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Le puma fait son retour en Patagonie argentine

Patagonie
© Pixabay

Chassé de la péninsule Valdés il y a trente ans, ce prédateur surnommé « animal puissant » par les Indiens quechuas fait une réapparition inespérée sur la côte argentine.

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En creux dans le sable, un coussinet ovale qu’on devine charnu et fabuleusement rebondissant, quatre doigts en forme de goutte se terminant par la pointe légère des griffes, le tout faisant la taille d’une main humaine. Cette empreinte fraîche, laissée sur le sol d’une vallée de l’intérieur de la péninsule Valdés, dans le nord de la Patagonie est un miracle de la nature. Sur cet isthme aride et plat qui se détache de la côte argentine, vaste terre solitaire où l’on dénombre quelque 75 000 moutons pour un millier d’habitants permanents, cela faisait près de trente ans qu’on n’avait plus vu la marque de cette patte. Romina Bottazzi, 39 ans, responsable d’une agence d’observation des baleines au large de la péninsule, n’en a d’abord pas cru ses yeux lorsqu’elle a découvert cette trace par un beau matin de mai 2015 : celui qu’on nomme aussi « tigre des montagnes » ou encore cougar avait officiellement disparu de la région dans les années 1990. « Pendant plus d’un siècle, les éleveurs de moutons ont vu le puma comme la pire des menaces pour leurs troupeaux et l’ont exterminé comme de la vermine », rappelle Romina. Comment expliquer ce retour ? Les études de terrain montrent que la bête chasse dans des zones de la péninsule délaissées par les éleveurs en raison de la sécheresse. Là, le prédateur se nourrit principalement de guanacos, herbivores sauvages de la famille du lama, peu appréciés des éleveurs car en compétition avec leurs troupeaux pour la ressource en herbe et en eau. Après avoir repéré les premières empreintes, Romina Bottazzi créa avec des amis la fondation Protejamos Patagonia (Protégeons la Patagonie), pour favoriser le retour de l’ancien fauve sacré des Andins et en faire un atout pour la région. « Le monde a changé, insiste Romina. L’élevage extensif reste l’activité principale en Patagonie, mais notre développement passe désormais par le tourisme d’observation de la nature. Comme chez nos voisins chiliens, où le puma est maintenant protégé : là-bas, dans le parc national de Torres del Paine notamment, les visiteurs déboursent des centaines de dollars dans l’espoir d’observer le fameux Puma concolor. »

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A l’inverse, côté argentin, un vieux système de primes gouvernementales récompense encore l’abattage des prédateurs du bétail. Longtemps, il y eut aussi des distributions massives d’appâts empoisonnés. Et on ne compte plus les légendes mettant en scène des propriétaires terriens, des gauchos (gardiens de troupeaux) ou des chasseurs solitaires, pour qui le menu du jour est un puma mort.

Chaque année des milliers de visiteurs viennent observer baleines franches, orques, éléphants et lions de mer…

Des prospectus de sensibilisation, des conférences dans les écoles, du lobbying pour modifier la législation, la pose de dizaines de pièges photographiques qui se déclenchent au passage de l’animal, afin d’étudier son comportement… Romina Botazzi s’évertue à convaincre la communauté locale qu’elle a tout à y gagner. Inscrite par l’Unesco sur la liste du patrimoine de l’humanité depuis 1999 pour la richesse de sa faune marine, la péninsule Valdés voit déjà affluer chaque année des milliers de visiteurs qui viennent observer baleines franches, orques, éléphants et lions de mer, manchots de Magellan ou dauphins. Alors pourquoi ne pas proposer, en plus, des expéditions dans les terres sur les traces du félin à longue queue ?

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Le travail de sensibilisation auprès des propriétaires terriens commence à porter ses fruits

Pour l’heure, le puma, classé espèce vulnérable, reste du genre furtif : impossible de savoir combien d’individus occupent de façon permanente la zone. « Ce fauve est un grand solitaire qui se déplace avec discrétion sur un territoire pouvant mesurer jusqu’à 250 kilomètres carrés », explique le zoologue argentin Emilio Donadio. Son pelage crème variant pour se fondre dans le décor, insaisissable et prudent, l’animal peut courir jusqu’à 70 kilomètres/heure, sauter haut et loin, et se contenter de charognes. « Pour le moment, mes observations permettent seulement de prouver qu’il ne tue pas autant de moutons qu’on le dit, reconnaît Romina Bottazzi. Et cela, bien qu’il y a beaucoup plus de pumas dans le coin qu’on ne le pense ! » Le travail de sensibilisation auprès des propriétaires terriens commence à porter ses fruits : trente d’entre eux sur les cinquante-quatre que compte la péninsule ont accepté d’aider la recherche sur le puma. « Ils sont aux premières loges, explique la jeune femme. Ainsi, en interrogeant des fermiers, j’ai découvert qu’en réalité, des pumas rôdaient déjà dans la région depuis au moins dix ans, mais que les éleveurs s’étaient bien gardés d’en parler, se contentant souvent de les abattre. »

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Chacun commence à comprendre que sauver le puma permet de réguler et restaurer un écosystème en danger

La péninsule Valdés semble désormais prête à jouer la carte de la préservation. « Chacun commence à comprendre que sauver le puma permet de réguler et restaurer un écosystème en danger », analyse le zoologue Emilio Donadio. « Comme nombre de grands mammifères charismatiques, le puma est une espèce parapluie, clé de voûte d’un habitat, d’une chaîne alimentaire et d’une biodiversité qui perdure si l’on maintient les équilibres », conclut le biologiste Jim Williams, spécialiste de la faune sauvage américaine, dans son ouvrage sur le retour du puma (Path of the Puma, The Remarkable Resilience of the Mountain Lion, éd. Patagonia, 2018). Les Indiens quechuas avaient-ils tout compris du rôle clé de cet animal ? Ils avaient nommé ce gros chat aux dents acérées puma, ce qui signifie dans leur idiome « bête puissante ». Et lui prêtaient un pouvoir particulier : celui de réguler les tensions entre les animaux.

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Le Puma fait son retour, un article de Sébastien Desurmont paru dans le magazine GEO d’octobre 2018 (n° 476, Patagonie).

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