ON Y REVIENT. Grâce à cette nurserie artificielle, "les poissons juvéniles sont trois fois plus nombreux qu'avant"

Il y a deux ans, le port de Bormes-les-Mimosas a installé des nurseries aquatiques le long de ses quais. Ce dispositif, baptisé reFISH, a pour but d’offrir "le gîte et le couvert" aux jeunes poissons, en imitant les précieux herbiers de posidonie. Retour sur une expérience qui a porté ses fruits.

Guillaume Aubertin Publié le 30/11/2018 à 12:00, mis à jour le 03/12/2018 à 18:20
Pendant huit mois, les chercheurs du GIS Posidonie ont effectué des relevés minutieux sur le port de Bormes. G.A.

C’est un projet plutôt encourageant pour la préservation des espèces marines. Depuis bientôt deux ans, le port de plaisance de Bormes-les-Mimosas est équipé du dispositif reFISH. Ce système, testé par Suez Consulting, a pour but de "redonner une fonction écologique" aux ports de plaisance. Car, comme le rappelle Jean-Pierre Gastaud, directeur du Yacht Club borméen, "on a quelque part une dette envers l’environnement", dans la mesure, explique-t-il, où "les herbiers de posidonie ont été sacrifiés quand on a construit des ports dans les années 70…"

Une nurserie artificielle pour bébés poissons

Alors, pour imiter ces précieux herbiers de posidonie, nécessaires au bon développement des bébés poissons, les scientifiques ont installé le long des quais des tapis artificiels fabriqués à base de polypropylène et d’huile de ricin. "C’est un peu comme si on leur donnait le gîte et le couvert", éclaire Patrick Astruc, ingénieur de recherche au GIS Posidonie, le Groupement d’intérêt scientifique pour l’environnement basé à Marseille.

Les structures qui imitent les herbiers de Posidonie offrent un certain "confort" aux bébés poissons. G.A..

Concrètement, trois stations de 25m2, composées chacune de sept modules, ont été fixées dans le port de Bormes. Pendant huit mois, et à raison d’un relevé toutes les deux semaines, les scientifiques du GIS Posidonie ont pu étudier le comportement des poissons juvéniles aux alentours de ces modules, sur d’autres quais non équipés, et puis à l’extérieur du port, de manière à recueillir un maximum de données comparatives.

Où en est-on aujourd’hui?

Les conclusions du test ont été jugées "très positives" dans son ensemble. Les dispositifs ont prouvé leur efficacité. C’était le premier objectif de l’expérience.

"Les données relevées montrent qu’on a trois fois plus d’espèces par comptage que sur un quai pas équipé, détaille Patrick Astruc. Et environ 3,3 fois plus d’abondance de juvéniles de poissons de manière générale". Sachant que les espèces de sars étaient pour leur part cinq fois plus nombreuses autour des dispositifs.

Sars, saupes, oblades, gobis, roucaous… Les juvéniles sont trois fois plus présent autour des modules qu'ailleurs dans le port. G.A..

Pour affiner leur étude, les scientifiques ont également utilisé un "indice de préférence", qui prend en compte la fréquence d’observation des bébés poissons pour une espèce donnée. Ce qui a permis par exemple "d‘évaluer de manière plus précise l’utilisation des structures". Ainsi, la présence des saupes était beaucoup plus irrégulière. "Elles font partie des espèces grégaires qui se déplacent en banc et n’ont donc pas les mêmes habitudes que les autres espèces".

S’il y en a un, en revanche, qui a fait preuve d’une certaine régularité, c’est le mérou brun. Il a été observé à seize reprises dans le port, dont quatorze fois au niveau des modules. Ce qui prouve que ces modules "offrent un habitat aux juvéniles qu’ils ne trouvent pas ailleurs".

Enfin, les centaines de relevés ont permis d’étudier plus précisément "le rôle du dispositif en tant que nurserie". Là encore, les scientifiques ont mis en évidence que les bébés sars, saupes, oblades, gobis et autres roucaous utilisaient bel et bien les herbiers de posidonie artificiels "pour s’abriter et s’alimenter quand ils en avaient besoin". Car, en grandissant, les poissons ont ensuite quitté la structure pour rejoindre la population adulte et s’émanciper...

Les comptages ont eu lieu toutes les deux semaines. A chaque fois, les scientifiques notaient le comportement des juvéniles proches des modules. G.A..

Quelques difficultés rencontrées?

Hormis la température de l’eau en hiver, qui n’a pourtant pas refroidi les plongeurs-scientifiques du GIS Posidonie, ces derniers n’ont finalement pas rencontré de difficultés particulières. Pour l’occasion, un système d’analyse vidéo couplé à un logiciel de comptage des poissons (baptisé CalCamFish) a testé en parallèle par Suez Eau France.

"Les résultats de ces données ont été cohérents avec le comptage visuel", atteste Patrick Astruc. Cette méthode, qui permet donc aux plongeurs de ne pas se jeter à l’eau, devrait être utilisée à l’avenir sur d’autres sites. Pour cela, la filiale du groupe travaille actuellement sur la mise en place d’un protocole d’utilisation standardisé.

Le Yacht Club de Bormes souhaiterait à présent étendre le dispositif sur l'ensemble du port. G.A..

Et demain?

Le Yacht Club de Bormes se dit "très satisfait" de l’expérience reFISH, la première de ce type testée dans le Var. A en croire Jean-Pierre Gastaud, le directeur du port, le dispositif n’est pas passé inaperçu auprès des plaisanciers. Lesquels "sont heureux de voir que l’on s’inscrit dans cette démarche environnementale".

Aujourd’hui, le port de Bormes envisage donc de multiplier les modules le long de ses quais. "C’est assez facile d’entretien et ça peut tenir au moins 10 ans", estime Jean-Pierre Gastaud. Les scientifiques du GIS Posidonie ont pu de leur côté partager leurs conclusions avec Suez Consulting, qui pourra à présent "définir clairement le dimensionnement pour un équipement complet d’un port, par rapport notamment au coût et au linéaire de quai disponible".

Fort du succès rencontré par ce premier test, qui a aussi été mené dans le port de la Pointe-Rouge à Marseille, les responsables du projet espèrent maintenant le déployer à plus grande échelle en Méditerranée, en travaillant sur des structures en bioplastique. "L’efficacité du dispositif est officiellement avérée, conclut Fabrice Javel, chef de projet chez Suez Consulting. Il est surtout reconnu par l’Agence de l’Eau et la Région, ainsi que par l’Ifremer qui a validé nos conclusions."

En d'autres termes, la voie est libre. Comme résume Patrick Astruc: "Mieux vaut tard que jamais pour que les ports retrouvent une fonction écologique et contribuent ainsi à la bonne santé des poissons en zone côtière."

Le concept de "reFISH" est développé par Suez Consulting, et le suivi scientifique a été assuré par le GIS Posidonie. G.A..

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Nice-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.