Au nord-est du Brésil, des monticules de terre visibles depuis l'espace se comptent par millions. Ils recouvrent une surface de 230.000 km2, ce qui équivaut pratiquement à la superficie de la Grande-Bretagne ! Avant que certains ne voient en eux une quelconque trace de civilisation extra-terrestres, une équipe internationale de chercheurs a mené une enquête approfondie.
Environ 200 millions de mottes de terre dans cette région du Brésil
Dans leur étude parue le 19 novembre 2018 dans la revue Current Biology, ils expliquent que ces structures en forme de cône qui semblent à égale distance les unes des autres ont pour architecte les termites Syntermes dirus. Grâce à des images satellites, des recherches au sol et l'utilisation d'un modèle prédictif, les scientifiques supposent qu'il existe plusieurs dizaines de millions de monticules, d'une hauteur comprise entre 2 et 4 mètres et d'un diamètre de 9 m, cachés en grande partie par la végétation. "La distance moyenne entre les monticules est de 20 m, ce qui donne une densité de 1800 monticules par km2 et conduit à une estimation de 200 millions de mottes de terre", précise l'étude. Chacun d'entre eux est composé d'environ 50 m3 de terre ce qui nécessite l'excavation de plus de 10 km3 de matériel, l'équivalent d'environ 4000 pyramides de Gizeh". Il s'agit là de la plus grande structure connue construite par une seule espèce d'insecte.
Mottes de terre (points blancs) visibles grâce à Google Earth notamment dans la zone déboisée à droite. © Google Earth
© Roy Funch
Des merveilles préservées depuis des milliers d'années
Heureusement, la zone, peu propice à l'agriculture, a été relativement préservée des activités humaines durant 4000 ans. Grâce à des échantillons de sol prélevés sur 11 buttes et à une technique de datation nommée luminescence optiquement stimulée, les chercheurs ont découvert que ces structures ont un âge compris entre 690 et 3820 ans. Durant cette période, ces insectes n'avaient pas pour objectif de former des monticules. Leur élévation est en réalité un phénomène collatéral. Selon les chercheurs, les termites ont construit un réseau de tunnel et c'est en déplaçant la terre durant des milliers d'années qu'elles ont involontairement créé ces étranges buttes dépourvues de structures internes. Leur dissémination relativement uniforme découlerait de l'utilité même des tunnels. Ces derniers permettraient aux termites un accès rapide aux feuilles mortes, une source de nourriture. "Notez leur configuration très régulière : ils ne se touchent jamais, ne sont jamais trop éloignés ou trop proches", s'émerveille Roy Funch, l'un des auteurs de l'étude interrogé par Sciences et Avenir. "Il est incroyable de constater qu'à notre époque, on peut encore trouver des merveilles biologiques inconnues de cette taille et de cet âge qui existent toujours et dont les occupants sont toujours présents", se réjouit dans un communiqué Stephen Martin, également co-auteur.