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Animaux marins

Les denticules de la peau de requin se forment selon une "loi" de Turing

Un modèle mathématique proposé par le génial Alan Turing, il y a plus de 60 ans, expliquerait la structure des écailles "dentées" des requins, selon de nouvelles recherches.

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Représentation des denticules qui ornent la peau des requins et assurent leur hydrodynamisme. Leur morphogénèse obéit à une loi imaginée par Alan Turing.

Représentation des denticules qui ornent la peau des requins, assurant leur hydrodynamisme. Leur morphogénèse obéit à une loi imaginée par Alan Turing.

Rory Cooper, Université de Sheffield (GB).

Tout comme les poils de souris ou les plumes de poussin, les redoutables écailles blindées et hyper-profilées de la peau des requins, les denticules, se forment selon des lois énoncées par Alan Turing montrent des chercheurs de l'Université de Sheffield (Grande Bretagne)  dans la revue Science Advances.

Le génie mathématique n’a en effet pas seulement déchiffré le système de messagerie secret de l’Allemagne nazie : il s’est également attaqué au décryptage des "codes" de la nature qui sous-tendent la formation des êtres vivants, dans toute leur (apparente) diversité. Dans un article de 1952, intitulé "les bases chimiques de la morphogénèse", Alain Turing a ainsi postulé que les formes et les motifs qui apparaissent dans les organismes au cours de leur développement sont initiés par l'interaction de substances, des morphogènes. Ces molécules, expliquent-ils, réagissent entre elles au sein des cellules, mais diffusent également à travers le tissu cellulaire. Sa "théorie de la réaction-diffusion", vérifiée depuis en biologie, explique aussi bien les taches du guépard, le positionnement des tentacules de l’hydre ou des feuilles en rosette de l’aspérule, ainsi que la phase de développement de l’embryon appelée "gastrulation". Les résultats des chercheurs de l’Université de Sheffield éclairent aujourd’hui la façon dont le motif des écailles de requin a évolué pour réduire la traînée pendant la nage, améliorant la "glisse" et économisant ainsi de l'énergie lors des mouvements.

Vue de la tête d'un requin roussette nouvé né au CT scan. L'image révèle tous les tissus minéralisés - dents et denticules cutanés. © Rory Cooper.

 

Vue générale d'un bébé requin roussette. ©Rory Cooper.

Les biologistes ont découvert que les mêmes gènes fondamentaux sous-jacents à la structuration des plumes sous-tendent également le développement des écailles de requin et suggèrent que ces gènes pourraient être impliqués dans la formation d'autres structures cutanées de vertébrés, telles que les épines et les dents. "Nous avons commencé à examiner les poussins et la manière dont ils développent leurs plumes. Nous avons trouvé de très jolies lignes d’expression génique qui régulent la façon dont apparaissent des bourgeons, qui se transformeront en plumes, détaille le biologiste Gareth Fraser, qui a travaillé sur l'article à l'Université de Sheffield et est passé depuis à l’Université de Floride. Nous avons pensé qu’il se passait peut-être la même chose pour le requin roussette et nous avons trouvé deux rangées de " points " sur la surface dorsale, qui lancent tout le processus." Les zoologues ont fait équipe avec un mathématicien pour déterminer et modéliser le processus, s’apercevant ainsi qu’ils avaient affaire à des "structures de Turing".

"Un énorme travail a été réalisé au niveau de l'analyse des gènes impliqués dans l’apparition du motif, en conjonction avec une modélisation par des équations de réaction-diffusion", commente Annick Lesne, du Laboratoire de Physique Théorique de la matière condensée (LPTMC), auteure d’un essai sur les "structures de Turing" (Turing et la morphogenèse: les "structures de Turing")"Si les auteurs ont effectivement identifié les molécules qui interagissent suivant le modèle de réaction-diffusion de Turing, alors c’est là un résultat important car fournissant une validation solide de l’explication en termes de structures de Turing des motifs observés. Les perspectives évolutives  et fonctionnelles qu’ouvrent les résultats de ce papier et son analyse comparative de plusieurs espèces sont à mon avis ce qu’il y a de plus novateur. "
Le zoologue Rory Cooper, de l’Université de Sheffield est optimiste : "Nos résultats aident à comprendre comment les écailles de requin sont structurées, ce qui est essentiel pour permettre leur fonction de réduction de la traînée. Par conséquent, cette recherche aide à comprendre comment ces propriétés sont apparues chez les requins et comment elles changent d’une espèce à l’autre." Lui et ses collègues veulent désormais examiner les processus de développement qui sous-tendent la variation de forme à la fois au sein et entre les différentes espèces de requins. Ils espèrent ainsi inspirer la conception de nouveaux matériaux pour les revêtements des sous-marins, des avions, et même des combinaisons de nageurs. À la fois blindés et taillés pour la glisse !

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