Témoignage

Marseille : rue Jean-Roque, «des moisissures, des puces, des rats…»

par Stéphanie Harounyan, Correspondante à Marseille
publié le 28 novembre 2018 à 20h46
(mis à jour le 28 novembre 2018 à 20h46)

La vieille dame préfère que l'on ne dise pas son nom ni le numéro de son immeuble, situé rue Jean-Roque, tout près de la rue d'Aubagne. Elle a «peur de [son] propriétaire», souffle-t-elle. C'est aussi par crainte de représailles que ses voisines préfèrent finalement ne pas raconter. Le 5 novembre, les deux immeubles de l'artère voisine viennent tout juste de s'effondrer quand leur bâtiment est évacué par les pompiers. «Quand ils sont venus frapper à ma porte, j'ai cru qu'il y avait le feu, commence la retraitée, qui habite au quatrième étage. Je n'ai pas eu le temps de prendre quoi que ce soit. J'ai tout abandonné, comme ça.»

Depuis, elle est consignée dans un hôtel B & B à quelques kilomètres de là et vit avec des affaires données par la mairie. Ses journées, elle les passe à courir derrière des papiers tout en gardant un œil sur son téléphone au cas où on l'appellerait pour lui proposer un nouveau logement. «Je vis dans mon immeuble depuis onze ans mais je ne veux plus y retourner, dit-t-elle, le sourire timide. C'est trop risqué.» Pour cet appartement de 55 m2 représentant un risque pour sa santé ou sa sécurité, elle débourse 540 euros par mois, la moitié étant payée par les APL. Un loyer conséquent pour sa petite retraite.

Le logis n'est pas de première main : «Un taudis, résume-t-elle. J'ai des problèmes d'humidité, de moisissures avec des traces vertes sur le plafond, on a des puces, des rats… J'ai plusieurs fois demandé au propriétaire d'intervenir, j'ai même fait constater les moisissures sur le plafond par les services de contrôle, mais il n'a rien fait. A chaque fois il disait "après, après". Et après, rien.» Un type «gentil au début», assure-t-elle. Qui n'a pourtant pas voulu non plus réparer le garde-corps de son petit balcon, dont les barreaux sont tous partis. «Pour mes petits-enfants, c'est dangereux, on ne peut quand même pas rester comme ça…» Le jour de l'évacuation, le propriétaire, qui possède tout l'immeuble, était présent. «Ma voisine sortait à peine de chez elle qu'il s'est approché pour lui réclamer son loyer», raconte la vieille dame.

Autre cas : un peu plus loin dans la rue, une locataire âgée a carrément reçu des menaces de son propriétaire après avoir appelé les services de la ville. «Il a demandé qui les avait prévenus et le soir même, il s'est énervé après elle, rapporte Henri, un bénévole du Collectif du 5 Novembre qui s'est constitué après le drame de la rue d'Aubagne. Il lui a dit : "Je vais te couper l'électricité, te mettre dans une cage à rats à la Belle de Mai." On lui a suggéré de déposer une main courante.» Finalement, le propriétaire s'étant calmé, elle n'a pas donné suite.

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