Dénutrition : une campagne choc contre un mal méconnu

Le Collectif de lutte contre la dénutrition lance ce lundi une campagne de prévention contre la dénutrition, maladie invisible qui touche 2 millions de personnes.

    Non, il ne mangera pas. Les tentatives de Sophie n'y changeront rien. C'est dit d'un murmure, d'un hochement de tête mais la gravité est ancrée dans leur regard. Fille et père sont à table quand la voix de Marie Drucker lance : « La dénutrition tue silencieusement. »

    Ce film, que nous dévoilons, est le début d'une campagne d'alerte menée par le Collectif de lutte contre la dénutrition, composé de professionnels de la santé et d'association de patients. Ce lundi, lors d'un colloque en mairie, la Ville de Paris sera la première collectivité à rejoindre le collectif qui présentera alors un site internet dédié et fera quinze propositions pour en finir avec cette maladie aux deux millions de victimes en France.

    « Elle est méconnue, car confondue avec la malnutrition et associée à la précarité. Or, la dénutrition touche tout le monde, une personne âgée, un patient atteint d'Alzheimer, un enfant avec une mucoviscidose qui perd l'envie de manger. C'est d'autant plus rageant qu'elle n'est pas une fatalité. D'où l'intérêt de l'ériger en sujet sociétal majeur », estime Jérôme Guedj, ancien député (PS), spécialiste des questions de vieillissement.

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    « Aujourd'hui, on a admis l'idée que la douleur n'est pas normale. Il faut en faire autant pour la dénutrition qui est tout simplement intolérable », embraie le professeur Éric Fontaine, président du collectif, nutritionniste au CHU de Grenoble (Isère).

    Du beurre dans les hôpitaux

    Parmi les propositions, l'instauration d'un dépistage bucco-dentaire gratuit à partir de 65 ans pour contrer « le lien étroit entre délabrement dentaire et dénutrition », nous annonce-t-il.

    Parce que la qualité à l'hôpital ou en établissement est jugée insuffisante, le collectif demande aussi un choix dans les plats proposés. Ou encore des temps plus courts entre deux repas, alors qu'il peut parfois s'écouler plus de 10 heures!

    Éric Fontaine alerte également sur les repas trop pauvres en graisses qui sont servis à l'hôpital. « Le plus simple serait de mettre sur le plateau une petite plaquette toute bête de beurre », constate le médecin dont le métier est de « faire grossir les maigres ». « Le rêve pour moi, c'est le super gras », lance-t-il sans rire.

    Mais certains services ont fait le calcul : une plaquette multipliée par 5 000 repas quotidiens, c'est 70 000 euros par an. « Soit deux postes d'infirmière ! Évidemment, la question ne devrait pas se poser ainsi. Aujourd'hui, on dépense en moyenne 3,73 euros par jour pour nourrir un patient à l'hôpital. Ce n'est pas assez pour avoir une quantité et une qualité suffisantes. »

    Rétablir la balance dans les pharmacies

    Il y a aussi des mesures qui ne coûtent pas grand-chose, comme imposer la pesée des patients à chaque consultation ou rétablir la balance dans les pharmacies.

    Et celles qui ne coûtent rien et nous concernent tous : par exemple, ouvrir la porte du frigo d'une personne âgée ou fragile pour vérifier ce qui s'y trouve. « C'est au début, lors des premiers kilos perdus, qu'il est le plus facile d'inverser la tendance », rappelle le collectif.