Joseph Wu : « Taïwan ne fait pas partie de la Chine populaire »
La relation avec Pékin, la place de Taïwan dans les organisations internationales: Joseph Wu explique pourquoi le courant indépendantiste est à prendre au sérieux.
Par Michel De Grandi
La politique agressive de Pékin à l'encontre de Taïwan ne risque-t-elle pas de renforcer le courant indépendantiste dans l'île?
Le gouvernement taïwanais est soumis à une double pression. Celle de Pékin, qui n'a de cesse de détruire les signes de sa souveraineté, et celle d'une partie des citoyens qui veulent couper le lien entre Taïwan et la Chine continentale. Nous devons donc trouver la forme de dialogue la plus responsable qui demeure pour nous, celle définie par la Présidente Tsai Ing-wen : le maintien du statu quo, qui signifie ni réunification ni indépendance, cela afin de maintenir la paix et la stabilité des deux côtés du Détroit. Beaucoup de sondages montrent que la réunification n'est pas une option même s'il y a ici un petit nombre de personnes à penser le contraire. En même temps, si l'on regarde la réalité, Taiwan apparaît de facto comme un Etat indépendant: nous avons un président élu démocratiquement, un parlement, une monnaie, une armée et nous délivrons des passeports et des visas. Dans les organisations internationales, la Chine n'a de cesse d'en exclure Taiwan au motif que l'île est un élément du territoire chinois. Cela n'a aucun sens. Taiwan ne fait pas partie de la Chine.
Sur quels appuis pouvez-vous compter pour faire entendre votre voix à l'ONU?
Nous n'avons plus que 17 états d'Amérique latine et du Pacifique avec lesquels nous avons des relations diplomatiques. J'observe que, dans les années passées, les Etats-Unis, quelques Européens, l'Australie, le Japon, le Canada ont réellement soutenu Taïwan chaque fois que sa représentation internationale était en jeu. Regardez ce qui se passe à l'OMS. Beaucoup de ces pays estiment que la participation de Taïwan y est nécessaire. Nous avons besoin de plus de soutien encore. Que tous les pays qui défendent les valeurs démocratiques se mobilisent. Or, la réalité fait que pour la deuxième année consécutive, Taïwan n'a pas été invité à l'Assemblée générale de l'OMS. Cela est moralement injuste.
Quel impact redoutez-vous de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine?
A mesure que les Etats-Unis mettent en place leurs sanctions, nous scrutons les domaines où nos intérêts sont menacés mais jusqu'à présent, l'impact reste faible. Seuls quelques points posent problème, comme par exemple l'acier et l'aluminium. A moyen terme, si le climat devait se durcir entre les deux géants, les effets seront certainement plus marqués. J'observe que, certains investisseurs américains présents en Chine envisagent de relocaliser leurs activités. Certains pensent aux Etats-Unis mais aussi à d'autres pays d'Asie du sud-est. Les Taïwanais font le même calcul, sauf que certains envisagent de se replier à Taiwan. Nous regardons tout cela avec beaucoup d'attention et nous nous préparons à les accueillir.
Michel De Grandi