Le drame aurait-il pu être évité à Marseille, où plusieurs immeubles d'habitation se sont effondrés début novembre 2018 ? La procédure de péril avait pourtant été déclenchée plusieurs fois dans au moins 2 de ces immeubles. Pourtant, à l'heure du tout numérique et des big data, des solutions technologiques existent pour suivre en quasi temps réel les déformations d'une structure. Elles sont aujourd'hui couramment utilisées pour de grands ouvrages tels que des ponts, des tunnels (où il existe un impératif réglementaire de surveillance), des centrales nucléaires, voire des monuments historiques en cours de restauration... et plus rares dans l'habitat résidentiel. Enquête avec les pionniers français du Structural Health Monitoring - SHM -, domaine émergent où il s'agit de contrôler la santé des infrastructures à l'aide, entre autres, de capteurs automatisés. Le point sur les technologies utilisées... et leurs limites d'utilisation.
Un arsenal de capteurs ...
Dans le cadre des procédures de péril, l'écartement des fissures est le plus souvent mesurée à l'aide d'instrument simples comme des jauges Saugnac, où l'on réalise des contrôles visuels à la main. Mais des capteurs électroniques automatisés, dans certains cas sans fil, peuvent également être utilisés. Chaque société spécialisée a sa marque de fabrique. Le Laboratoire d'études et de recherches sur les matériaux (Lerm Setec), basée à Arles, a par exemple développé Captae, un boîtier communiquant sans fil embarquant jusqu'à 13 types de capteurs à la fois. "Une caméra intégrée permet de suivre l'évolution des fissures dans le temps", détaille Bernad Quénée, directeur général délégué. "Mais nous incorporons aussi un thermomètre et un hygromètre, afin de savoir si ces mouvements sont corrélés à la température et à l'humidité." La société SITES propose une solution similaire, à travers un "fissurothemologueur", qui mesure l'agrandissement des fissures en fonction de la température, aussi en temps réel. D'autres grandeurs physiques peuvent être mesurées : verticalité (à l'aide d'un inclinomètre), accélération, pression d'un fluide en sous-sol (piézomètre), vitesse et pression du vent (anémomètre)...
Le drame aurait-il pu être évité à Marseille, où plusieurs immeubles d'habitation se sont effondrés début novembre 2018 ? La procédure de péril avait pourtant été déclenchée plusieurs fois dans au moins 2 de ces immeubles. Pourtant, à l'heure du tout numérique et des big data, des solutions technologiques existent pour suivre en quasi temps réel les déformations d'une structure. Elles sont aujourd'hui couramment utilisées pour de grands ouvrages tels que des ponts, des tunnels (où il existe un impératif réglementaire de surveillance), des centrales nucléaires, voire des monuments historiques avant de restauration... et plus rarement dans l'habitat résidentiel. Enquête avec les pionniers français du Structural Health Monitoring - SHM -, domaine émergent où il s'agit de contrôler la santé des infrastructures à l'aide, entre autres, de capteurs automatisés. Le point sur les technologies utilisées... et leurs limites d'utilisation.
Un arsenal de capteurs ...
Dans le cadre des procédures de péril, l'écartement des fissures est le plus souvent mesurée à l'aide d'instrument simples comme des jauges Saugnac, où l'on réalise des contrôles visuels à la main. Mais des capteurs électroniques automatisés, dans certains cas sans fil, peuvent également être utilisés. Chaque société spécialisée a sa marque de fabrique. Le Laboratoire d'études et de recherches sur les matériaux (Lerm Setec), basée à Arles, a par exemple développé Captae®, un boîtier communiquant sans fil embarquant jusqu'à 13 types de capteurs à la fois. "Outre le suivi de l'inclinaison et des vibrations, une caméra intégrée permet de suivre l'évolution des fissures dans le temps", détaille Bernad Quénée, directeur général délégué. "Mais nous incorporons aussi un thermomètre et un hygromètre, afin de savoir si ces mouvements sont corrélés à la température et à l'humidité." La société SITES propose une solution similaire, à travers un "fissurothermologueur", qui mesure l'agrandissement des fissures en fonction de la température, aussi en temps réel. D'autres grandeurs physiques peuvent être mesurées : verticalité (à l'aide d'un inclinomètre), accélération, pression d'un fluide en sous-sol (piézomètre), vitesse et pression du vent (anémomètre)...
ALERTES. Ce n'est pas tout. Il existe aussi des extensomètres (capteurs de déformation) conçus à partir de fibres optiques, ce qui permet de détecter, après étalonnage, des déformations de l'ordre du micron. "Notre 'corde optique' est un capteur intelligent capable de mesurer les déformations à une fréquence de 100 Hz (ndlr : 100 mesures par secondes), soit quasiment en continu", précise Constant Choqueuse, responsable du département ingénierie d'OSMOS Group. Transmises à des serveurs informatiques dédiés, ces données sont traitées à l'aide de méthodes mathématiques et statistiques pour déclencher l'envoi de notification personnalisée au gestionnaire du bâtiment, ce qui permet dans certains cas de sonner l'alerte. "Après avoir équipé les poteaux d'un parking sous-terrain aux Pays-Bas, nous avons pu voir à temps que l'un d'eux se décomprimait, ce qui traduisait une perte de portance du sol. Le gestionnaire a ainsi pu faire évacuer les lieux à temps, 3 jours avant le drame."
... qui ne peuvent remplacer l'ingénieur
L'essor de l'intelligence artificielle alimente de nombreux fantasmes, à commencer par celui du remplacement de savoir-faire professionnels par des machines automatisées. Il reste toutefois inenvisageable de remplacer les ingénieurs structures par des capteurs et des algorithmes. "Le capteur ne fait pas tout : cela dépend aussi de la géométrie du bâtiment, et des calculs", martèle Sébastien Piot, expert en instrumentation pour la société SITES. "Cela reste un métier d'expert. Comme pour un médecin, il faut savoir où poser les instruments en fonction de la conception, de ses pathologies", poursuit Constant Choqueuse. Cela implique de bien comprendre le comportement des structures." Et de savoir à quelle fréquence régler les capteurs : "Si l'on souhaite comprendre le comportement dynamique d'un pont, il faut plusieurs centaines de mesures par seconde", ajoute Sébastien Piot.
DONNÉES. Reste que la question des données est assez nouvelle pour le secteur. "Dans certains cas, disposer de bases de données sur le comportement des matériaux, in situ dans les structures nous serait bien utile, en particulier sur le sujet de la corrosion des armatures du béton armé", reconnaît Bernard Quénée. "Si l'on veut pouvoir appliquer les big data au bâtiment, il faut commencer par disposer de suffisamment de données... et donc, instrumenter davantage", estime Hervé Lançon, directeur général de SITES. "Par exemple, nous avons équipé de capteurs la pyramide du Louvre dès sa construction. Imaginez la mine de connaissances que représentent 30 ans d'historique !". Hervé Lançon défend à cet égard la constitution d'une filière industrielle française du SHM, "encore trop souvent méconnue dans le bâtiment alors que l'approche est couramment employée par les industries aéronautiques et pétrolières.""C'est une question assez semblable à celle de l'ouverture des données médicales", juge-t-il.
Le bâtiment, "parent pauvre" du génie civil ?
Principal frein à leur adoption généralisée par le secteur du bâtiment : l'absence d'obligation réglementaire, alors qu'elle s'impose pour les ouvrages d'art (ponts, tunnels...) gérés sous forme de concessions. "Si l'on veut, le bâtiment reste un parent pauvre. Lors de l'acquisition d'un bien immobilier, il existe bien des diagnostics plomb ou amiante... mais rien sur la durabilité des structures", déplore Hervé Lançon. "Équiper les bâtiments résidentiels à la construction coûterait environ 0,15% du coût de l'ouvrage [ndlr : le coût des solutions s'étend de quelques milliers à plusieurs millions d'euros selon leur complexité] ... et permettrait de réaliser des économies significatives, en pensant à la durabilité des immeubles. Il faut faire du préventif, pas du curatif ! Une solution serait peut-être de travailler avec les assureurs", imagine-t-il.
Dans les faits, des bâtiments à usage d'habitation sont d'ores et déjà instrumentés par ces professionnels. "Dans certains cas, c'est l'entreprise de construction qui nous demande de surveiller les structures voisines du chantier", précise Constant Choqueuse. Une façon pour un promoteur de minimiser le risque juridique, en s'assurant que ces travaux ne dégradent pas le bâti alentours... Un budget dont ne disposent pas forcément les Mairies, en tout cas pas pour les procédures de péril, dans un contexte où un rapport a montré à l'été 2018 que 840 ouvrage d'art (ponts, routes, tunnels...) non concédés sont menacés de vétusté faute de budget suffisant. "On semble considérer que ce qu'on construit est éternel, alors que la question de la durabilité doit toujours se poser", regrette Hervé Lançon.