Le rapport qui préconise la cession du Stade de France

Un rapport de la Cour des Comptes, que Le Parisien a pu consulter, épingle la gestion du Stade de France, concédée à des entreprises privées et coûteuse pour l’Etat.

 Le Stade de France, propriété de l’Etat, accueille chaque année de nombreuses rencontres internationales de football et de rugby.
Le Stade de France, propriété de l’Etat, accueille chaque année de nombreuses rencontres internationales de football et de rugby. DPPI/Stéphane Allaman

    Un véritable boulet ! C'est en substance la conclusion du nouveau rapport de la Cour des comptes sur le contrat de concession du stade de France. Il s'agit d'un relevé de constatations provisoires. Les différents protagonistes du dossier n'ont plus que quelques jours pour formuler leurs remarques et désaccords avant que la sentence de la Cour des comptes ne devienne définitive.

    Ce n'est pas la première fois que celle-ci s'attaque au dossier du Stade de France. Les relations entre l'Etat (propriétaire), le consortium (le gestionnaire) et les fédérations de football et de rugby sont même devenues un de ses sujets de prédilection. Au moment où l'Etat réfléchit à l'avenir de l'équipement sportif, ce nouvel opus l'invite à se décider au plus vite, « avant la fin de l'année 2018 et […] à privilégier la voie de la cession immédiate ou différée au terme de la concession actuelle à une structure capitalistique associée aux fédérations sportives d'ores et déjà parties prenantes de son fonctionnement et garantes de sa stabilité économique ». En clair, l'Etat doit se délester rapidement de ce poids lourd.

    Conditions défavorables

    La Cour pointe les risques juridiques et financiers auxquels l'Etat est exposé depuis 1995 sans en avoir tiré de réels bénéfices. Car si les performances du Stade de France se sont essoufflées au cours des dernières années, jusqu'à plonger dans le rouge entre 2014 et 2016, elles ont dépassé les espérances de ses promoteurs jusqu'en 2013. A tel point que le Consortium du Stade de France (CSDF) a versé à ses actionnaires des dividendes à hauteur de 94 M€, soit trois fois le montant investi, ce qui correspond à un taux de rentabilité de plus de 11 %.

    Grâce à cette somme, l'Etat peut au mieux se réjouir d'avoir été dispensé de verser une partie de l'indemnité pour absence de club résident … Car face à l'incapacité des pouvoirs publics à trouver un club permanent, celui-ci a dû verser une indemnité de 17 M€ par an au gestionnaire, soit un total de 119,5 M€ sur l'ensemble de la période. Pour la Cour, si l'existence d'une telle indemnité n'est pas aberrante, il « est contestable que cette garantie soit apportée par l'Etat et non par les fédérations elles-mêmes ». Elles utilisent le stade fréquemment et les matchs qu'elles y organisent sont certes plus coûteux, mais beaucoup plus rémunérateurs…

    La Cour des comptes ne remet pas en cause le montage de 1995 qui a consisté à confier les clés du stade au Consortium (CSDF), filiale de Vinci et Bouygues (qui ont participé à la construction). Le coût définitif de l'ouvrage de 361,4 M€ s'est même révélé inférieur aux 395 millions annoncés et aucune malfaçon notable n'a été constatée. Il a pourtant été réalisé en 31 mois après l'obtention du permis de construire. Les magistrats regrettent cependant que pour tenir les délais, l'Etat ait accepté des conditions juridiques et financières qui lui sont défavorables. La banque suisse qui s'est engagée dans le projet lui a notamment demandé de garantir l'équilibre financier de la concession en toutes circonstances, jusqu'à couvrir l'insuffisance de ressources. Ce cas de figure ne s'est pas présenté, mais il exposerait potentiellement l'Etat « à un risque financier de 30 M€ par an ».

    Une multiplication de contentieux

    Le seuil de rentabilité du Stade de France suppose la réalisation d'un chiffre d'affaires de 65 à 70 M€ par an. Ce qui implique une dizaine de matchs des équipes nationales de foot et de rugby chaque année et autant de concerts. Le CSDF et les fédérations ont des intérêts convergents. Pourtant leurs relations sont tendues et les contentieux très nombreux, notamment sur l'activité commerciale, longtemps chasse gardée du gestionnaire. En 2013, les fédérations ont ainsi récupéré le contrôle de leur publicité.

    L'organisation d'événements - Championnat du monde d'athlétisme (2003), Coupe du monde de rugby (2007) ou Euro 2016 - est également source de conflit entre l'Etat et le Consortium. La rentabilité de ces manifestations ne sont pas assurées tant les exigences imposées par les instances sportives internationales aux pays d'accueil sont exorbitantes, en dehors des exonérations fiscales déjà conséquentes. Dans le cas des rencontres de 2003 et de 2007, l'Etat a compensé les pertes d'exploitation du consortium à hauteur de 1,2 et 1,6 M€. Pour l'Euro 2016, l'Etat a refusé de prendre en charge la perte de 7 M€ évalués par le CSDF, liée à la période d'exclusivité imposée par l'UEFA. En première instance, le Consortium n'a pas eu gain de cause, et la cour d'appel ne s'est pas encore prononcée.

    La question ne manquera pas de se poser à nouveau pour la Coupe du monde de rugby de 2023 et bien sûr les JO de 2024. « Cette situation contentieuse permanente entre les parties prenantes […] rend illusoires pour l'avenir toute prolongation ou renouvellement de la concession sur la base de l'actuel contrat », conclut le rapport. Décidément.