Une douche chaude et gratuite pour les personnes dans le besoin, c’est ce que propose Le Camion Douche, une association toulousaine active depuis 4 ans.  Plusieurs fois par semaines, elle fait bénéficier d’un accès à l’hygiène et d’une aide vestimentaire aux individus dans la précarité et/ou sans-abris. Objectif : lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Et ça marche ! découverte inspirante.

9h, Place du Salin, en plein cœur de la ville rose. Comme chaque dimanche, le Camion Douche s’est garé sur un bout de trottoir. Ce matin et jusqu’à midi environ, cinq bénévoles sont présents pour accueillir toute personne dans le besoin. Ici, en plus de permettre aux gens de se laver, les volontaires donnent des kits d’hygiène et des vêtements propres adaptés à la saison. Depuis 2015, 5000 douches et un nombre important d’habits, de sous-vêtements et de chaussettes ont été distribués. De mars à mi-décembre, ce camping-car est présent trois fois par semaine, dans trois quartiers différents de Toulouse.

Aujourd’hui, je rencontre Michel, bénévole depuis le début de l’initiative : «  Vous voyez en face de nous, il y a le Secours populaire qui distribue le petit déjeuner. On a toujours fonctionné en binôme avec une association d’aide alimentaire. Le mercredi soir, Place Héraclès, les Restos du Cœur offrent le dîner. Comme ça, quand il y a du monde à la douche, ils ont de quoi patienter. Et au début, c’était aussi une façon d’être visible et de se faire connaître par ceux qui ont besoin de notre aide », m’explique-t-il.

Crédit image : Association Le Camion Douche

« S’adapter à chacun »

Ce matin Le Camion Douche est à peine arrivé et ils sont pourtant déjà quelques-uns à attendre leur tour. D’une année sur l’autre il y a même, comme les appelle Michel, “les habitués”. En tant qu’ancien, il les connaît bien : « On a des gens qu’on revoit chaque semaine et certains d’une saison à l’autre. » Néanmoins, « il y a tout autant de nouvelles têtes. » Il faut dire que la précarité augmente toujours en France. Selon les données 2016 (dernière année disponible) de l’Insee, on compterait 600 000 pauvres de plus en dix ans dans l’hexagone.

Serviettes, shampoings, savons, rasoirs, brosses à dents et dentifrices… Les bénévoles ont tout prévu. L’intérieur du camping-car est donc aménagé en deux parties. La pièce principale est équipée de bacs et de rangements pour la distribution des affaires. Et au fond, séparées par un rideau, il y a les cabines de douche et de déshabillage. L’intimité et la dignité des personnes sont donc parfaitement respectées.

À chaque arrêt, les bénévoles accueillent et accompagnent une dizaine de personnes en situation précaire. En été, ils sont parfois si nombreux que certains ne malheureusement peuvent accéder au service. « Ils savent qu’on fait ce qu’on peut. Ici, c’est la démerde. Il n’y a pas de règle, du moment que ça se passe dans le respect », confie Michel. Il s’agit aussi d’un travail constant d’adaptation, selon les situations et nécessités. « On a des personnes qui repartent juste avec des kits d’hygiène, avec tels ou tels produits et qui ne veulent pas prendre de douche. On essaye de s’adapter à chacun, au mieux selon leurs besoins », intervient Pierrick, l’un des pilotes du véhicule.

Crédit image : Association Le Camion Douche

Les femmes en retrait

Pourtant l’équipe sur le terrain a fait un étonnant constat. Celles, qui viennent le moins et qui évitent le plus la douche, ce sont les femmes. À l’intérieur du camion, ce sont pourtant des bénévoles du même sexe qui sont présentes pour faciliter le contact et accompagner, mais cette précaution ne suffit pas à convaincre beaucoup de femmes. Élisabeth, une bénévole, est témoin de cette situation : “On est là pour aider les gens démunis à avoir une hygiène et à se reconstruire. Mais on a du mal à faire venir des femmes et des enfants, on a que quelques habituées. Souvent, elles ne se lavent pas, elles prennent des vêtements et des produits d’hygiène. La situation de la femme dans la rue, c’est particulier. Elles sont agressées, c’est une vie très difficile. D’après Élisabeth, c’est une barrière qu’il reste à repousser.

Entraide, solidarité et reconnaissance

Pouvoir se laver et avoir des habits dans un état correct sont des bases considérées comme essentielles dans notre société. Des bases qui ne sont malheureusement pas accessibles à tous en dépit d’une richesse nationale battant des records. Pourtant, elles permettent de lutter contre l’exclusion sociale. Elles sont aussi un facteur d’insertion ou de réinsertion professionnelle. Michel le constate d’ailleurs à travers les personnes aidées : “Ce qui est marquant quand même c’est la différence d’attitude. Quand les gens entrent dans le camion, ils sont courbés avec le dos voûté. Quand ils sortent, ils se sont redressés, ils se sentent bien. Ils nous remercient et certains serrent même la main à tout le monde. On sait pourquoi on est là. ”

L’objectif de l’initiative est aussi de créer un échange social. Un dialogue pour maintenir le lien avec celles et ceux qui sont exclus de la société. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Olivier est venu la première fois. Il dort à l’année dans un centre d’hébergement dit d’urgence. Je l’ai rencontré alors qu’il attendait son tour. C’est lui qui a engagé la conversation : “Moi, je viens depuis trois ans. Au début quand je les ai connus je n’avais pas besoin du Camion Douche. Ce dont j’avais besoin, c’était d’une présence humaine, un peu de chaleur humaine. Parler avec des gens normalement. C’est surtout pour le contact que je suis venu”, me confie-t-il. Avec le temps, une entraide s’est mise naturellement en place.

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Ce matin, certains remplissent les bidons d’eau dans la fontaine pour remplir le réservoir de la douche. Une façon de participer tout en attendant son tour. La vraie réussite pour les volontaires, c’est aussi de voir la reconnaissance des uns et d’entendre les bonnes nouvelles des autres. “C’est pas souvent, mais il y en a qui reviennent pour nous annoncer qu’ils ont trouvé un logement ou des gens qui ont retrouvé du travail et là on est hyper ému”, raconte Michel. Un nouveau départ, c’est tout ce que leur souhaite l’association.

Une histoire de famille

C’est avec cette volonté d’aider un maximum de personnes qu’Héloïse a mobilisé sa famille. Grâce à l’implication de son père Jérôme, de sa grand-mère Élisabeth et d’une trentaine d’autres bénévoles, Le Camion Douche peut aujourd’hui exister. Au fil du temps, l’initiative s’est développée. Un deuxième véhicule et son collectif interviendront également en périphérie toulousaine. “Nous organisons aussi des événements de collecte de fonds. Mais, nous manquons encore de volontaires pour se relayer et notamment de pilotes pour le camping-car”, rappelle Jérôme. Aussi infime soit-elle, la mobilisation de chacun peut faire la différence. Envie de participer sur Toulouse ? N’hésitez pas à les contacter !

M. Gamot

Crédit image : Association Le Camion Douche

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