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«Nous pouvons désormais visualiser la pollution de l'air dans le corps humain»

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Une chercheuse belge a mis au point une technique permettant de visualiser la présence de particules fines dans les cellules des poumons, du sang et de l'urine.
par Coralie Schaub
publié le 20 novembre 2018 à 6h26
(mis à jour le 20 novembre 2018 à 17h01)

Tous les jours, retrouvez le fil vert, le rendez-vous environnement de Libération. Le mardi, c'est la règle de trois : trois questions à un expert, scientifique pour décrypter les enjeux environnementaux.

 Hannelore Bové est doctorante en sciences biomédicales et chercheuse pour les universités de Hasselt et de Louvain, en Belgique. Elle a mis au point une technologie d’imagerie permettant de visualiser la pollution de l’air dans le corps humain.

En quoi consiste votre technologie ?

Il s'agit de projeter un rayon laser sur les particules fines de carbone suie dites PM 2,5 (c'est-à-dire au diamètre inférieur à 2,5 µm) provenant de la pollution de l'air, et qui peuvent se trouver dans les cellules pulmonaires, le sang ou l'urine. Ce laser est fortement absorbé par les particules fines, qui du coup ressemblent à de petites ampoules émettant une lumière très forte et peuvent donc facilement être identifiées. Ces particules proviennent de la combustion du diesel ou du bois. Ce sont les plus toxiques pour notre santé, car elles agrègent des produits chimiques tels que le benzène ou des métaux lourds.

En quoi est-ce nouveau, voire révolutionnaire, par rapport aux méthodes qui existent aujourd’hui ?

Cela permet de déterminer votre exposition personnelle, individuelle, de savoir combien de ces particules se trouvent dans votre corps, ce qui n'était pas possible avant. Nous avons conduit une étude en 2017 sur l'urine d'enfants en Belgique, qui montrait clairement que les enfants vivant près d'une route à fort trafic présentaient plus de particules dans leurs urines que les enfants vivant loin d'un axe routier. A l'avenir, on pourra voir dans un échantillon d'urine quels sont les impacts de l'instauration d'une zone à faible émission de particules. Désormais, nous essayons aussi de déterminer des corrélations directes entre la présence de ces particules et les effets sur la santé, le risque accru de développer telle ou telle maladie, par exemple des maladies respiratoires, cardiovasculaires, des cancers ou des troubles cognitifs.

Cette technique peut-elle avoir d’importantes conséquences médicales et juridiques ?

Oui, cela sera surtout important pour les personnes âgées, les jeunes enfants ou les femmes enceintes, car ils sont les plus vulnérables. Notre technique suscite beaucoup d'intérêt. Mais du point de vue politique, elle suscite aussi des craintes, car si elle permet à l'avenir d'établir un lien direct entre l'exposition de telle ou telle personne à un air pollué et sa maladie, cela pourrait pointer l'inaction des politiques, ou en tout cas les pousser à agir. Aujourd'hui, le lien de cause à effet est encore une boîte noire, les responsables de la pollution de l'air peuvent se retrancher derrière l'absence de preuve d'un lien direct de cause à effet. Avec cette technique, cela pourrait changer.

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