Thierry, 55 ans, ancien accro à Internet : "J'étais sur le fil du rasoir en permanence"

Après sa crise d'angoisse, Thierry a décidé de réduire son activité sur Internet. Photo d'illustration.
Après sa crise d'angoisse, Thierry a décidé de réduire son activité sur Internet. Photo d'illustration. © Pixabay
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Une crise d'angoisse a permis à Thierry de réaliser, en 2011, qu'il souffrait d'être connecté en permanence à Internet. Il a raconté son expérience au micro Europe 1 d'Olivier Delacroix, vendredi.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Blogueur reconnu dans l'influence de technologie sur l'art et la politique, Thierry a décidé de déconnecter après une crise d'angoisse, en 2011. Depuis, l'homme a l'impression d'être en vacances, débarrassé de son addiction numérique, comme il l'a expliqué à Olivier Delacroix sur Europe 1, vendredi.

 

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"J'étais connecté vraiment tout le temps. Toute la journée quand j'étais réveillé, et la nuit, il suffisait que je me réveille et je pensais à regarder mes mails et répondre à des commentaires. Je dormais mal, j'étais sur le fil du rasoir en permanence.

"T'es blême"

[Une nuit, Thierry a ressenti une vive douleur dans la poitrine] Je me suis réveillé, il devait être 1h30 du matin, j'étais mal, j'avais l'impression d'être en train de mourir. J'ai réveillé ma femme. Elle m'a dit : 'T'es blême'. Le Samu est venu, j'allais mieux. Ils m'ont conduit à l'hôpital pour faire des examens. J'avais fait une crise d'angoisse.

Je me suis retrouvé seul aux urgences, allongé, sous perfusion. On m'a laissé seul. J'ai attrapé mon téléphone et j'ai commencé à aller regarder des commentaires sur mon blog. C'est là que j'ai eu le déclic. Je me suis dit : "Mais qu'est-ce que tu es en train de faire ? Tu es peut-être en train de mourir et tu vas regarder sur le Net ce qui se passe !" C'était quelque chose d'anormal.

Comme en vacances

[Le 1er avril 2011, Thierry a décidé de couper court au blog] J'ai simplement gardé l'option SMS. Ça s'est bien passé. Les premiers jours, j'ai énormément dormi, j'étais très fatigué. C'était un burn-out. Après, j'étais comme en vacances.

Aujourd'hui, ça va très bien. J'ai pris une énorme distance. Je n'ai pas fermé mes comptes, mais ça ne me manque absolument jamais. C'est assez facile de perdre une habitude si ce n'est pas vital dans notre vie. Le droit à la déconnexion, c'est élémentaire. Y a-t-il vraiment besoin d'une loi pour ça ? Le problème, c'est nous. On s'oublie un peu dans tout ça."

 

L'avis de Caroline Sauvajol-Rialland, professeure à Sciences Po et spécialiste de l'infobésité

Depuis 2017, les salariés d'entreprises de plus de 50 personnes ne sont pas tenus de répondre aux mails pendant leurs vacances. Ces entreprises ont l'obligation de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique, afin de lutter notamment contre l'infobésité.

"L'infobésité, c'est le fait de recevoir plus d'informations qu'on ne peut en traiter, avec un risque de confusion mentale et d'une moindre capacité à prendre des décisions et innover. Cette surcharge communicationnelle nous place dans une situation de stress car on a la peur de ne pas répondre à toutes les sollicitations que l'on reçoit. Ça peut mener à des dysfonctionnements psychiques ou à des burn-out, notamment.

Aujourd'hui, la loi n'est pas respectée mais sa démarche est intéressante, car cela oblige les organisations à poser sur la table cette question de la régulation des outils info-communicationnels. Une fois posée, ça fait remonter un certain nombre de problèmes de pratiques non-éthiques, comme des managers qui envoient des mails en attendant une réponse dans les deux heures et qui vont relancer par SMS et par un coup de téléphone si la réponse tarde."