Une "maladie dévastatrice". C’est ainsi que Marie-Laure Dasse, 52 ans, femme active qui passait son temps "à courir partout" il y a seulement trois ans, qualifie la BPCO ou Bronchopneumopathie Chronique Obstructive. Diagnostiquée tardivement, cette mère de famille raconte s’être tout bonnement étouffée un matin de janvier 2015. Transportée aux urgences, elle est "remplie de gaz carbonique" qui l’asphyxie. Très affaiblie par une grippe et un pneumocoque, il faudra plus d’un mois de soins intensifs, dans un coma artificiel, pour qu’un pneumologue pose enfin le bon diagnostic. "Avant cela j’ai été traitée cinq ans pour un banal asthme. Je regrette tout ce temps perdu qui a laissé la maladie progresser."

Sournoise, la BPCO est une maladie chronique inflammatoire qui se caractérise par un rétrécissement progressif et une obstruction -à terme irrémédiable-, des voies aériennes et des poumons. Conséquences : des difficultés respiratoires en cascade pouvant aller jusqu’à l’étouffement.

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Des symptômes insidieux, un mal en progression

Côté symptômes, rien d’alarmant dans un premier temps : une légère toux au réveil –classique chez les fumeurs ou anciens fumeurs qui représentent 85% des victimes de la BPCO, la pollution de l’air étant une autre des principales causes de la maladie-, des essoufflements (dyspnée), des expectorations et une fatigue récurrente. Des maux qui s’amplifient avec le temps jusqu’à entraver la personne dans ses activités quotidiennes. Sortir faire ses courses, se rendre au travail, monter trois marches peuvent alors devenir un véritable calvaire pour les malades. Ces dernières années, les femmes sont de plus en plus touchées. Plus nombreuses à fumer, elle sont également physiologiquement plus vulnérables aux méfaits du tabac.

C’est plus de morts chaque année que les accidents de la route.

En France, on estime à 3,5 millions le nombre de personnes concernées par la maladie, soit près de 8% de la population adulte1. "Les chiffres officiels parlent de 17 5002 décès directement liés à la BPCO. C’est plus de morts chaque année que les accidents de la route", souligne Eric Salone, fondateur de l’association Josiane Salone destinée à sensibiliser le public à la maladie et à mettre les victimes en contact.

De l'invalidité à l'isolement

Décédée fin 2017, sa mère, Josiane Salone, était atteinte de BPCO. Courant 2012, cette baby-boomeuse de 64 ans se plaint de douleurs au cœur. Envoyée chez un cardiologue par son médecin généraliste, on lui annonce une tachycardie, "l’une des nombreuses conséquences ou maladies associées à la BPCO", analyse avec le recul Eric Salone.

Diagnostiquée d’une Bronchopneumopathie Chronique Obstructive seulement trois ans après ce premier diagnostic, Josiane Salone a vécu une fin de vie pénible. "Il faut comprendre que cette maladie, au delà de l’invalidité qu’elle provoque, finit par vous isoler. D’ailleurs, elle est souvent associée à la dépression. Le fait qu’elle ne soit pas encore assez connue accroît ce sentiment d’incompréhension et de solitude des malades."

Une maladie que l'on ne sait pas guérir

Sous diagnostiquée par les médecins généralistes qui ont tendance à associer ses symptômes à de la bronchite chronique ou à de l’asthme, la maladie, évolutive en 4 stades, est souvent décelée sur le tard chez des patients qui ont passé la quarantaine. Pourtant, "un simple test de spirométrie (de souffle) à l’aide d’un spiromètre de poche suffirait à mettre la puce à l’oreille des professionnels qui pourraient alors envoyer le patient chez un pneumologue", observe Jean-Philippe Santoni, pneumologue bénévole pour la Fondation du Souffle.

Un simple test de de souffle suffirait à mettre la puce à l’oreille des professionnels

"Dans le cas d’une BPCO, l’obstruction bronchique sur les débits respiratoires, notamment lors de l’expiration, est si nette qu’elle impose une consultation en pneumologie. À ce moment là, pour confirmer le diagnostic, on va procéder à des radios, voire à un scanner thoracique. La présence d’un emphysème plus ou moins étendu (des bulles d’air dans les poumons dues à la destruction des alvéoles pulmonaires, ndlr) est quasi systématiquement constatée", détaille le médecin. Et d’ajouter "c’est une maladie que nous ne savons pas encore guérir mais plus elle est prise tôt, plus l’espérance de vie des patients est accrue".

Un traitement pour améliorer les conditions de vie

Pour cela, un protocole thérapeutique destiné à améliorer leur confort et à ralentir la progression de la maladie est mis en place.


Pour les fumeurs, on va immédiatement stopper la consommation de tabac. Au quotidien, le médecin prescrit des bronchodilatateurs en inhalation, jusqu’à trois fois par jour. Selon les cas, une réhabilitation respiratoire, sous forme de "cure", d’un à trois mois peut-être prescrite. Elle comprend notamment de l’exercice et de la kiné respiratoire pour un réentrainement global à l’effort. À cela s’ajoute généralement une prise en charge psychologique et, dans le cas de maladies métaboliques associées, un rééquilibrage nutritionnel.

"On sait qu'on va mourir asphyxiés et ça c'est insupportable"

De quoi transformer de A à Z l’existence des concernés. "On vit au jour le jour, on ne projette plus rien", se désole Marie-Laure Dasse, qui a passé son dernier Noël à l’hôpital. "Comme nos poumons et tout notre organisme sont fragilisés, on contracte beaucoup plus facilement n’importe quel microbe", explique-t-elle. Dans ces moments de crise, appelées exacerbations, les soins quotidiens ne suffisent plus et les patients sont mis sous oxygène. Au stade IV dit Gold, le plus avancé de la maladie, nombreux sont ceux qui vivent alités sous respirateur.

"On aimerait que quelqu’un se soucie de nous ! Aujourd’hui, on a juste l’impression d’être voués à mourir asphyxiés et ça c’est insupportable", assène cette mère de trois enfants désormais engagée dans l'association France BPCO, qui déplore de ne rien voir venir du côté de la recherche. Un travail de fourmi qui peut paraître au point mort tant les ramifications de la maladie, elle-même associée à une multitude d’autres pathologies (dites comorbidités) le rend complexe. "L’une des pistes les plus prometteuse concerne les tests génétiques", détaille le Dr Santoni. L’étude de la maladie à l’aune de ces derniers doit permettre, à terme, de mieux identifier ses mécanismes afin d'affiner les traitements et peut-être même un jour de pouvoir la prévenir.

Des malades honteux

La prévention, c’est précisément le cheval de bataille d’Eric Salone. En contact avec les autorités de santé, la Mairie de Paris et la CPAM, son association propose et co-anime depuis quelques mois des journées d’information, de sensibilisation, de prévention et de dépistage de la BPCO -et d'autres maladies respiratoires- aux entreprises adhérentes au service de santé au travail IPAL.

Dans le même temps, l’association développe AERUS, une application solidaire génératrice de lien social pour réunir toutes celles et tous ceux qui vivent avec une BPCO au quotidien. Disponible sur smartphones et tablettes, cette application géolocalisée de mise en relation, d’échanges et de convivialité propose un répertoire de médecins généralistes, de spécialistes et de pharmacies avec lesquels il est possible d’interagir.

Parce que parler de la maladie est essentiel pour mieux la diagnostiquer mais aussi pour dédramatiser le sentiment de honte qu’elle véhicule. "C’est bien fait, tu n’avais qu’à pas fumer !", résume ainsi Eric Salone qui se souvient de longues discussions avec sa mère sur le sujet : "Avant d’être sa perte, la cigarette c’était sa liberté, sa façon à elle de s’émanciper".

Chaque mois de novembre, à l'occasion de la journée mondiale contre les Broncho-Pneumopathies Chroniques Obstructives, les associations se mobilisent dans toute la France pour organiser des dépistages gratuits. Sixième cause de mortalité dans le monde dans les années 1990, la BPCO devrait se hisser à la troisième place en 2030 selon l’OMS3

1http://www.em-consulte.com/rmr/article/269285

2https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1518063/fr/bronchopneumopathie-chronique-obstructive

3http://www.who.int/respiratory/copd/fr/

Plus d'informations sur www.association-j-salone.com/, https://francebpco.fr/ et http://www.lesouffle.org/