Brown, de la tragédie.
Vendredi, il a toutefois remis l’accent sur l’absence, selon lui, de nettoyage préventif des zones forestières. La zone de l’incendie de Paradise « aurait dû être nettoyée, il n’y aurait pas eu de feu », a-t-il affirmé sur Fox News. Le réchauffement climatique a « peut-être un peu contribué » à la progression fulgurante des flammes, mais « le plus gros problème, c’est la gestion », a-t-il ajouté, soulignant que ses propos « ne sont pas négatifs ou positifs, ce sont juste les faits ».
L’impact du « Camp Fire » est visible à plus de 200 kilomètres au sud de Paradise, jusqu’à San Francisco où les autorités ont lancé vendredi une alerte à la pollution de l’air. Le « Woolsey Fire » était pour sa part contenu à près de 80 % et les pompiers espèrent l’éteindre d’ici lundi.
L’enquête se poursuit pour connaître l’origine des deux incendies. Une plainte a été déposée contre le fournisseur local d’électricité Pacific Gas & Electric (PG & E), qui a évoqué un incident sur une ligne à haute tension juste avant le déclenchement du brasier à Paradise.
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