«Une véritable urgence sanitaire au ralenti.» Avec cet oxymore, Médecins sans frontières (MSF) sonne à nouveau l'alarme pour les estropiés de la «Marche du retour» à Gaza. Comme l'avait longuement raconté Libération cet été, la répression à balles réelles du mouvement de protestation palestinien par les forces israéliennes a fait des milliers de blessés graves, la plupart touchés aux jambes. Causant, dans la majorité des cas, des pathologies «complexes et sérieuses qui ne guérissent pas rapidement», comme le rappelle l'ONG dans un communiqué publié ce jeudi.
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Depuis huit mois et le début des rassemblements qui ont fait plus de 170 morts côté palestinien, les équipes de MSF ont traité plus de la moitié des 5 866 blessés par balles comptabilisés par le ministère de la Santé de Gaza, sous autorité du Hamas. Selon l'ONG, près de la moitié des patients souffrent de fractures ouvertes et courent donc un «haut risque» d'infection osseuse, pouvant mener au handicap permanent, l'amputation ou la mort. En cause, le système de santé de Gaza, exsangue et sous blocus. MSF estime que 25% des Gazaouis opérés pour des fractures – soit un millier de personnes – pourraient être déjà infectés. «Un si grand nombre de patients [souffrant de ces complications, ndlr] mettrait à rude épreuve les meilleurs systèmes de santé du monde, assure Marie-Elisabeth Ingres, responsable de MSF pour les Territoires palestiniens. A Gaza, c'est un coup terrible.»
MSF, qui a déjà triplé ses effectifs sur place, appelle à une levée de fonds de plusieurs dizaines de millions d'euros pour fournir une «réponse adéquate» au besoin en «chirurgie, antibiotiques, soins infirmiers intensifs, physiothérapie et rééducation à long terme». L'ONG exhorte par ailleurs les autorités israéliennes et palestiniennes à faciliter l'entrée et le travail dans l'enclave côtière des professionnels de santé, ainsi que le transfert hors de Gaza des cas les plus graves.
Depuis le début de la «Marche», fin mars, l'Etat hébreu n'a laissé sortir qu'un nombre infime de blessés lors des rassemblements hebdomadaires, refusant toute sortie à ceux que l'armée considère comme des «émeutiers». Néanmoins, l'un des plus jeunes amputés, Abdel-Rahman Nofal, 12 ans, que Libé avait suivi en juin, a pu être transféré et soigné à Cleveland, aux Etats-Unis, grâce à une association américano-palestinienne, comme le rapporte la chaîne ABC.