Crédit : InfoMigrants
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Vagues de deux mètres, courants importants, collision avec des cargos … un sauveteur explique les dangers d’une traversée de la Manche par les migrants et met en garde contre les mensonges véhiculés par les passeurs.

Huit migrants en hypothermie ont été secourus dans la nuit du samedi 24 novembre à environ 19 km au large de Sangatte dans le Pas-de-Calais, d’après la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord. Ils ont appelé le Samu pour demandé de l'aide alors qu'ils tentaient de traverser la Manche à bord d’un bateau pneumatique pour rejoindre l'Angleterre.

Cette nouvelle tentative intervient alors que six nouvelles embarcations de migrants en route vers l’Angleterre avaient été signalées dans la Manche vendredi matin. À la mi-journée, les gardes-côtes de Douvres étaient parvenus à en intercepter une.

"La Manche n’est pas un lac, mais une mer dangereuse", a réagi Bernard Barron, le président de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) à Calais. Il s’inquiète de la recrudescence des départs en mer sur des embarcations fragiles. Le bateau de sauvetage de Calais est en panne pendant au moins 15 jours, aussi ce sont les équipes de la SNSM de Boulogne, de Dunkerque et de Gravelines qui prennent le relais pour sauver les naufragés.

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"Vous n’avez qu’à suivre les lumières des ferries !" disent les passeurs

Quelques jours auparavant, dans la nuit du mercredi 22 novembre, 18 migrants ont été secourus pendant leur traversée. La semaine d'avant, une quarantaine d’entre eux a été recueilli en mer. "On est sur un phénomène en train d'exploser", s’alarme la préfecture maritime qui décrit une hausse des tentatives de passage par la Manche depuis octobre. "‘Vous n’avez qu’à suivre les lumières des ferries !’ disent les passeurs aux migrants. Ils réussissent à leur faire croire que la traversée est facile" déplore Bernard Barron, "car depuis Calais, par temps dégagé, on aperçoit même le château de Douvres sur les côtes anglaises".

Il faut dire que les deux villes sont séparées par une trentaine de kilomètres à vol d’oiseaux, mais les courants qui font dériver les petites embarcations, font faire des zigzags en mer et peuvent conduire à parcourir jusqu’à 70 kilomètres pour atteindre l’Angleterre. "Il faut disposer de véritables connaissances de marins pour ne pas tomber dans le piège des marées", ajoute Bernard Barron.

Se retrouver avec des vagues de deux mètres

Autre difficulté : la météo peut s’avérer trompeuse. La capitaine Ingrid Parrot, porte-parole de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, basée à Cherbourg explique la recrudescence des tentatives par des conditions météorologiques particulièrement clémentes lors de cette arrière-saison.

Les migrants partent souvent en soirée et espèrent arriver en 2 ou 3 heures, mais les traversées dans des embarcations précaires sont plus longues que prévues – 14 heures au minimum. "De longues heures durant lesquelles les conditions peuvent se dégrader. Vous pouvez partir par temps calme et vous retrouver au cœur de la Manche avec des vagues de 2 mètres de creux" prévient encore Bernard Barron.

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Sans gilet de sauvetage, ni bouée

Il estime que les personnes tentées par la traversée n’ont qu’1% de chance d’arriver en Angleterre par la mer : "La moitié de leurs chances s’envolent parce que les bateaux pneumatiques sont lents et immédiatement signalés par les ferries et les cargos qu’ils croisent".

Pour le reste, le danger d’une collision avec les cargos est le plus redouté. "Dans la Manche, le trafic maritime est dense avec près de 300 bateaux qui passent chaque jour, dans chaque sens". Or les risques de noyades sont important, les migrants que la SNSM a pu secourir ont été retrouvés sans gilet de sauvetage, ni bouée. "Les passeurs ne leur fournissent rien", a constaté Bernard Barron.

Par ailleurs, les migrants qui réussissent à atteindre le sol anglais ne sont pas à l'abri d'une expulsion. Pour l'heure, et en attendant le Brexit, le Royaume-Uni applique les accords de Dublin. Les migrants enregistrés dans un pays de l'UE sont donc susceptible d'être renvoyés. 

Depuis le début des tentatives de passage, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord n’a recensé aucun décès et ni de disparition en mer. "On n'a pas eu à déplorer des cadavres non identifiés sur une plage, on veut à tout prix éviter cela" a-t-elle prévenu.

Pourtant, à en croire l’expérience de Bernard Barron, ça n’est pas parce qu’on ne retrouve pas de corps sur une plage que ces traversées ne tuent pas : "Il peut y avoir des accidents en plein milieu de la Manche, et dans ce cas, les corps noyés échouent au fond de l’eau. Les courants peuvent aussi les emporter vers la Hollande ou les côtes belges" prévient-il.

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