La visite d’Emmanuel Macron à Berlin a fait son petit effet. Ses mots surtout. Il faut dire que le président français a multiplié les louanges à l’égard de son voisin (il a “flatté” les Allemands, note le Suddeutsche Zeitung), n’hésitant pas à citer Goethe (“Et ainsi, par-dessus les tombes!”).

Le président français a été invité par l’Allemagne à l’occasion d’une cérémonie annuelle rendant hommage aux morts de toutes les guerres. Il s’est dit “reconnaissant”, son hôte n’ayant aucune obligation de l’accueillir. Le pays a vaincu les “démons sanguinaires du nationalisme” et ”je suis fier que la France ait joué un rôle dans cette résurrection”, a déclaré le chef de l’Etat.

Emmanuel Macron n’a pas passé beaucoup de temps à se souvenir du passé en ce jour de deuil”, écrit toutefois Die Welt. Lors de son discours devant le Bundestag, il a d’abord parlé d’avenir : L’Europe, et en son sein le couple franco-allemand, se trouve investie de l’obligation de ne pas laisser le monde glisser dans le chaos”, a affirmé le dirigeant pour qui une “Europe plus forte et plus souveraine” est nécessaire.

L’Europe en tant que facteur de la politique mondiale ! L’Europe, source d’un ordre mondial juste ! Une Europe avec une politique de défense commune, une monnaie mondiale, une mission contre ceux qui veulent s’isoler et s’épuiser dans une rivalité totale ! En avant, en avant, allons - c’était le vrai message de Macron”, analyse Die Welt.

M. Macron a donc appelé le couple franco-allemand à ouvrir “un nouveau chapitre” pour l’Europe. “Nous le devons à tous ceux qui ont œuvré pour une Europe de paix au cours des 70 dernières années”, a-t-il déclaré, cité par Die Zeit. Die Zeit qui rapporte également les commentaires d’Angela Merkel évoquant un discours “impressionnant et magnifique”.

Les désaccords existent malgré tout entre les deux puissances, en particulier sur la création d’une taxe numérique européenne visant les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui paient très peu d’impôts sur le Vieux continent. “Le gouvernement français accuse le gouvernement fédéral de ralentir le dossier”, explique le Ausburger Allgemeine. “Les Verts, la Gauche et le SPD insistent avec véhémence sur une taxe numérique, car de nombreux citoyens considèrent que la perte de profits due à leurs données est extrêmement injuste”, précise le quotidien régional mais Berlin craint des représailles américaines contre les constructeurs automobiles allemands.

Loin de Berlin, les “gilets jaunes”

Si les propos d’Emmanuel Macron ont globalement séduit, le Frankfurter Allgemeine Zeitung se demande toutefois “comment” ouvrir le nouveau chapitre qu’il appelle de ses voeux. “Il veut une souveraineté européenne. Mais les intérêts nationaux ne sont pas toujours cohérents”, rappelle le quotidien.

Der Spiegel s’est attardé sur une autre partie du discours. “La France vous aime”, a assuré le président de la République, revenant sur une anecdote impliquant un soldat français et un soldat allemand lors de la Première Guerre mondiale. “Il ne semblait rien dire de nouveau jusqu’à la dernière phrase (…) En tant que chef d’État, il a fait à l’Allemagne une déclaration d’amour au nom de la France. Il ne s’agissait pas de comprendre, pas de confiance, pas de solidarité, non, d’amour”, constate le magazine.

Le journal ajoute que la traduction simultanée a parlé “d’équipe franco-allemande” plutôt que de “couple”. Or, “une équipe ne peut pas s’aimer mais un couple oui”, souligne Der Siegel. “La France veut partager la vie avec l’Allemagne, pas seulement le marché. La France veut partager le budget, l’armée, les impôts, les universités”, s’emballe la publication installée à Hambourg.

Il n’a pas échappé aux médias allemands qu’à Berlin, Emmanuel Macron était à l’écart de la colère des gilets jaunes chez lui, à l’image du général de Gaulle présent à Baden-Baden à Paris en mai 1968. La correspondante du FAZ dans la capitale française tente une autre comparaison, avec Louis XVI en 1789. “Le mythe de la révolution maintient le pays sous son charme. La protestation des “gilets jaunes” semble atteindre tous les coins de la République”, écrit-elle, suggérant que l’absence d’encadrement par un parti, un syndicat ou un mouvement religieux rend le mécontentement exprimé plus difficile à canaliser. “Macron s’est installé il y a un an et demi au palais de l’Élysée. Il devient clair maintenant à quel point le chemin de la pacification politique deviendra difficile”, conclut la journaliste.