Les Américains vont pouvoir passer au grill de la viande in vitro. Se pose la question de l'intérêt environnemental de cette viande cultivée en laboratoire issue de cellules animales. Si, contrairement à l'élevage, cette viande dite "propre" émet moins de gaz à effet de serre, elle pourrait être un gouffre énergétique. Cela dépendra de l'énergie utilisée et des méthodes de fabrication des entreprises du secteur. 
C’est une première mondiale. L’administration américaine vient d’ouvrir la voie à la commercialisation de la viande in vitro, fabriquée en laboratoire à partir de cellules animales. Cette ouverture pourrait bien accélérer le développement de ce secteur en pleine croissance qui a connu un vrai boom en août 2013, date à laquelle Mark Post, chercheur de l’université de Maastricht, a présenté le premier steak artificiel, le "Frankenburger".
Depuis, plusieurs entreprises se sont spécialisées dans ce domaine censé apporter une alternative écologique à la viande traditionnelle. Au Royaume-Uni, on surnomme même la viande in vitro la "clean meat", la viande propre.



78 % de gaz à effet de serre en moins



"La viande propre est très bénéfique pour l’environnement, car son empreinte carbone et écologique est considérablement réduite par rapport aux méthodes de production de viande actuelles", assure SuperMeat, une entreprise israélienne spécialisée dans le poulet in vitro.



Et de fait, selon une étude réalisée en 2011 par l’université d’Oxford, "comparativement à la viande européenne produite de manière conventionnelle, la viande in vitro (…) réduit de 78 à 96 % les émissions de gaz à effet de serre, réduit de 99 % l’utilisation des sols et de 82 à 96 % l’utilisation en eau".



Il faut dire que l’élevage est particulièrement polluant. Il représente 15 % des émissions de gaz à effet de serre mondiale et selon un rapport de l’ONG Grain et de l’IATP (Institute for agricultural and trade policy), les cinq plus gros producteurs de viande et de lait polluent aujourd’hui plus que les pétroliers.



Une énergie industrielle avec des combustibles fossiles



Mais attention, prévient Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l’Institut nationale de la recherche agronomique (INRA), "sur le plan environnement, il est difficile d’évaluer l’impact de ce procédé car il n’existe pas encore d’usine de production de viande artificielle"



Une étude publiée en 2015 dans la revue Environnement Science & Technology conclut que la viande in vitro pourrait même être plus énergivore que l’élevage. "Fabriquer de la viande in vitro demande plus d’énergie industrielle – souvent produite en brûlant des combustibles fossiles – que le porc, la volaille et peut-être même le bœuf", expliquent les chercheurs. "En conséquence, le potentiel de réchauffement climatique de la viande de synthèse est susceptible d’être plus élevé que celui de la volaille et du porc, mais moins que celui du bœuf".



Problème d’acceptation sociale et de prix



Ce domaine, en pleine expansion, peut donc encore améliorer son impact environnemental. Mais les entreprises du secteur ont d’autres arguments à faire valoir, notamment la fin de l’élevage industriel et de la maltraitance animale. Mais aussi une traçabilité et une transparence accrue, qui répondent aux attentes actuelles des consommateurs et qui permettraient de réduire considérablement les risques sanitaires.
Reste que pour permettre aux cellules de se multiplier, il faut un milieu de culture suffisamment riche qui contient "des hormones, des facteurs de croissance, du sérum de veau fœtal, des antibiotiques et des fongicides", explique Jean-François Hocquette donc des ingrédients "dont certains sont d’origine animale" et qu’il faudra produire à grande échelle.
Au final, le juge de paix pourrait être le prix. Le premier steak de Mark Post s’est ainsi vendu 250 000 euros en 2013. En 2017, le prix au kilogramme était estimé aux alentours de 15 000 euros. 


Marina Fabre @fabre_marina
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