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Education

L'Université quasi-gratuite torpillée par la Cour des comptes

Le modèle quasi-gratuit de l'université est-il obsolète? C'est ce qu'affirment les magistrats de la Cour des Comptes qui suggèrent dans un rapport d'augmenter les frais d'inscriptions des étudiants, pour faire face aux difficultés que rencontrent les établissements.

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Des doctorants reçoivent leur diplôme à la Sorbonne.

BERTRAND GUAY / AFP

La proposition a fait l'effet d'une petite bombe. Dans son dernier rapport "les droits d’inscriptions dans l’enseignement supérieur public" que Le Monde s’est procuré, la Cour des Comptes préconise l'augmentation des frais d'inscription à l'Université.

Pour les magistrats financiers, le modèle "historique de quasi-gratuité" de l'Université (les étudiants s'acquittent de 2% du coût réel de leurs études) est devenu obsolète face à l'assèchement de leurs ressources et à la montée en puissance des établissements d'enseignement supérieur attractifs comme Sciences et l'Université Paris Dauphine, dont les frais d'inscription sont bien plus élevés. Les hauts-fonctionnaires proposent ainsi de porter les frais de master à 965 euros par an (contre 243 euros actuellement) et de doctorat à 781 euros (contre 385 euros aujourd'hui). Le coût de la licence de 170 euros serait, lui, sanctuarisé, afin de ne pas contrevenir au "principe d’égal accès à l’enseignement supérieur". Dans ce scénario, les Sages visent 432 millions d’euros de recettes supplémentaires par an pour les établissements, une petite bulle d'oxygène pour les universités, soumises à un austérité budgétaire depuis plusieurs années. "Il nous manque environ 150 millions par an pour fonctionner correctement", explique Khaled Bouabdallah, vice-président de la Conférence des présidents d'université".

En effet, celles-ci subissent à la fois une progression de la charge de leur masse salariale (augmentation mécanique des salaires dans la fonction publique) et une augmentation démographique des étudiants. Depuis cinq ans, les universités accueillent entre 20.000 et 60.000 étudiants supplémentaires chaque année. Ces nouvelles charges ne sont pas entièrement compensées par l'Etat, si bien qu'une dizaine d’établissements universitaires (sur 70) se trouvaient en 2017, dans une situation budgétaire "dégradée" ou "très dégradée", selon la Cour des Comptes. Les magistrats envisagent donc dans leur dernier rapport la possibilité pour les établissements de moduler la hausse de leurs frais d'inscription en fonction de leur besoin et de leur stratégie, dans la limite d'un plafond instauré par le gouvernement.

L'Université, un monstre bureaucratique ?

"C'est exactement ce qu'a fait l'Angleterre et toutes les facs ont poussé le curseur au maximum, se désole Hervé Cristofol, secrétaire général Snesup FSU. Pour faire cinq années d’étude, il faut déjà s’endetter. C'est une aliénation supplémentaire de la jeunesse et un désengagement progressif de l'Etat qui veut transformer le bien commun qu'est l'éducation en un investissement individuel". "Les étudiants ne sont pas là pour combler un sous-financement de l’Enseignement supérieur", s'indigne aussi le syndicat étudiant la Fage. La France qui dépense chaque année 13.873 euros par an pour chaque étudiant n'est qu'au 15è rang des pays de l'OCDE en terme de budget par élève dans le supérieur, loin derrière les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.

"Une augmentation des frais d'inscription ne changera rien aux problèmes qui gangrènent l'Université, anticipe Olivier Vial, président de l'UNI. A chaque fois qu'on a augmenté le budget des facs, on rajouté dans le même temps une nouvelle strate administrative et de nouvelles missions - pôle de compétitivité, pôle d'excellence, examen des dossiers Parcoursup - qui ont aspiré les budgets et transformer l'Université en un monstre bureaucratique." Le président de l'UNI pointe "la paralysie administrative", comme véritable problème de l'enseignement supérieur public : "Il faut monter trois dossiers pour ne serait-ce qu'envisager mettre sur pied une conférence! Tant qu'on ne changera pas le système, on continuera d'arroser le désert". Une vision réfutée par le vice-président de la Conférence des présidents d'université. "Il y a des lourdeurs comme partout, mais c'est une maladie française qui n'est pas propre à l'Université. Cela fait des années que l'on chasse toutes les économies réalisables", assure-t-il.

Prudent, Fabrice Le Vigoureux le député LREM qui a commandé le rapport à Cour des Comptes sur les droits d'inscription a assuré que l'augmentation générale des frais d'inscription n'était pas prévue dans le calendrier gouvernemental. Il préconise plutôt une hausse des frais pour développer "certains services" dans "certains masters" dont l'insertion professionnelle est satisfaisante. La majorité a beau s'en défendre, l'Université payante n'est plus un tabou.

Part du financement public dans l'Enseignement supérieur par pays

Japon : 29%

Etats-Unis : 38%

Moyenne OCDE : 70%

Espagne : 73%

France : 80%

Allemagne : 86%

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