Violences éducatives : «Les coups m’ont fait mal, les mots encore plus»

Alors que les députés examinent ce jeudi une proposition de loi interdisant les violences éducatives ordinaires, Louna* et Colette* expliquent comment ces brimades, subies durant leur enfance, les ont marquées à vie.

 La peur de devenir mère et de reproduire ces violences éducatives est fréquente chez les enfants victimes de brimades par leurs parents.
La peur de devenir mère et de reproduire ces violences éducatives est fréquente chez les enfants victimes de brimades par leurs parents. DR

    Deux époques, deux histoires, une même cicatrice laissée par l'éducation qu'elles ont reçue enfant. « Jusqu'à 4 ans, ça allait à peu près. Puis la violence s'est installée », témoigne Colette*, 59 ans, maman de deux enfants de 25 et 17 ans. « Claques, coups de balai dans le dos, martinet, humiliations verbales… Je n'avais pas de prénom non plus. Comme j'ai une maladie cardiaque, mes parents me présentaient en disant : voici ma fille malade du cœur. »

    Elle se remémore : « Mon cerveau était toujours en alerte. Et puis, lorsque vous êtes enfant, vous pensez que c'est de votre faute et que tout ça est normal puisque vous ne connaissez pas d'autre environnement. Les parents sont le seul port d'attache que vous ayez, alors on les absout. » Les éclaircies sont venues lors de ses séjours en maison de repos où elle comprend que, non, on ne traite pas partout ainsi les enfants.

    Pour Louna*, 33 ans, mère de deux enfants de 3 ans et 18 mois, les parenthèses salvatrices sont données par une « grand-mère formidable ». « J'avais une mère en colère qui ne me frappait pas mais n'hésitait pas à me dire : Je vais te passer par la fenêtre. Les coups sont venus lorsque je suis partie, à 9 ans, vivre chez mon père et ma belle-mère. »

    «Ils me disaient que j'étais laide»

    « Ils avaient eu une fille ensemble et j'étais toujours dévalorisée par rapport à elle, poursuit-elle. Ils me disaient que j'étais laide, une grande niaise, que j'étais bonne à rien. Ado, j'ai souvent entendu : Essaye de sourire, tu seras peut-être plus jolie. C'est terrible d'entendre cela à un âge où on est tellement dépendant du regard de l'autre. Les coups font mal et peur mais ce sont les mots qui m'ont fait le plus souffrir », reconnaît celle qui se dit, aujourd'hui encore, toujours impactée et « en colère ».

    A 26 ans d'intervalle, toutes deux ont fugué, toutes deux ont été placées en foyer et si Louna a fait une tentative de suicide à 16 ans, Colette, elle, a vécu son adolescence « en prenant des risques incroyables ». Toutes deux ont eu peur de devenir mères et de reproduire ces violences éducatives. Toutes deux ont cassé cette spirale. La plus âgée grâce à la thérapie, la plus jeune en allant « piocher des conseils à droite à gauche » et avec cette phrase comme mantra : « Je m'applique à faire du mieux que je peux. »

    * Les prénoms ont été changés.