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Les étudiants africains, laissés-pour-compte de la nouvelle stratégie universitaire française

Le gouvernement veut augmenter les frais d’inscription pour les étrangers et attirer davantage d’élèves issus des pays émergents non africains.

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Publié le 19 novembre 2018 à 10h51, modifié le 19 novembre 2018 à 14h16

Temps de Lecture 4 min.

A l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, le 30 mars 2018.

Place aux étudiants choisis… Baptisé « Stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », le plan qu’a dévoilé le premier ministre français, Edouard Philippe, dans le cadre des Rencontres universitaires de la francophonie, lundi 19 novembre, vise à augmenter le nombre d’étudiants étrangers en France… ou plutôt de certains étudiants.

Quatrième pays d’accueil avec plus de 324 000 étudiants étrangers (dont 245 000 préparent un diplôme), la France serait en « risque de décrochage » dans la bataille des cerveaux qui se joue beaucoup sur la séduction des meilleurs étudiants. Raison pour laquelle il fallait lancer une campagne de sensibilisation aux charmes de l’Hexagone, baptisée « Choose France ». C’est la première campagne de ce genre sous Emmanuel Macron, mais la guerre des talents, elle, est récurrente depuis une vingtaine d’années.

La logique est toujours la même. L’accueil d’étudiants internationaux est vu comme un élément du soft power d’un pays, un moyen de promouvoir ses valeurs et son économie en accroissant son rayonnement. Les étudiants en mobilité rapporteraient 4,5 milliards d’euros (pour un coût de 3 milliards d’euros) et seraient ensuite des ambassadeurs de la France.

« Etudiants indiens, russes, chinois »

Reste que les propositions annoncées par le premier ministre semblent surtout avoir vocation à faire le ménage dans le groupe de ceux qui viennent traditionnellement et qu’on accueille davantage en sciences humaines que dans les disciplines scientifiques à haut potentiel. Déjà, le discours sur la langue française et la francophonie prononcé par Emmanuel Macron à l’Institut de France, le 20 mars, donnait quelques indices. Il précisait que « la France devra accroître le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire et le nombre de ceux qui viennent des pays émergents doublera ». Et d’ajouter, s’il fallait être plus clair : « Etudiants indiens, russes, chinois seront plus nombreux et devront l’être. »

L’Afrique, elle, n’est pas citée. Ce continent est pourtant le plus présent dans les universités françaises. Selon Campus France, six pays africains sont dans la liste des dix qui envoient le plus d’étudiants en France (Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Cameroun). Plus globalement, 45 % des étudiants étrangers présents en France sont originaires du continent. Difficile de parier qu’il en sera de même, demain, avec l’augmentation des frais d’inscription qui se prépare.

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Comme l’a annoncé le premier ministre, le droit d’étudier sera désormais fixé à 2 770 euros en licence (contre 170 euros aujourd’hui) et 3 770 euros en master et doctorat (contre 243 euros en master et 380 euros en doctorat jusqu’à présent). C’est toujours moins du tiers du coût réel de la formation, explique-t-on, mais c’est néanmoins assez dissuasif pour les moins fortunés. Même avec les 6 000 bourses d’établissement et l’augmentation du nombre de bourses d’Etat réservées aux étudiants étrangers, qui passeront de 7 000 à 15 000 et « concerneront prioritairement les étudiants en provenance du Maghreb et des pays d’Afrique », précise le détail du plan. En fait, seul un étudiant africain sur sept pourra y prétendre, puisque ces derniers sont plus de 150 000 à choisir la France.

Un campus franco-sénégalais

Ils pourraient donc ne pas tout à fait apprécier la campagne « Choose France ». En Afrique, elle sera prioritairement déployée vers les pays anglophones. Pas de mystère, puisqu’il est clairement annoncé que « la campagne de communication ciblera davantage les pays émergents (Chine, Inde, Vietnam, Indonésie) et les pays non francophones d’Afrique subsaharienne, ceux où la connaissance de la France reste lacunaire et le potentiel important ».

Pour l’Afrique de l’Ouest, la parade est déjà prévue pour qu’ils restent faire leurs études sur le continent, même s’il ne sera pas simple pour l’Afrique subsaharienne d’accueillir les 3,5 millions d’étudiants supplémentaires qui voudront y étudier d’ici à 2025 (+ 72 %). Dans son discours du 20 mars, le président de la République avait en effet souhaité voir doubler le nombre d’étudiants bénéficiant de l’offre française de formation implantée à l’étranger. Il veut « offrir à la jeunesse de nos pays partenaires la possibilité de suivre des formations proposées par des établissements français sans avoir à quitter leur propre pays, à l’image du campus franco-sénégalais ou de l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée ».

Edouard Philippe rappelle, lui, la nécessité de faire émerger et de soutenir les projets engageant les universités des 19 pays africains identifiés comme prioritaires : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ethiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Centrafrique, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

Améliorer les procédures d’entrée

Pour ceux qui pourront encore survoler la Méditerranée, Edouard Philippe a promis une amélioration des procédures d’entrée, un des points noirs récurrents depuis la présidence Sarkozy. Les formules inventées pour faciliter l’entrée d’une pseudo-immigration choisie se heurtent en effet très souvent aux bons vouloirs des consulats locaux qui délivrent – ou non – les visas aux étudiants et varient même les types de visa octroyés d’un étudiant à un autre sans raison. Ce qui place les étudiants étrangers comme les responsables internationaux des écoles et universités dans des situations compliquées.

Les étudiants devraient ensuite pouvoir bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle pour l’ensemble de la durée restante du cycle d’études engagé. Le premier ministre promet des guichets délocalisés dans les universités ou des guichets dédiés dans les préfectures, sur l’ensemble du territoire national, alors que les préfectures sont déjà exsangues et peinent à ouvrir certains guichets.

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Enfin, à partir de mars 2019, les étrangers qui auront obtenu un diplôme de niveau master (bac + 5) en France et qui étaient retournés dans leurs pays d’origine pourront bénéficier d’un titre de séjour pour revenir en France et y chercher du travail. Il s’agit de favoriser les mobilités circulaires, conformément à l’engagement pris par le président de la République dans son discours prononcé à Ouagadougou en novembre 2017.

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