« J'ai été abusée sexuellement par mon entraîneur de basket »

TÉMOIGNAGE. De 15 à 18 ans, Aurélie, aujourd'hui âgée de 29 ans, a été abusée par son coach de basket en région parisienne. Elle raconte son calvaire.

Propos recueillis par

Photo d'illustration. Aurélie Pankowiak, victime pendant trois ans d'agressions seuxelles commises par son entraîneur, souhaite désormais « aider d’autres victimes françaises à sortir de la honte et du silence ».

Photo d'illustration. Aurélie Pankowiak, victime pendant trois ans d'agressions seuxelles commises par son entraîneur, souhaite désormais « aider d’autres victimes françaises à sortir de la honte et du silence ».

© Martin Bertrand

Temps de lecture : 5 min

Elle s'est exilée à des milliers de kilomètres de la France, à Melbourne, en Australie. À 29 ans, Aurélie Pankowiak tente de se reconstruire, de vivre et d'avancer. De 15 à 18 ans, elle a été exploitée sexuellement par son entraîneur dans un club amateur de basket en région parisienne. Trois ans volés, marqués par la détresse, la honte et l'incapacité de faire part de ce qu'il lui faisait subir. Des années plus tard, les crises d'angoisse et les cauchemars sont toujours légion. « J'ai plus de risques de contracter ces symptômes si je verbalise mon histoire », explique-t-elle au Point lors d'une première prise de contact, fin octobre.

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Mais Aurélie, qui poursuit un doctorat dans le sport, souhaite ardemment « briser les tabous » et « aider d'autres victimes françaises à sortir de la honte et du silence ». Or, la libération de la parole sur le harcèlement et les agressions sexuelles, après l'affaire Weinstein, semble s'être arrêtée aux portes des gymnases français, comme l'expliquait récemment Le Point . Résultat : les témoignages des femmes victimes dans le milieu du sport sont très rares. Quatorze ans après le début des faits, huit ans après la condamnation de son agresseur*, Aurélie a décidé d'écrire, de détailler sa « relation » avec un entraîneur qui contrôlait tout, son esprit comme son corps. Elle raconte « ces trois années en enfer ».

« Il m'a complètement eue sous son contrôle »

« J'ai commencé très jeune à jouer au basket. À 15 ans, j'intégrais l'équipe cadette (catégorie de 15 à 18 ans). C'est là que j'ai rencontré Peter**. L'équipe et le club le connaissaient et il avait une petite amie depuis plusieurs années. Il est devenu l'entraîneur de mon équipe pendant les trois années qui suivirent. Les faits n'ont pas débuté avec un événement déclencheur, il a agi de façon relativement lente et progressive jusqu'à ce qu'il m'ait complètement sous son contrôle.

Huit mois après avoir débuté dans son équipe, Peter a pris l'habitude de me parler en dehors des entraînements, sur Internet et sur des messageries instantanées. Dans le même temps, il commençait à m'emmener dans les toilettes ou dans le bureau du gardien du gymnase. Il fermait les portes à clé, me faisait des câlins, m'embrassait sur les joues. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Un jour, Peter m'enferma à nouveau dans les toilettes. Il tenta de m'embrasser sur la bouche. Le moment était effrayant. Je l'ai repoussé, je n'avais aucune envie de l'embrasser. Moi, je le voyais surtout comme un grand frère et je lui ai dit. Mais il s'en est servi, m'a dit qu'il n'aimait pas que je ne veuille pas de lui. J'étais confuse, je me sentais coupable. »

« Il s'est servi de son autorité extrême sur moi »

« Deux jours après, quand la scène s'est reproduite à nouveau, je ne me suis pas défendue quand il tenta de m'embrasser. Il exigea que je garde le silence, que “ça reste entre nous”. Peter m'emmenait faire des tours en voiture en répétant qu'il “voulait passer du temps dans sa voiture avec moi”. J'étais manipulée, j'avais peur. Mais il me faisait comprendre que j'étais spéciale à ses yeux, aux yeux de mon coach. Comme de nombreux sportifs, j'avais besoin d'un mentor, de quelqu'un qui me valorise en tant que basketteuse, qui me comprenne, qui prenne soin de moi, qui me fasse progresser...

Il s'est servi de son autorité extrême sur moi et de ma dépendance émotionnelle pour avoir un pouvoir absolu sur moi. Je ne pouvais rien lui refuser. Cette méthode – appelée “grooming” ou conditionnement – se base sur la mise en confiance et la manipulation d'une victime par un agresseur. Elle ne faisait que poser les bases de ce que j'allais subir dans les trois années qui suivirent. »

« Il m'avait transformée en esclave sexuelle »

« Quelques semaines après l'anniversaire de mes 16 ans, Peter m'emmena dans une forêt non loin de là où j'habitais. On avait l'habitude d'y aller en voiture, mais là il tenait à ce qu'on sorte de la voiture. On a marché un peu et puis il s'est arrêté, m'a allongée, m'a déshabillée et a commencé à me pénétrer. J'étais terrorisée, pétrifiée, et ma réaction ne lui a pas permis “d'aller jusqu'au bout”. Cet abus sexuel fut ma première expérience sexuelle. Deux semaines plus tard, il essaya à nouveau, dans son appartement, et arriva à ses fins. Ce fut le début d'un cauchemar, un cauchemar de trois ans.

J'ai eu la sensation de passer trois années en enfer. Peter me manipulait l'esprit pour mieux utiliser mon corps. Il m'avait transformée en esclave sexuelle. Il me fit avoir des rapports sexuels avec lui partout où il voulait et quand il voulait : dans le parc, la forêt, les vestiaires du gymnase, sa voiture, son appartement. Un jour, lors d'un nouveau rapport sexuel avec moi, j'étais en pleurs, dans un état de détresse émotionnel critique. Il continua et me dit : “Arrête de pleurer, tout est fini entre nous.” Il termina, se mit debout, face à moi, et exigea que j'arrête de pleurer jusqu'à m'infliger deux claques. Pendant trois ans, il m'enferma dans un sombre océan de silence. J'étais seule, j'étouffais. Le seul oxygène que j'avais résidait dans les mensonges que je devais raconter à quelques proches pour prétendre que j'allais bien. Mais en réalité je me noyais. Il utilisa mon désespoir émotionnel, mon silence, pour continuer à m'exploiter. C'était dégradant, dégoûtant, humiliant et dévastateur. »


* Il a été condamné par un tribunal correctionnel à 6 mois de prison avec sursis et 6 000 euros de compensations pour « atteinte sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans non émancipé par le mariage commise par une personne abusant de l'autorité de sa fonction »

** Son prénom a été modifié.


Aurélie Pankowiak détaille son histoire et le combat judiciaire qui a suivi sur son site internet.

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Commentaires (16)

  • Vicnes

    Je suis surprise de lire ces mots. Je faisais partie du club à l’époque des soi-disant faits. Plusieurs d’entre nous, dont le président, ont même témoigné en soutien à cet entraîneur. L’enquête de police a été menée à charge et nos témoignages n’ont pas été pris en compte malheureusement mais, au vu du verdict final, j’imagine qu’un doute s’est immiscé dans l’esprit des juges car de tels faits ne sont jamais condamnés de la sorte et encore moins au correctionnel. L’équipe de cette jeune femme n’a même pas été interrogée. Je suis perplexe quant à la crédibilité de cet article. Si cet homme était si dangereux pourquoi la justice ne lui a pas retiré son droit d’entraîner. Pour faire court et ne pas donner valeur à cette jeune femme, durant ces 3 années, elle et quelques unes de ses amies avaient chacune mises leur dévolu sur des joueurs ou entraîneurs bien plus âgées qu’elles. Cela peut faire sourire mais il existe un réel danger lorsque l’une d’elle se crée une deuxième vie avec cet homme. Mademoiselle Pankowiak est « tombée amoureuse » de son entraîneur. Je me rappelle avoir entendue dans les vestiaires « il est à moi et je l’aurais ». Rien ne s’est passé entre eux. Le président du club passait son temps à tourner dans le gymnase donc, lorsque l’on lit qu’il se sont retrouvés enfermés dans la loge où le vestiaire ou encore les toilettes, c’est tout simplement impossible. Je passe d’autres faits du même acabit. Pour finir, la plainte a été déposé lorsque cet homme a annoncé qu’il se mariait ! Lorsque l’on lit également, au début de cet article, qu’elle est partie loin pour se reconstruire pourquoi donné autant d’interview ? De plus, des discordances ressortent de tous entre les condamnations, les faits, … Je suis étonnée que des journaux tels que le point publie de tels témoignages sans enquêter auprès de toutes les parties concernées.

  • geko55

    L’affaire a été jugée. Pourquoi remettre l’affaire sur la scène médiatique sans laisser l’accusé se défendre ?
    Est-ce la des pratiques démocratiques et justes ?
    Certainement pas. Les medias peuvent denoncer des affaires mais refaire des jugements de cette manière est tres choquants.

  • sergio46

    De qui se moque la justice ?