Publicité

Un rapport français choc veut rendre leurs œuvres spoliées aux Africains

Le président Macron reçoit officiellement aujourd’hui un rapport préconisant le retour en Afrique des œuvres accaparées par la France, notamment pendant la colonisation. Un séisme à venir

Figurines en bronze d’une cérémonie Ato au Dahomey (actuel Bénin), vers 1934. — © Gerard Julien/AFP Photo ©
Figurines en bronze d’une cérémonie Ato au Dahomey (actuel Bénin), vers 1934. — © Gerard Julien/AFP Photo ©

Faudra-t-il bientôt fermer les travées consacrées à l’art africain du Musée du Quai Branly, parce qu’elles auront perdu leurs plus belles pièces? La polémique bat déjà son plein en France, à propos d’un rapport qui n’est officiellement rendu que ce vendredi à Emmanuel Macron, mais dont les auteurs se sont déjà répandus dans la presse nationale et internationale cette semaine, bravant le protocole pour déminer un terrain explosif.

Lire aussi: Faut-il rendre les œuvres d’art aux pays d’origine? (Chronique)

Tout est parti d’une promesse du président français en visite à Ouagadougou, en novembre 2017: d’ici à cinq ans, il voulait que «les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique». Une révolution, l’Etat français ayant toujours refusé d’étudier les demandes de ses ex-colonies, les collections nationales étant inaliénables par le Code du patrimoine. Un an plus tard, le rapport de l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy et de l’économiste sénégalais Felwine Sarr matérialise cet engagement en proposant des modalités de restitution des œuvres acquises dans des conditions douteuses pendant la période coloniale. Et c’est peu dire que le nombre d’œuvres en jeu donne le vertige.

«Par vice de consentement»

Car plus de 90 000 objets d’art africain figurent aujourd’hui dans les musées français. Certains proviennent de butins de guerre amassés par des soldats. D’autres ont été acquis par des marchands d’art pour une fraction de leur valeur, puis revendus à des collectionneurs qui les ont ensuite légués. D’autres encore ont été rapportés par des ethnologues qui ont cru bien faire en les mettant à l’abri dans de grands musées. Enfin, les trafiquants locaux aussi ont joué un rôle. De très nombreuses œuvres acquises entre 1885 et 1960 l’ont ainsi été «par vice de consentement» et pourraient donc être rendues aux pays d’Afrique qui les demandent, si la législation est modifiée comme le recommande le rapport. Au Musée du Quai Branly, 46 000 pièces sur 70 000 pourraient être concernées.

«Il ne s’agit pas de vider les musées français», plaide Bénédicte Savoy. Selon elle, environ 80% de l’art d’Afrique aurait quitté le continent, une anomalie historique, un déni de mémoire, il faut donc procéder à un «rééquilibrage». Mais on tremble déjà, dans la quinzaine de musées français comportant d’importantes collections africaines. A Londres, à Berlin et ailleurs, on s’inquiète aussi du précédent que pourrait créer l’exemple français. Enfin, les collectionneurs privés, pas concernés, savent bien qu’eux aussi vont faire face à de nouvelles demandes. «Tout est aligné» pour une «onde de choc» en Europe et en Afrique, se réjouit dans Libération la porte-parole de la restitution, la Béninoise Marie-Cécile Zinsou.