Dons aux associations : la générosité en berne

Alors que s’ouvre ce mardi la campagne d’hiver des Restos du cœur, les associations caritatives subissent une inquiétante baisse des dons, liée aux bouleversements fiscaux.

 La générosité avait jusque-là échappé à la crise. (Illustration)
La générosité avait jusque-là échappé à la crise. (Illustration) LP Infographie

    Ces dernières semaines, de nombreuses lettres rédigées par des petits retraités victimes de la hausse de la CSG affluent aux Restos du cœur. Beaucoup commencent par ces mots écrits à contrecœur : « Je suis au regret d'interrompre mon don. » Dans d'autres, le verbe « interrompre » est remplacé par « réduire ». L'organisation caritative, qui lance ce mardi sa 34e campagne hivernale, s'inquiète ainsi d'une baisse de ses précieuses ressources.

    Alors qu'on célèbre ce mardi Giving Tuesday, la Journée mondiale de la générosité, l'association n'est pas la seule à subir de plein fouet les pertes de revenus de ses bienfaiteurs les plus fidèles. Ceux qui sont condamnés à faire des choix en raison de la « pression fiscale ». Selon France Générosités, qui fédère 97 associations et fondations, les dons ont diminué dans notre pays de plus de 6 % au premier semestre.

    CSG, baisse du pouvoir d'achat, suppression de l'ISF…

    Au final, ils pourraient même chuter de « 10 à 15 % » en 2018, soit des dizaines de millions d'euros de moins dans les caisses des nobles causes aussi diverses que la lutte contre l'exclusion, la recherche médicale ou la protection de l'enfance. Particulièrement touchée, la fondation Apprentis d'Auteuil accuse à ce jour un retard dans sa collecte de… 24 % !

    Outre l'impact de la CSG chez les seniors et les fins de mois de plus en plus difficiles chez les foyers modestes, les ONG pointent du doigt la suppression de l'ISF qui n'incite plus les ménages les plus aisés à défiscaliser leur « philanthropie ». La perspective du prélèvement à la source a pu également laisser croire aux potentiels donateurs que leurs jolis gestes seraient moins déductibles d'impôts. « Alors qu'en réalité, rien ne va changer! », rassure-t-on aux Apprentis d'Auteuil.

    Résultat : même si rien n'est perdu, une part importante des dons étant récoltée durant les fêtes de Noël, l'élan national de solidarité est très mal engagé. Envoyé pourtant une semaine plus tôt que d'ordinaire, le « mailing » des Restos du cœur et les encarts dans la presse portent, pour l'heure, moins leurs fruits que l'année dernière, avec environ « un tiers de retours en moins ».

    «Ceux qui arrêtent de nous aider, ça leur fend le cœur»

    A la Fondation Abbé Pierre dont les ressources dépendent à « 98 % » des coups de pouce du public, les dons ont, eux, été rabotés de « 5-6 % » en un an. La générosité avait jusque-là échappé à la crise. Les Français sont-ils donc devenus des « enfoirés » ? « Je n'ai pas le sentiment qu'ils sont moins généreux. Beaucoup de nos donateurs sont des gens très modestes. Ceux qui arrêtent de nous aider, ça leur fend le cœur. D'autres nous disent : J'ai une petite retraite, mais je vais continuer à donner quand même », observe Christophe Robert, son délégué général.

    Au Secours populaire, on demeure optimiste. Pour l'instant, la chute de 8 % du montant du don moyen est compensée par une hausse du nombre de chèques (+ 3,5 %) et de celui des dons par Internet (+ 30,5 %). « Le Français reste généreux à la hauteur de ses moyens. Il fait plus attention au montant qu'il donne mais il continue de donner », remercie le directeur général Thierry Robert.

    A ses yeux, la générosité, qui consiste à « faire le bien pour les autres », ne se mesure pas seulement de manière sonnante et trébuchante. Et de citer en exemple ces jeunes des cités de Toulouse qui, le mois dernier, ont « prêté main-forte » aux sinistrés des inondations de l'Aude.

    LE MOT : GIVING TUESDAY

    Nos amis Québécois, totalement allergiques aux anglicismes, ont baptisé l'événement « Mardi je donne ». En France, on est fidèle à la dénomination américaine. Né en 2012 à New York, le « Giving tuesday », très présent sur Twitter via un hashtag dédié, est un mouvement mondial consacré à toutes les formes de générosité.

    Il débarque pour la première fois ce mardi dans l'Hexagone avec le slogan « Libérez votre générosité ». Dans la foulée du Black Friday et du Cyber Monday, des opérations de promotions sur Internet, tous les citoyens sont invités à faire un don d'argent, de sang, de denrées alimentaires, de temps sous forme de bénévolat… pour une bonne cause.

    Des structures caritatives (Reporters sans frontières, Institut Curie, Fondation abbé Pierre, Unicef, Fondation Raoul-Follereau, Armée du salut, l'Enfant bleu enfance maltraitée…), fondations d'entreprises, écoles ou collectivités territoriales s'associent à cette journée de solidarité.