Ce vieux corps de logis compte parmi les plus anciennes constructions de ce qui était, il y a un siècle encore, un village. Bienvenue au musée de Montmartre, soit le point de départ incontournable pour démarrer votre voyage dans le temps ! Du 12, rue Cortot Renoir fait en 1876 son atelier, depuis lequel il transporte chaque jour sa toile pour aller peindre sur le motif Le Bal du moulin de la Galette… De nombreux artistes ont vécu dans ce repaire bohème, à l’instar du Fauve Charles Camoin ou d’Émile Bernard, l’ami de Gauguin. Sans oublier le « trio infernal » formé par Suzanne Valadon, son fils, Maurice Utrillo, et son compagnon, André Utter. Leur atelier-appartement est reconstitué tel qu’en 1912 : le poêle, la mezzanine, les lambris, jusqu’à l’odeur de térébenthine.
Musée de Montmartre
12 Rue Cortot • 75018 Paris
www.museedemontmartre.fr
En sortant du musée de Montmartre, gagnez l’angle de la rue des Saules et de la rue Saint-Vincent, vous tomberez sur une maisonnette du début du XIXe siècle. Vous voici devant le plus ancien cabaret de Montmartre (toujours en activité) ! Autrefois « À ma campagne », « Au rendez-vous des voleurs » ou « Cabaret des Assassins », cette adresse s’est fait connaître grâce à son enseigne (toujours en place) du caricaturiste André Gill : un lapin (la spécialité de cette table) sautant d’une casserole, une bouteille de vin en équilibre sur le bout de la patte… Le « Lapin à Gill » est devenu le « Lapin agile », terre de la bohème qui festoie en chanson avec le père Frédé, propriétaire du cabaret.
Direction le « maquis » ! Vers 1885, ce nom renvoie au petit village de baraques en bois et de pavillons de torchis où vivent chiffonniers, artisans et brocanteurs, et qui va du moulin de la Galette à la rue Caulaincourt. Un décor dont se délectent les crayons des Tchèques František Kupka et Alphonse Mucha. On vient à Montmartre du monde entier. Suisse d’origine, Théophile-Alexandre Steinlen loge au 73, rue Caulaincourt, dans un appartement-atelier, son « Cat’s Cottage », car il y vit en compagnie de nombreux chats. Bercé de ronronnements, il croque des caricatures qui régalent les lecteurs du Mirliton, du Gil Blas illustré, ou de L’Assiette au beurre… Steinlen est aussi connu pour avoir posé sa patte sur l’affiche La Tournée du Chat noir, d’après le nom du plus célèbre cabaret de Montmartre !
Redescendez par la très chic avenue Junot pour parvenir impasse Girardon, à l’angle de la rue du même nom. Sur une petite maison, une plaque-souvenir rappelle les cinquante-huit années passées ici par Eugène Paul, dit Gen Paul. Enfant de la Butte, ce peintre et graveur au style expressionniste en a laissé de nombreuses vues. Ami du cubiste Juan Gris, de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline et du compositeur Darius Milhaud, Gen Paul est aussi un des personnages du Passe-Muraille et d’Avenue Junot, deux nouvelles de Marcel Aymé… son voisin.
Rue Lepic, nous retrouvons justement le maître en gravure de Gen Paul : vers 1900, Eugène Delâtre tenait au 87, puis au 97, et enfin au 102, un atelier de gravure à l’eau-forte en couleur (une nouveauté pour l’époque !). S’y pressent les artistes les plus avant-gardistes : Félicien Rops, Vincent Van Gogh, Suzanne Valadon, Maurice de Vlaminck, Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Gauguin, Pablo Picasso… Bref, tout Montmartre !
En 1886, Henri de Toulouse-Lautrec, 22 ans, s’installe dans un atelier que l’on devine encore à l’angle du 5, rue Tourlaque et du 27, rue Caulaincourt. Durant douze ans, il se fait un nom en réalisant ses premières illustrations de presse et en exécutant des peintures qu’Aristide Bruant, grand chansonnier de Montmartre, expose dans son cabaret. Dans les bals, les cafés-concerts, les cirques et les maisons closes de la Butte, l’audacieux Toulouse-Lautrec est comme un poisson dans l’eau. C’est là qu’il puise ses fameux motifs et aplats de couleurs qui enchantent l’art de l’affiche.
Sur la façade, on peut lire : « Les Fusains ». Derrière cette porte (hélas ! close au public), et les grandes verrières qui en dépendent, se trouvait autrefois une véritable pépinière d’artistes ! Constituée avec des matériaux d’ateliers récupérés à l’Exposition universelle de 1889, la cité des Fusains a vu se succéder la crème de l’avant-garde : André Derain et Pierre Bonnard à partir de 1913, et dès 1920, des surréalistes comme Max Ernst, Jean Arp, Sophie Taeuber et Joan Miró.
Sur la place Émile-Goudeau, il ne reste aujourd’hui qu’une vitrine retraçant l’aventure de ce temple de l’art moderne. Imaginez : un groupe de baraquements en bois, d’abord manufacture de pianos avant de servir d’atelier en 1889 à la bohème. Ravagés par les flammes en 1970, vétustes et mal chauffés, ils furent poétiquement baptisés « Bateau-Lavoir » par Max Jacob, qui y avait vu sécher du linge au vent. À partir de 1904, le Bateau-Lavoir abrite les plus grands noms de l’avant-garde artistique et littéraire, notamment Kees van Dongen, Amedeo Modigliani et Pierre Reverdy. Ces murs ont aussi accouché des Demoiselles d’Avignon de Picasso, l’œuvre pionnière du cubisme. En tournant un peu plus haut à gauche, rue d’Orchampt, quelques ateliers d’artistes nous plongent dans l’atmosphère bohème de la Butte.
En redescendant, un passage rue Véron vous met sur la trace d’Adolphe Willette, figure du Montmartre de la Belle Époque, qui a décoré ses lieux de plaisir, du Moulin-Rouge à la Cigale, en passant par l’auberge du Clou et le hall du cabaret Bal Tabarin. Formé à l’École des beaux-arts de Paris par le peintre académique Alexandre Cabanel, Willette est un ami de Rodolphe Salis, propriétaire du cabaret Le Chat noir, dont il signe l’enseigne (un chat noir sur un croissant de lune). Acteur du renouveau de l’affiche et de la lithographie, dessinateur de presse prolifique, Willette est aussi un ardent polémiste et édite avec Steinlen des publications comme La Vache enragée, Les Humoristes…
La visite s’achève sur un lieu qui faisait office d’atelier de modèles vivants : le cirque était le terrain de jeu des artistes de Montmartre en quête de motifs, de mouvements, d’émotions. Autant vous prévenir tout de suite : au 63, boulevard de Rochechouart, point aujourd’hui de cirque Medrano, fermé en 1973, mais une résidence occupée par un supermarché et nommée « Bouglione »… En 1873, une première troupe s’était installée sur un terrain vague, au croisement de la rue des Martyrs et du boulevard de Rochechouart. Reprise par le clown Medrano, cette salle a connu ses heures de gloire grâce au numéro formé par Footit et le clown Chocolat, qui lui servait de souffre-douleur.
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