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La crise de l'information, enjeu existentiel de nos démocraties

LE CERCLE/POINT DE VUE - Partout la crédibilité de l'information et des médias traditionnels s'érode. Il nous faut absolument maintenir une exigence de vérité.

L'information est un bien commun, l'une des ressources vitales de l'espace et du débat publics en démocratie.
L'information est un bien commun, l'une des ressources vitales de l'espace et du débat publics en démocratie. (Shutterstock)

Par Vincent Giret (directeur de l’information et des sports de Radio France )

Publié le 22 nov. 2018 à 08:40

Une crise sans précédent de l'information fait peser un danger majeur sur nos démocraties. En deux petites décennies, quatre ruptures ont bouleversé le monde des médias et le marché de l'information comme autant de mouvements tectoniques.

Une rupture technologique, qui a vu le numérique se propager à une vitesse inégalée dans l'histoire des techniques ; une rupture des usages, qui ne cessent de se transformer sous nos yeux : depuis l'émergence de nouveaux acteurs sur la Toile, on ne consomme plus ni la télévision, ni la presse, ni les médias comme au XXe siècle ; 62 % des adultes américains s'informent déjà en priorité sur les réseaux sociaux (1) ; une rupture des modèles économiques, qui a provoqué de puissants mouvements de concentration et surtout la disparition de nombreux médias, au point que, dans certaines grandes villes américaines, il n'y a déjà plus ni presse papier ni organes locaux d'information, privés ou publics.

Démocratisation et défiance

Une ultime rupture s'est enchaînée, celle de l'information en tant que telle. D'un côté, cette rupture se manifeste par une démocratisation, une libération même parfois de l'information dans certains pays où elle était sous contrainte, mais surtout par une libéralisation radicale du marché de l'information : chacun peut aujourd'hui produire de l'info, de l'opinion ou de l'intox, poster et partager des images ou des vidéos sur des plates-formes hyperpuissantes connectées à nos smartphones ; à l'heure des algorithmes, l'information est devenue horizontale, atomisée, surabondante, jusqu'à la saturation.

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De l'autre côté, une défiance abyssale met à l'épreuve nos démocraties : une enquête menée auprès de plus de 33.000 personnes dans 28 pays a montré que les médias sont désormais l'institution en laquelle la confiance est la moindre (2). Pas une démocratie occidentale n'y échappe : partout la crédibilité de l'information et des médias traditionnels s'érode.

Un monde social vacille. Car cette crise de l'information se double d'une crise de la vérité. Nous sommes entrés dans une ère sceptique ou relativiste, de remise en cause de la possibilité même de la vérité. Cette dérive se nourrit de l'idée absolument antidémocratique, antiscientifique, antijournalistique qu'il n'y a pas de vérité établie. Tout serait relatif et la source émettrice d'une information vaudrait davantage que l'information. Le journaliste britannique Damian Thomson alertait, dès 2008, sur la propagation d'une « pandémie de crédulité » et le repli des valeurs des Lumières face à la « contre-connaissance ».

Exigence de vérité

L'ensemble de ces ruptures accrédite l'idée d'une fin de cycle pour l'information, un cycle né dans les dernières décennies du XIXe siècle avec l'apparition des médias de masse qui proposaient à leurs lecteurs une représentation du monde qui permettait de « faire société ».

Un nouveau cycle s'ouvre en pleine tempête et il faut l'aborder avec quelques convictions fortes. L'information est un bien commun, l'une des ressources vitales de l'espace et du débat publics en démocratie. Elle repose d'abord sur une exigence de vérité, la promesse d'informations factuelles fiables, recoupées et impartiales ; des rédactions qui portent haut les valeurs du journalisme, avec des règles, une éthique et une déontologie affirmées. La carte de presse n'est pas un laissez-passer, ni celle d'un club, mais bien davantage la certification d'une exigence.

Le destin de l'information dépasse le seul horizon des journalistes, il engage chacun des acteurs de la société civile : citoyens, politiques, entrepreneurs, associations, syndicats. La crise multiforme de l'information concerne chacun d'entre nous, elle sera un défi de longue haleine pour nos démocraties.

Vincent Giret est directeur de Franceinfo (Radio France).Les Echos et Franceinfo organisent ce jeudi à Paris le festival Medias en Seine.(inscriptions mediaenseine.com)

(1) Reuters Institute Digital News Report, 2016

(2) Edelman Trust Barometer, 2017

Vincent Giret

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