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La voiture électrique, pas si écologique

Une voiture électrique est rechargée.

La batterie d'une voiture électrique se fait recharger.

Photo : iStock

Radio-Canada

« Voitures propres », « véhicules zéro émission », « virage vert »... Le gouvernement du Québec ne manque pas d'expressions pour vanter la transition vers l'électrification des transports. Alors que François Legault subit des pressions pour s'engager contre les changements climatiques, les voitures électriques sont-elles la solution?

Un texte de Thomas Gerbet (Nouvelle fenêtre) avec la collaboration de Jean-Sébastien Cloutier (Nouvelle fenêtre)

Les véhicules « propres » cachent un côté sale. Si l'on tient compte du cycle de vie complet de ces automobiles, le portrait apparaît soudain beaucoup moins vert.

Des études démontrent que la production de voitures électriques pollue jusqu'à deux fois plus que celle des voitures à essence. La fabrication d’un véhicule électrique a une telle empreinte écologique qu’il faut rouler plusieurs années avant d’atteindre un meilleur bilan en terme de gaz à effet de serre que les voitures à essence.

Alors que le Québec s'est fixé l'objectif ambitieux d'avoir 100 000 véhicules rechargeables sur les routes dès 2020, soit trois fois plus qu'à l'heure actuelle, voici plusieurs raisons de nuancer l’attrait pour cette solution « propre ».

Correction

Dans une version antérieure, nous écrivions que « Des études démontrent que la production de voitures électriques pollue deux fois plus que celle des voitures à essence ». Ce passage a été modifié, tout comme l'intertitre ci-bas.

Production jusqu'à deux fois plus polluante

Une usine d'assemblage de véhicules électriques à Zouping, en Chine.

Une usine d'assemblage de véhicules électriques à Zouping, en Chine.

Photo : AFP

Quand elle sort de l'usine, avant même d'avoir parcouru son premier kilomètre, une voiture électrique a déjà émis plus de gaz à effet de serre qu'une voiture à essence.

À la demande d'Hydro-Québec, le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) a calculé qu'au moment de son achat, le véhicule électrique a cumulé un impact environnemental jusqu'à deux fois plus élevé que le véhicule à essence (Nouvelle fenêtre). Un résultat corroboré par une étude publique de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), en France.

Croissance de l'activité minière pour produire les batteries

Production de lithium dans des bassins de saumure, au Chili. On voit des bassins de plusieurs couleurs dans le désert.

Production de lithium dans des bassins de saumure, au Chili. Photo présentée à la presse dans le cadre de l'exposition Anthropocene, actuellement au musée des Beaux Arts de Toronto.

Photo : Edward Burtynsky, Anthropocene

Produire un véhicule électrique génère une très grande consommation de ressources naturelles. Beaucoup plus qu'un véhicule traditionnel. Selon le CIRAIG, même en parcourant 300 000 kilomètres au Québec, un véhicule rechargeable ne parviendra jamais à rattraper l'empreinte écologique de sa production sur l'épuisement des ressources.

La demande de métaux comme le lithium et de minéraux comme le graphite est en forte croissance dans le monde et ce phénomène va s'accélérer à mesure que la production de véhicules électriques se développe.

Une batterie de voiture électrique contient près de trois kilos de lithium, considéré comme un « or blanc ». Plusieurs chercheurs estiment que si tous les véhicules de la planète étaient électriques, les réserves de lithium seraient épuisées en quelques décennies.

Assurons-nous, dans cette transition énergétique, de ne pas créer un autre problème environnemental.

Une citation de Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine

Correction

Dans une version antérieure, nous écrivions que le graphite est un métal. Or, comme le stipule cette version-ci, le graphite est un minéral.

Mardi, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a dénoncé la forte croissance des déchets miniers dans la province, dont le total dépasserait les 100 millions de tonnes par année.

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les projets d'exploitation de minéraux destinés à l'électrification des transports sont en forte augmentation.

La province ne compte qu'une seule mine de lithium et une seule mine de graphite. Mais pas moins de six nouveaux projets sont en développement (trois pour le lithium et trois pour le graphite).

Un projet de mine de lithium en Abitibi a récemment fait les manchettes en raison de sa proximité avec une source d'eau potable. Un autre projet de graphite suscite une mobilisation citoyenne dans les Basses-Laurentides, à Grenville-sur-la-Rouge.

Fabrication à l'autre bout du monde

Un navire cargo entre dans un port

La Chine veut recréer la légendaire route de la soie pour forger de nouveaux liens économiques entre l'Asie et l'Europe.

Photo : Reuters

Près de 70 % de la production mondiale de batteries se fait en Chine. Le raffinage des minerais y produit beaucoup de gaz à effet de serre et l'assemblage des matériaux des batteries est très énergivore, puisqu'il est préparé dans des fours à haute température.

La Chine est aussi le premier producteur mondial de voitures électriques. D'ici 2025, la Chine souhaite en vendre 7 millions par année avec du transport par cargos pour atteindre les marchés.

Les Chinois jouissent d'un quasi-monopole de l'extraction des terres rares nécessaires à la fabrication des moteurs (aimants, par exemple). Chaque voiture en compte près de 10 kilos. Pour extraire ces minéraux, le procédé d'acidification a des impacts sur l'eau et les écosystèmes.

Il faut beaucoup de sale pour faire du propre.

Une citation de Guillaume Pitron, journaliste, auteur du livre « La guerre des métaux rares », en entrevue à France Info

Contrairement à leur nom, les terres rares ne sont pas rares. Même si la Chine concentre leur production, on retrouve des gisements au Québec. Si aucune mine n'est encore exploitée ici, trois projets sont en branle.

Selon le rapport du CIRAIG remis à Hydro-Québec, une voiture électrique doit parcourir 50 000 kilomètres pour compenser son empreinte accumulée sur la qualité des écosystèmes, en comparaison avec un véhicule à essence. Au-delà de ce seuil, c'est la voiture traditionnelle qui pollue le plus.

Voiture électrique ou voiture au charbon?

Un paysage désertique avec, au centre, une centrale camouflée dans une épaisse fumée blanche

De la vapeur s’échappe des cheminées de la centrale thermique au charbon Jim Bridger à Rock Springs, au Wyoming.

Photo : Reuters / Jim Urquhart

Avec une électricité produite presque exclusivement par les barrages, le Québec est l'un des endroits au monde où le cycle de vie d'une voiture électrique est le moins dommageable pour l'environnement. Mais il ne faut pas oublier que dans beaucoup d'endroits de la planète, et même ailleurs au Canada, l'électricité est produite grâce à des énergies fossiles.

En Alberta et en Saskatchewan, près de 85 % de l'électricité est produite à partir du charbon et du gaz naturel. En Chine et en Inde, les centrales au charbon sont responsables de la majorité de la production électrique. En Allemagne, c'est 40 %.

En France, les trois quarts de l'électricité viennent de centrales nucléaires dont la gestion des déchets demeure un grand défi environnemental. La catastrophe de Fukushima, au Japon, en 2011, est venue rappeler que ce mode de production n'est pas sans risque.

Selon l'étude du CIRAIG, même dans un contexte québécois, une voiture électrique doit parcourir 90 000 kilomètres avant de présenter un meilleur bilan pour la santé humaine qu'une voiture à essence.

Si vous avez le choix de ne pas avoir de véhicule, n'en achetez pas. Si vous n'avez pas le choix, prenez-le électrique.

Une citation de Martin Archambault, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec.

Des voitures électriques dans le trafic

Congestion routière.

La circulation est souvent dense dans l'échangeur Turcot.

Photo : Radio-Canada / Simon-Marc Charron

La professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité, Catherine Morency, estime que le véhicule électrique constitue « une bonne solution individuelle quand il n’est pas possible de se passer d’un véhicule particulier ». Mais qu'il faudrait évaluer avant tout la possibilité de marcher, faire du vélo, utiliser le transport en commun ou faire de l'autopartage.

Le Québec doit développer des alternatives à l’auto solo, en améliorant les conditions de déplacements en modes actifs, en donnant la priorité au transport en commun.

Une citation de Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité

Des émissions nocives malgré tout

pneu sur une voiture avec neige dessus

Comment bien choisir ses pneus d'hiver.

Photo : Gian-Paolo Mendoza/Radio-Canada

Au Québec, une voiture électrique qui roule 150 000 kilomètres produira 65 % moins de gaz à effet de serre qu'une voiture à essence. La disparition des GES n'est donc pas totale.

Même si les voitures électriques n'émettent pas d'oxyde d'azote ni de composés organiques volatils, elles émettent certaines particules fines en raison du frottement des pneus sur la route et du freinage, au même titre que les véhicules à essence.

Une étude menée à Paris en 2012 démontrait que l'abrasion des pneus et des plaquettes de frein était responsable de 11 % des émissions de particules fines PM10 dans la région.

Une fin de vie à améliorer

Le moteur électrique d'une Nissan e-NV200.

Le moteur électrique d'une Nissan e-NV200.

Photo : Getty Images

« Actuellement, il n'y a aucun procédé de recyclage pour le lithium », a expliqué le professeur de génie chimique à Polytechnique Montréal, Réjean Samson, lors d'une conférence au printemps dernier.

Le professeur Samson, qui est également directeur du CIRAIG, constate que le recyclage des batteries est encore très complexe, car la chimie utilisée par les compagnies de production « change sans cesse ».

Plusieurs spécialistes estiment que le recyclage des batteries va s'améliorer avec le temps, de la même façon que les procédés de fabrication devraient devenir moins polluants au rythme des innovations.

Des entreprises canadiennes commencent d'ailleurs à se spécialiser dans ce type de recyclage.

Avec France Info

Mise au point

Par souci de clarté, nous avons ajouté un hyperlien vers l’étude du CIRAIG, pour permettre au lecteur d’y accéder plus aisément.

Nous avons également précisé que l’étude en question datait de 2016. Elle a d’ailleurs été largement évoquée lors d’une émission de Découverte, le 29 avril 2018.

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