Pédophilie : la mémoire sélective du père Peyrard, jugé pour agressions sexuelles

Dix-huit mois de prison ferme ont été requis contre l'ancien prêtre de 85 ans, jugé à Saint-Étienne. Il reconnaît des attouchements, mais pas les viols.

Par , à Saint-Etienne

Le procureur a demandé au tribunal de condamner l'ancien prêtre à trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme.

Le procureur a demandé au tribunal de condamner l'ancien prêtre à trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme.

© LOIC VENANCE / AFP

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À 85 ans, il a conservé une part de la prestance que décrivent ceux qui l'ont côtoyé autrefois. Sa grande taille, son regard direct, sa voix puissante et une mémoire encore précise… sauf quand les détails deviennent trop embarrassants. Régis Peyrard est ce curé du département de la Loire dont les dérives pédophiles ont été dénoncées par des dizaines de victimes, abusés pendant quarante ans, à l'aumônerie des collèges et des lycées, en camps de vacances en Savoie, au domicile de leurs parents aussi. Ce prêtre qui confie s'être rendu compte, à 18 ans, de ses tendances homosexuelles… et de son attirance pour les jeunes garçons. Il est entré dans les ordres sans en parler à personne, « parce que c'était un tabou à l'époque », estimant pouvoir « tenir le coup ».

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Une seule plainte, la seule non prescrite, a suffi pour l'envoyer devant la justice. Le tribunal correctionnel de Saint-Étienne l'a jugé mardi pour « attentat à la pudeur commis avec violence ou surprise sur mineur de moins de 15 ans ». Un procès inhabituel, tenu sans instruction préalable, avec un seul plaignant. « C'est la première fois que j'organise un procès correctionnel autour d'un seul témoin pour des faits prescrits, et après une enquête que j'ai voulu rapide », a justifié le procureur de la République André Merle. Il voulait le juger vite, « pendant qu'il avait encore toutes ses capacités et qu'il était accessible à la responsabilité et à la culpabilité ».

Lire aussi Pédophilie : un ancien prêtre de 85 ans jugé à Saint-Étienne

«  C'était mon tour de vaisselle. Il est arrivé derrière moi, il m'a caressé les fesses »

À la barre, Maxime P., 37 ans, a raconté comment à l'âge de onze ans, en vacances au chalet de Peizey-Nancroix où le père Peyrard, fondateur de l'association Vacances vers les sommets, organisait tous les étés des camps pour ados, il s'est retrouvé coincé par le père Peyrard. « C'était mon tour de vaisselle. Il est arrivé derrière moi, il m'a caressé les fesses. » C'était en juillet 1991. L'année suivante, le jeune Maxime se retrouve face à Régis Peyrard, cousin et ami de la famille qui s'était invité à la table dominicale. « J'étais sur le balcon, il arrive derrière moi, il me glisse la main dans le caleçon. Je suis resté sidéré. » Il décrit un personnage « impressionnant par son charisme, par son physique imposant » dont l'autorité ne pouvait être remise en cause. Alors Maxime a « enfoui ses souvenirs ». Ils ne ressurgiront qu'en 2002, au contact de son frère aîné, lui aussi abusé par le père Peyrard.

« Je ne conteste pas les caresses, mais je ne sais pas jusqu'où c'est allé. Je n'ai pas de souvenir précis de ce qui s'est passé », se contentera de répondre l'octogénaire, « je n'ai réalisé que plusieurs années après que ça pouvait être grave pour ces personnes ». Régis Peyrard avait 60 ans à l'époque. Il explique avoir, pendant toute sa vie d'adulte, été victime « de pulsions » et être passé à l'acte « lorsque l'occasion de présentait », sans pourvoir en donner le nombre exact.

«  Vous avez la mémoire sélective. Vous avez plus de mémoire sur les faits prescrits »

Maxime est la seule victime dont la plainte est non prescrite. Mais pas la seule à avoir pu s'exprimer devant le tribunal correctionnel de Saint-Étienne. Il y a aussi Philippe, Jean-François, Georges, Xavier, Bernard, Jean-François encore, appelés à témoigner sur la personnalité du père Peyrard qu'ils ont croisé dans leur enfance. Et des histoires qui se répètent. Au chalet, à l'aumônerie, à l'infirmerie, sous la douche, chez les parents, à la cure, des enfants pris par surprise, et forcés de subir caresses et masturbations. Suivis d'amnésies traumatiques pendant plusieurs décennies.

Devant cette longue liste, le père Peyrard se fait plus précis : « Oui, je me souviens de ce qui s'est passé. Je reconnais tout ce qui est dit. Ça s'est passé comme ça. » Le procureur relève, lui, que sa mémoire est à géométrie variable : « Vous avez la mémoire sélective. Vous avez plus de mémoire sur les faits prescrits. Et une sorte d'amnésie pour ceux qui ne sont pas prescrits. »

Et puis, il y a pour finir le témoignage de Jean-François R. qui plonge à son tour le tribunal dans la sidération. Jean-François, 61 ans aujourd'hui, avait 10 ans lorsqu'il est parti en vacances au chalet de Peisey-Nancroix, en confiance avec l'ami de la famille. « Une nuit, je dormais à l'infirmerie parce que j'étais fiévreux. J'ai senti sa présence derrière moi, soufflant et transpirant. Il a commencé par des caresses, puis il m'a violé. J'ai subi des viols à répétition, j'ai passé une nuit d'épouvante. Je n'attendais qu'une chose, que le soleil se lève. » Lorsque Jean-François a parlé des faits, très récemment, à sa famille, ceux-ci ne l'ont pas cru. Et ont coupé les ponts.

Jugement le 21 décembre

Cette fois-ci, Régis Peyrard se fait moins conciliant. « Je ne reconnais absolument pas ces faits. Je n'ai aucun souvenir de cette nuit. Mais j'ai beaucoup cherché.  » Celui qui reconnaît aujourd'hui être « un salaud, qui a fait des gestes qu'il ne croyait pas si difficiles pour eux » et demandé pardon aux victimes attend le jugement du tribunal correctionnel pour le 21 décembre.

Le procureur a demandé au tribunal de le condamner à trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme. « Cet homme était une bombe à retardement, il est entré dans les ordres en sachant qui il était. Il s'est cru fort à l'époque, mais il était seul. À l'époque son coming-out était impossible face aux tabous. »

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Commentaires (6)

  • sergio46

    L'âge ne fait rien à l'affaire ! Il doit servir d'exemple !

  • Kermit12

    ... Que Le Point. Fr nous met en "Leading article" ?


    Les gilets jaunes dérapent de plus en plus, comme il était évident depuis le début mais on n'a droit qu'à quelques articles annexes sur le sujet, comme la chanson à leur gloire d'un militant.

    Pas fameux Le Point !

  • J-P L

    La prescription s'avère très commode non seulement pour l'accusé mais aussi pour ses complices tant dans l'église que dans la magistrature.

    «dieu merci, les faits sont prescrits», les odieux propos de Barbarin profitent également à d'autres veules personnages.

    Quant au réquisitoire, il paraît bien clément et il eut été utile d'indiquer la peine maximale encourue par cet amnésique sélectif.