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Un village français ouvre ses portes et son cœur à des réfugiés africains

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Un village français ouvre ses portes et son cœur à des réfugiés africains

Cinquante-six femmes, hommes et enfants évacués vers la France via le Niger ont reçu un accueil chaleureux dans une petite communauté rurale.
27 Avril 2018 Egalement disponible ici :
Entissar, une réfugiée soudanaise, traverse le village enneigé de Thal-Marmoutier, dans l'est de la France.

Les cimes enneigées offrent aux réfugiés africains un spectacle synonyme d’une nouvelle vie. Aucun n’avait encore vu la neige avant leur arrivée en bus dans ce paisible village français.


Emus par leur calvaire, les quelques 800 résidents de ce village alsacien se mobilisent pour accueillir de nouveaux voisins et les aider à faire leurs premiers pas en France.

Pendant quatre mois, ces 56 femmes, hommes et enfants seront accueillis dans un couvent de religieuses franciscaines tandis qu'une association à but non lucratif, France Horizon, les aidera à s'installer.

Vingt-cinq d'entre eux, originaires d'Érythrée, d'Éthiopie et du Soudan, sont restés bloqués et détenus en Libye et ont ensuite été évacués vers le Niger par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. C'est là qu'ils ont été rejoints par le reste du groupe, des réfugiés de la République Centrafricaine, du Mali et du Nigéria, et tous ont été réinstallés en France.

Pour le maire de Thal-Marmoutier, Jean-Claude Distel, l’opération s’est très bien déroulée. « Les réfugiés ont apprécié l'accueil fait par la population et nous aussi, on a beaucoup apprécié de pouvoir apporter notre petite contribution à leur réinsertion et leur donner tous les éléments pour pouvoir s'intégrer dans la communauté nationale, » dit-il.

Voici le récit des personnes engagées dans l’accueil de ces réfugiés.

Le travailleur social

Abdel Barbeche travaille pour l'ONG France Horizon. Il veille aux besoins des réfugiés réinstallés à Thal-Marmoutier.

Tout au long de la journée, Abel court d’un bout à l’autre du couvent à s’occuper de tout, depuis la prise de rendez-vous médicaux à la fourniture de savon en passant par le transport aux entraînements sportifs.

Il est responsable pour France Horizon de l’accueil et du logement des réfugiés dans le village.

Abdel vit temporairement au couvent. « C’est très important pour moi d’habiter ici pour m’assurer que tout se passe bien dans le couvent et dans le village, et aider à l’acceptation, » explique-t-il.

Abdel est psychologue clinicien et passionné par l’aide aux personnes en difficulté, dont des demandeurs d’asile. « Au fil du temps, on se rend compte que les personnes accueillies sont des personnes qui ont vécu des atrocités, » souligne-t-il.

Dès l’arrivée du groupe à Thal-Marmoutier, Abdel et son équipe de sept personnes ont organisé diverses activités, comme des ateliers cuisine et des séances de yoga, avec d’autres associations de la municipalité.

Aujourd’hui, une équipe médicale rattachée à l’hôpital universitaire de Strasbourg vient faire passer des tests médicaux aux réfugiés, sous la supervision d’Abdel. Les nouveaux résidents du couvent se succèdent pour s’assurer de leur bonne santé.

Abdel s’emploie également à sensibiliser les habitants du village. « Je suis satisfait et fier d’accueillir et de rassurer les réfugiés et les habitants du village, et de leur expliquer qu’il ne faut pas avoir d’aprioris ou de stigmatiser les personnes sans avoir eu aucun contact avec elles, » insiste-t-il.

L’institutrice

Sylviane Zins, institutrice, enseigne le français à des enfants réfugiés. « Ce sont des élèves très agréables, motivés, qui ont envie d'apprendre. »

« Alouette, gentille alouette », entend-on chanter, en refrain, lorsque l’on entre dans la classe du couvent. La plupart des enfants réfugiés fredonnent leurs premiers mots de français grâce à des chants traditionnels.

Les petits sont assis sur un tapis, à même le sol, tandis que l’enseignante, au milieu, mime la chanson. C’est un cours tremplin avant qu’ils n’intègrent une classe publique.

« Ce sont des élèves très agréables, motivés, qui ont envie d'apprendre. Ils mettent du cœur à l'ouvrage, » indique Sylviane.

« Je me rends compte que j'aurais moi-même beaucoup de mal à reproduire un son dans leur langue, de le retenir. Je me dis que je suis assez impressionnée, » ajoute-t-elle, enthousiaste.

Le professeur de français

Mohammed Makdani, professeur de français, enseigne aux nouveaux-venus les différences culturelles entre leur pays d'origine et la France, le déroulement de la vie en France et le fonctionnement des élections.

Les cours intensifs de français, organisés par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, rythment la journée. Après les repas, le réfectoire du couvent se transforme en classe.

Mohammed, professeur de français, prépare les réfugiés à la vie en France, lorsqu’ils loueront leur propre appartement. Il leur apprend à se présenter, à parler de leur pays d’origine et de leur situation familiale, mais également à se repérer grâce aux panneaux de signalisation.

« On leur donne des notions de la vie en France, des transports en commun, comment lire un plan sur un arrêt de bus… ces petits éléments du quotidien, » dit Mohammed.

Durant les cours de français, les nouveaux arrivants sont également informés des différences culturelles, du fonctionnement de la vie en France, de l'organisation des élections, de la séparation des pouvoirs et de la diversité de la société française.

 « On ne peut que s’améliorer, » dit-il, convaincu du progrès de ses élèves.

L’animateur culturel

Personne ne peut mieux comprendre la situation des réfugiés que Nicolas, lui-même réfugié, et animateur socio-éducatif chez France Horizon.

Il s’est pris de passion pour le travail humanitaire depuis qu’il a aidé à distribuer des vivres à des réfugiés rwandais arrivés dans son pays d’origine, la République démocratique du Congo, en quête de sécurité.

« Je ressens un plaisir énorme à aider autrui à aller de l’avant et à avancer. Il n’y a que cela que j’aime faire dans la vie, » insiste-t-il.

Nicolas a fui la RDC en raison de l'instabilité du pays et a demandé l'asile politique en France où vit son frère. Il a obtenu la nationalité française en 2009.

 « Quitter l’Afrique et se retrouver ici, c’est comme passer d’une planète à l’autre. Ces réfugiés n’ont jamais vu la neige et n’ont jamais vécu en Europe, » explique-t-il, ravi de pouvoir les aider à s’adapter.

Passionné d’éducation, il fait un doctorat en sciences de l’éducation. « Pour nous, réfugiés, qui n’avons pas de membres de la famille en France pour nous aider, il n’y a que la voie de la formation et des études qui peut nous aider à aller de l’avant, » dit-il.

Les voisins

Pierre et Denise, qui vivent en face du couvent, étaient d’abord sceptiques quant à l’arrivée des réfugiés. Leurs craintes ont laissé place à de l’affection.

A travers leur expérience, ils veulent montrer que les habitants ont leur part à jouer dans l’accueil et l’intégration des réfugiés.

Dès la première rencontre avec leurs nouveaux voisins, « on leur a dit bonjour et on a donné des friandises aux enfants. Depuis, tout va bien, » confie Pierre, attablé dans sa cuisine boisée.

« Il faudrait qu’on les emmène faire des courses, qu’on leur fasse visiter le pays, » ajoute Denise, son épouse.

Pour Pierre, « l’intégration vient toujours des enfants. » Il regrette que les réfugiés ne soient pas scolarisés avec les enfants du village, dès leur arrivée.

Après avoir tissé des liens, à force de salutations et de bavardages, le couple regrette le départ prochain des réfugiés. « Pour moi, ce sont des voisins. Le temps qu’ils vont passer là sera trop court, » avoue Pierre.

Les réfugiés

Deux fois par semaine, Farida, une réfugiée éthiopienne âgée de 23 ans, s'entraîne au stade de Saverne, à une dizaine de kilomètres de Thal-Marmoutier. Jamais découragée par la pluie ou la neige, elle est déterminée à réaliser son rêve : devenir championne d'athlétisme.

« Lorsque j’étais petite, j’allais à l’école en courant et ensuite j’ai été jusqu’à la ville à pieds, pour fuir les problèmes dans mon village, pour enfin arriver ici, » explique-t-elle, en faisant des étirements près d'une flaque d'eau, sur la piste de course.

Un ancien professeur de gymnastique du village qui l’a vue courir s’est décidé à lui venir en aide. Ils se retrouvent les mardis après-midi et bien qu’ils ne parlent pas la même langue, la passion du sport les a réunis.

« On s’est déjà entrainé une fois lorsqu’il avait neigé. Ce n’était pas un problème, on ne le sentait pas car on s’était bien échauffé, » dit-elle, en arborant un grand sourire.

« Un jour, je veux devenir une grande athlète et suivre ma voie. Je veux réussir dans ce nouveau pays et dans mon pays aussi. »