Bitcoin : première sanction aux USA

Cette semaine, l'avocat Eric Caprioli explique première décision aux USA sur une fraude en Bitcoin. L'occasion de revenir sur la définition du bitcoin et la réglementation en matière de cryptomonnaie.

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Bitcoin : première sanction aux USA

Créé en 2009 sous le pseudo Satoshi Nakamoto, le Bitcoin (et par extension d’autres actifs spéculatifs comme l’Ether ou encore le Litecoin) expose ses utilisateurs à un certain nombre de risques juridiques (fraudes), de sécurité (hacking) et économiques (volatilité des cours exposant à de fortes pertes). Divers Etats se sont emparés de ces problématiques mais des divergences de conception et d’encadrement subsistent. Une décision américaine récente du 15 octobre 2018 nous invite à faire le point sur les différentes approches.



Définition juridique du bitcoin

En France, le Bitcoin n’a pas de véritable valeur juridique. Ce n’est pas une monnaie légale. En effet, selon l’article L. 111-1 du Code monétaire et financier (CMF), "la monnaie de la France est l’euro".  Le Bitcoin, bien que stocké sous forme électronique (dans le cloud) ne correspond pas non plus à la définition de l’article L. 315-1 du CMF de la monnaie électronique. Pour cela, la monnaie doit être émise par un établissement de monnaie électronique (EME) agréé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Or, cela est antinomique avec la conception même du Bitcoin qui est fondé sur un protocole chiffré, la blockchain et qui a pour finalité de s’affranchir de toute institution centralisée.


Par conséquent, le Bitcoin peut constituer un moyen d’échange ou de troc au sens de l’article 1702 du Code civil. Les parties se donnent une chose pour une autre, le Bitcoin n’étant ainsi ni fongible ni consomptible comme l’argent, même si sa valeur actuelle est d’environ 4.000 €l’unité après être montée à 20.000 €. L’achat et la vente de Bitcoins s’effectuent en dehors des marchés réglementés. A ce jour, les Bitcoins ne constituent pas une réserve de valeur et ne peuvent raisonnablement pas être épargnés car ils se fondent sur la spéculation.


Des services émanant d’organismes de surveillance et de contrôle ont vu le jour afin de garantir que les pratiques soient conformes à l’Etat de l’art dans le domaine de la finance ainsi qu’aux dispositions légales et règlementaires nationales et internationales. Le Bitcoin est un actif spéculatif ou plus exactement un crypto-actif au sens de l’Institut national de la consommation (INC) qui le définit comme un "actif virtuel stocké sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs les acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale". Par ailleurs, ce dernier constitue depuis son origine – ce qui explique sans doute son succès et son développement depuis sa création en 2009 - un outil de choix pour les escrocs et les cybercriminels en raison de l’anonymat qu’il garantit grâce à la blockchain. Une décision américaine du 15 octobre 2018 en donne un exemple.



Une première sanction

La décision sanctionne un individu qui promettait grâce aux exceptionnelles capacités supposées de minage de ses ordinateurs de réaliser des profits importants en Bitcoins (gain de 7 à 11 % par mois). Depuis 2014, il avait ainsi collecté 600.000 dollars provenant de plus de 80 investisseurs. La CFCT ("Commodity Futures Trading Commission") avait détecté que les performances de ce fonds d’investissement rêvé étaient fausses et reposaient sur une pyramide de Ponzi.

 

Ce montage financier strictement interdit ne permet la rémunération des investissements donc le paiement des intérêts des personnes déjà épargnantes que par les fonds procurés par les nouveaux entrants et tant qu’ils arrivent en nombre suffisant. L’écroulement de la pyramide s’opère lorsque les souscripteurs du système récupèrent leur argent et que le nombre de nouveaux arrivants ne peut plus les rémunérer.

La Cour fédérale du district Sud de New York a ordonné le règlement d’une amende civile et de réparation de 2,5 millions de dollars au coupable. Il s’agit de la première action répressive contre une fraude réalisée en Bitcoins rendue après une plainte déposée par la CFCT et son service spécialisé sur la surveillance des monnaies virtuelles la "Enforcement’s Virtual Currency Task Force".



Régulation ou encadrement juridique strict ?

Le Bitcoin est utilisé pour réaliser bon nombre d’infractions via l’Internet, dont la réalisation de cyber-infractions (phishing, vente de malwares, de contenus pédo-pornographiques, …), mais aussi pour des infractions qui s’effectuent dans le monde réel (blanchiment, financement du terrorisme, trafic de drogue, et armes, …). Il a d’ailleurs souvent été considéré comme la « devise » de prédilection du Darkweb, l’Internet caché, pour réaliser des transactions anonymes légales et illégales.


C’est pourquoi, l’encadrement de l’utilisation des crypto-actifs est apparu indispensable. Ainsi, des organismes de régulation de régulation financières comme la CFTC aux Etats-Unis, ou la FSA au Japon ont créé des services spécialisés.
Si la voie de l’autorégulation (regroupement des principaux acteurs du secteur afin de créer des règles de conduite) a déjà été choisie par la FSA en autorisant la "Japan Virtual Currency Exchange Association (JVCEA)", les Etats-Unis s’orientent aussi dans cette voie qui s’inscrit dans la politique de la CFTC.


En France, l’AMF et l’ACPR ont mis en garde les épargnants qui utilisent des crypto-actifs alors que la Banque de France est beaucoup plus radicale et prône un encadrement strict de ces crypto-monnaie (solution législative et règlementaire d’interdiction).
 Au niveau européen, l’ABE avait émis un avis sur les devises virtuelles en 2014 et la Commission avait appelé à la création d'un groupe d'étude transversal sur la technologie des registres distribués, qu’elle devait diriger dans un rapport voté le 26/05/2016 mais qui, pour l’instant, n’a pas eu de suite.


A l’unisson, les institutions françaises de régulation défendent la non reconnaissance du Bitcoin comme une monnaie. Leur argument principal est l’exposition aux risques en matière de blanchiment de fonds et de financement du terrorisme. Mais l’augmentation du nombre de transactions réalisées par ce moyen notamment due aux profits à court terme que certains individus font miroiter ne provoquera-t-il pas un changement de position ? Donc, la prudence reste de mise !



Eric A. CAPRIOLI, Avocat à la Cour, Docteur en droit, membre de la délégation française aux Nations Unies, Société d’avocats membre du réseau JurisDéfi
 

Les avis d'experts sont publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.

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