Mort d'Adama Traoré : les gendarmes évitent une mise en examen

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Par Nathalie ALONSO - Paris (AFP)
Publié le 28 novembre 2018 - 21:39
Mis à jour le 29 novembre 2018 - 00:48
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Marche à Beaumont-sur-Oise le 22 juillet 2016 à la mémoire d'Adama Traoré
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© Thomas SAMSON / AFP/Archives
Marche à Beaumont-sur-Oise le 22 juillet 2016 à la mémoire d'Adama Traoré
© Thomas SAMSON / AFP/Archives

Plus de deux ans après la mort d'Adama Traoré, les trois gendarmes qui l'avaient interpellé ont été placés sous le statut de témoin assisté par la juge d'instruction, évitant ainsi une mise en examen réclamée par la famille du jeune homme.

Après les avoir interrogés mardi et mercredi, la magistrate parisienne chargée du dossier a décidé de les placer sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre celui de témoin et de mis en examen, signifiant qu'il ne leur est pas reproché directement d'avoir commis une infraction.

Ils bénéficient de ce statut "en l'absence d'indices graves et concordants" pour le délit de "non-assistance à personne en péril", ont indiqué mercredi leurs avocats Rodolphe Bosselut, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik dans un communiqué.

Ces auditions, très attendues par la famille d'Adama Traoré qui réclament depuis deux ans des poursuites, interviennent après une expertise médicale de synthèse à décharge pour les gendarmes. Remise le 14 septembre à la juge, elle conclut que son "pronostic vital (était) engagé de façon irréversible" avant son arrestation, en raison de l'évolution d'une maladie.

Le décès d'Adama Traoré, 24 ans, avait été constaté près de deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise). Interpellé après une course-poursuite, il avait été maintenu au sol sous le poids des gendarmes. Il avait eu un malaise dans leur véhicule avant de décéder dans la cour de la gendarmerie de la commune voisine de Persan.

"Le dossier établit qu'ils ont déclenché les secours avec célérité et diligence et qu'ils ont porté assistance à M. Traoré", soutiennent les avocats des gendarmes. "De façon plus générale, l'hypothèse des violences volontaires ayant entraîné la mort de M. Traoré sans intention de la donner est écartée", ont-ils ajouté.

"L'affirmation selon laquelle les gendarmes ont été mis hors de cause pour les faits de violences est fausse", a réagi la famille du jeune homme dans un communiqué, assurant que "les juges d'instruction n'ont pas écarté" cette hypothèse "dans la mesure où l'interrogatoire des gendarmes portait uniquement sur les faits de non-assistance à personne en péril".

Concernant les auditions des gendarmes, la famille a dit préférer "attendre que l'avocat ait pu les étudier (...) pour les commenter".

Depuis le début de l'affaire qui avait provoqué cinq nuits de violences dans ce département au nord de Paris, les proches d'Adama Traoré ont toujours dénoncé une interpellation violente, accusant aussi les gendarmes de ne pas avoir porté secours au jeune homme, laissé menotté jusqu'à l'arrivée des pompiers, ce 19 juillet 2016.

- Défiance vis-à-vis des autorités -

Un des pompiers appelés sur les lieux a déclaré aux enquêteurs que le jeune homme n'avait pas été placé en position latérale de sécurité, mais était face contre terre, menotté. Il "simulait" un malaise, lui aurait assuré un gendarme. Mais ce témoignage a été contredit par deux autres pompiers qui ont affirmé qu'il était en position latérale de sécurité, selon une source proche du dossier.

"A aucun moment" les gendarmes "n'(ont) eu connaissance d'un quelconque péril létal menaçant M. Traoré en cours ou après l'interpellation", souligne leur défense.

Ils "espèrent (...) que la réalité des événements, telle qu'analysée par les experts puis par les juges fera cesser fantasmes et surenchère quant aux conditions du décès d'Adama Traoré dont ils ne sont nullement responsables (...)", ont commenté leurs avocats.

Depuis le début, l'enquête est marquée par un climat de défiance vis-à-vis des autorités, alimenté par l'annonce tardive du décès et la communication contestée du procureur de Pontoise à l'époque.

Lors d'une manifestation de ses soutiens, en novembre 2016 à Paris, le jeune homme avait été érigé en "symbole des violences policières".

Très vite, le parquet de Pontoise - dessaisi cinq mois plus tard - avait communiqué les résultats d'une première expertise intermédiaire réalisée par un médecin-légiste qui attribuait le décès à une cardiomyopathie et à un état infectieux.

Deux ans plus tard, les quatre médecins à qui une expertise de synthèse a été confiée ont estimé que c'est une maladie génétique, la "drépanocytose", associée à une pathologie rare, qui a entraîné une asphyxie à l'occasion d'un épisode de stress et d'effort.

Ce dernier rapport écarte aussi définitivement l'hypothèse initiale du légiste, déjà remise en cause l'an dernier par une contre-expertise intermédiaire.

A la suite de ces dernières conclusions, la famille d'Adama Traoré a déposé plainte devant l'Ordre des médecins contre le médecin-légiste, estimant qu'il a produit un diagnostic erroné en connaissance de cause.

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