Gilets jaunes : au lendemain du chaos, Emmanuel Macron reste silencieux

Le président de la République a réuni Édouard Philippe et Christophe Castaner afin de trouver une réponse à un mouvement qui semble incontrôlable.

Source AFP

Temps de lecture : 11 min


Dans les rues de Paris, un parfum de guérilla flotte encore dimanche matin. Du côté du gouvernement, il faut désamorcer la crise, et au plus vite. Emmanuel Macron est arrivé sur le sol français en fin de matinée, lui qui assistait jusqu'alors au G20 en Argentine. Le président de la République a décidé de convoquer dimanche une réunion d'urgence à l'Élysée après les scènes de chaos observées dans la capitale française, mais aussi dans d'autres villes de France, et qui ont marqué une nouvelle escalade dans le conflit qui oppose les Gilets jaunes au pouvoir. Un conflit qui est devenu une crise politique majeure.

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Pour autant, Emmanuel Macron ne s'exprimera pas publiquement dimanche sur la crise des Gilets jaunes. Le chef de l'État a retrouvé vers 12 h 30 le Premier ministre Édouard Philippe, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et « les services compétents » pour tenter de trouver une réponse à un mouvement qui semble avoir échappé à tout contrôle. « Le président de la République ne s'exprimera pas aujourd'hui », a indiqué plus tard l'Élysée, alors que l'opposition et une partie des Gilets jaunes attendaient un geste fort de la part d'Emmanuel Macron après les violences de la veille. Emmanuel Macron a cependant demandé au Premier ministre de recevoir les chefs de parti et des représentants des Gilets jaunes, a annoncé un peu plus tard l'Élysée. Il a également souhaité que Christophe Castaner « mène une réflexion sur la nécessité éventuelle d'une adaptation du dispositif du maintien de l'ordre dans les jours à venir » face à « des casseurs plus violents, plus mobiles, plus organisés ». Mais l'éventualité d'instaurer l'état d'urgence n'a pas été évoquée, a ajouté la présidence.


Samedi soir, alors que des voitures brûlaient en plein Paris, Emmanuel Macron a déclaré depuis Buenos Aires qu'il « n'accepterai[t] jamais la violence ». Selon lui, celle-ci n'a « rien à voir avec l'expression d'une colère légitime », celles des Gilets jaunes protestant au départ contre la hausse des carburants et la baisse du pouvoir d'achat. « Les coupables de ces violences ne veulent pas de changement, ne veulent aucune amélioration, ils veulent le chaos. Ils seront identifiés et tenus pour responsables de leurs actes devant la justice », a insisté Emmanuel Macron alors que Christophe Castaner n'a pas écarté la possibilité d'instaurer l'état d'urgence. « Il y aura les mesures qui peuvent être prises pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de rituel qui s'instaure dans le pays et que les samedis que nous allons vivre ne donnent pas lieu à ce que nous avons pu observer hier », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, dimanche matin sur BFM TV.


Édouard Philippe en soutien aux forces de l'ordre

L'ampleur des violences, qui ont fait une centaine de blessés, a conduit Édouard Philippe à annuler son déplacement en Pologne pour le sommet sur le climat COP24. Il s'est rendu, dès samedi soir, dans un commissariat parisien pour remercier les forces de l'ordre. Dans l'immédiat, la réponse de l'exécutif a d'abord été celle de la fermeté. « Les images qu'on a vues sont incroyablement choquantes. Et ces images, ce n'est rien par rapport à ce que vous avez vécu. Elles ne retracent pas la pression que vous avez subie. Et vous n'avez rien lâché, donc, je veux vous remercier très sincèrement », déclare le chef du gouvernement à des policiers à la caserne Bessières (Paris 17e) dans une vidéo diffusée par Matignon.

« Ceux qui étaient en face de vous s'étaient préparés, équipés, organisés pour aller à l'affrontement dans les conditions les plus difficiles et les plus dures », a-t-il dit, évoquant les 287 interpellations, qui sont « quasiment un record ». Le Premier ministre était accompagné du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et du secrétaire d'État Laurent Nuñez. « On est venus [...] pour vous dire merci. C'est court à dire, mais c'est important de le dire. Et ça ne sera jamais aussi net que ce qu'on pense au fond de nous-mêmes sur ce que vous avez fait aujourd'hui », a-t-il dit aux policiers. « Chapeau ! » leur a-t-il lancé. Les violences ont fait une centaine de blessés, dont 14 parmi les forces de l'ordre.

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Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a admis de son côté que l'exécutif avait « mal géré » sa communication sur certaines de ses actions, en particulier sur la transition énergétique. « On a, objectivement, mal géré un certain nombre de séquences de communication, de pédagogie, sur l'enjeu de sortir du tout-pétrole et de cette exigence de souveraineté nationale, de baisses de dépenses, d'augmentation du pouvoir d'achat », a déclaré le ministre sur BFM TV. « Ce sont les mesures que nous avons mises en place et on n'a pas été compris. Par exemple, sur cette communication pour nous battre contre la dépendance pétrolière, on s'est plantés », a affirmé Christophe Castaner. « Est-ce que vous voulez que je vous réponde que tout va bien et qu'il n'y a pas de problèmes ? Ça serait paraître idiot et surtout vous mentir », a complété le ministre.

La communication publique du président s'est donc limitée dimanche à un seul mot : « Merci », qu'il a écrit sur son compte Twitter pour accompagner trois photos le montrant en train de rendre hommage aux pompiers et aux forces de l'ordre. Avant de retrouver l'Élysée, le président s'était d'abord rendu à l'Arc de Triomphe, théâtre de violences et de dégradations samedi. Il s'est rendu au pied de la tombe du Soldat inconnu, avant d'entrer à l'intérieur du monument, tagué et en partie saccagé.

Il a ensuite rendu hommage aux forces de l'ordre et a rencontré des commerçants sur l'avenue Kléber, vandalisée samedi. Parfois applaudi, il a aussi essuyé des huées dans la foule. « Macron, démission ! » ont scandé à plusieurs reprises des Gilets jaunes. Emmanuel Macron « a été choqué des dégradations à la fois à l'Arc de Triomphe, qui est un lieu symbolique, et avenue Kléber », a indiqué la présidence.

Les revendications de l'opposition

Mais l'opposition et une partie des Gilets jaunes, mouvement protéiforme sans structure ni leader clairement désigné, réclament d'abord un geste fort au gouvernement, à commencer par un moratoire ou un gel de la hausse des taxes sur les carburants. À droite, le président des Républicains, Laurent Wauquiez, a réitéré son appel à un référendum sur la politique écologique et fiscale d'Emmanuel Macron. Marine Le Pen a demandé à être reçue par Emmanuel Macron avec les autres chefs des partis politiques d'opposition.

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À gauche, le patron du PS, Olivier Faure, a réclamé des états généraux sur le pouvoir d'achat. Benoît Hamon, chef de Génération·s, a demandé un dialogue national avec les Gilets jaunes, les syndicats et les ONG sur le pouvoir d'achat, la répartition des richesses et la transition écologique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de La France insoumise, il a appelé à rétablir l'impôt sur la fortune, tout en applaudissant « l'insurrection citoyenne » qui « fait trembler la macronie et le monde du fric ». Face à ces revendications, pour la plupart sur la table depuis plusieurs jours, le gouvernement est jusque-là resté inflexible.

Pour Génération·s, le mouvement dirigé par Benoît Hamon, ancien candidat du Parti socialiste à la présidentielle, Christophe Castaner « doit démissionner » et le gouvernement, « cesser de s'entêter » sur la hausse des taxes sur le carburant. « La manifestation du 1er décembre a donné lieu à de graves affrontements et à des scènes quasi insurrectionnelles, au cœur de Paris, notamment sous l'Arc de Triomphe. Le désordre dans la rue est la conséquence directe du désordre qui règne au plus haut sommet de l'État », écrit le porte-parole de Génération·s, Mehdi Ouraoui.

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« Depuis le début du conflit des Gilets jaunes, le ministre de l'Intérieur attise les tensions au lieu de les apaiser, et expose nos forces de l'ordre aux dangers au lieu de créer les conditions du retour au calme. Après ce énième échec, monsieur Castaner, nommé ministre de l'Intérieur par complaisance, et non par compétence, doit démissionner », poursuit-il. « Outre ce geste d'élémentaire respect de nos institutions, le président de la République doit cesser de s'entêter, renoncer à la taxe Macron faussement écologique et annoncer rapidement des mesures fortes pour le pouvoir d'achat et la justice fiscale qui seules peuvent répondre à la demande d'égalité de nos concitoyens et à la transition écologique », conclut Génération·s.

« Le gouvernement n'a pas le droit à un troisième samedi noir », a mis en garde le président du Sénat Gérard Larcher, alors que plusieurs appels ont été lancés sur Facebook pour manifester de nouveau samedi prochain à Paris.

Les exigences de la Mairie de Paris

La maire de Paris Anne Hidalgo demande au ministre de l'Intérieur de la recevoir avec les maires des arrondissements de Paris touchés samedi soir par les violences et les dégradations commises en marge du mouvement des Gilets jaunes, a-t-elle annoncé lors d'un point de presse dimanche. « Nous avons décidé avec les maires des arrondissements impactés (les 1er, 2e, 4e, 8e, 16e et 17e arrondissements) de demander au ministre de l'Intérieur de nous recevoir », a-t-elle indiqué à la sortie d'une réunion de la cellule de crise de la ville, après les dégradations commises dans Paris.

« Nous avons travaillé avec la préfecture de police, mais à aucun moment, et malgré nos demandes réitérées, les élus parisiens n'ont été conviés à travailler directement avec le ministre de l'Intérieur », a-t-elle déploré en soulignant « l'expertise » des élus d'arrondissement et de la Mairie de la Paris, « qui doit pouvoir aider à ne pas se retrouver dans une telle situation ». « Nous demandons à être associés à ce qui risque de se passer si le mouvement continue », a insisté l'édile. « Lorsque nous aurons le coût de ces dégradations, je crois que tout le monde sera surpris tant elles sont immenses », a-t-elle dit, évoquant « beaucoup de dégradations de mobilier urbain, de bâtiments publics et privés, de commerces ».

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Elle a évoqué « plus que du dégoût » par rapport à « ce qui s'est passé hier » et a fait part du « profond respect de Paris et de ses élus pour celles et ceux qui ont tenté de nous protéger, les policiers, les CRS, les pompiers ». La maire de Paris a exprimé « plus que [s]on indignation, le mot indignation est faible », face aux dégradations [...], et notamment à la dégradation « hautement symbolique d'un monument qui est aussi une tombe, celle du Soldat inconnu. Nous sommes choqués, atterrés que des casseurs, des personnes, aient pu s'en prendre aux biens, aux personnes, mais aussi à ces symboles de la République. » Dimanche, Emmanuel Macron a encore insisté sur la nécessité qu'« aucun des actes » survenus samedi « ne reste sans réponse judiciaire », selon l'Élysée.

Un début de mea culpa ?

Alors que les premiers heurts éclataient sur les Champs-Élysées, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a ainsi répété samedi matin que le cap allait être maintenu, tout en rappelant les mesures d'aide (chèque énergie, prime à la conversion) déjà annoncées par le gouvernement ces derniers jours. « J'ai entendu ceux qui me disent que, le 15 du mois, ils sont dans le rouge à la banque. Mais nous réparons le pays pas à pas. Nous le faisons avec sérieux et nous ne reportons pas nos choix sur la génération future », a-t-il développé.

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Samedi soir, Christophe Castaner a seulement reconnu que le gouvernement s'était « planté sur un certain nombre de séquences de communication et de pédagogie, notamment sur l'enjeu de se sortir du tout-pétrole ». Emmanuel Macron, qui a bâti une partie de son capital politique sur sa capacité réformatrice, n'a, lui, eu de cesse de clamer qu'il ne reculerait pas, contrairement, selon lui, à ses prédécesseurs. Mais cette position peut-elle résister aux événements de samedi, alors que plusieurs élus de la majorité, parfois mis à rude épreuve dans leurs circonscriptions, ont demandé un adoucissement de la politique gouvernementale ?

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Commentaires (391)

  • cartofil

    Avec deux experts en communication comme nos deux Castaner et Philippe, Macron est vraiment bien conseillé
    Avec ces deux lascars il est sur d'aller droit dans le mur. Castaner voit des fascistes partout, mais jamais d'ultra gauche, l'autre, Philippe, lui, est un spécialiste du "droit dans ses bottes" appris auprès de son mentor, un autre expert pour mettre les gens dans la rue le dénommé Juppé(au fait on ne l'entend pas celui-là
    Bonne chance, mais surtout bonne chance à mon pays aimé et maltraité.

  • areflechi

    D'un côté, Macron fonctionne non pas comme un président de la république, mais comme un directeur de banque. L'objectif est de tirer le plus d'argent possible sur les "clients"contribuables directs et indirects.
    De l'autre, en dehors des casseurs qui eux sont des voyous ; les gilets jaunes qui ont montés en puissance grâce aux nouveaux réseaux de communication manquent d'organisation suffisamment structurée pour maîtriser la situation.
    Une économie basée sur une consommation plus importante que la production ne peut pas durée. Je ne suis pas assez riche pour payer l'IFI ou l'ISF, mais en revendiquer le retour est absurde. Pour créer de l'emploi il faut des biens et des capitaux, il serait plus équitable de supprimer le plafond de la sécurité sociale et de faire payer l'assurance maladie par tous les revenus, supprimer aussi des niches fiscales qui profitent surtout aux riches. Le gaspillage de l'état et de certaines collectivités coûte cher aux français moyens.
    Nous avons besoin de beaucoup de bon sens !...

  • Goglobalfan

    Rappels : la France jusque là, était une démocratie, et donc le droit de manifester pacifiquement était reconnu à tous.
    La constitution dit que toute entrave à la circulation des biens et des personnes est illégale. Bafouée en permanence, depuis des décennies.
    Cela suffit à la voyoucratie pour s'installer petit à petit, avec, en ce moment, la bénédiction des Français. La situation est devenue insurrectionnelle, et pour en sortir, il faut que M. Macron en personne intime l'ordre aux G Jaunes de désigner un représentant par région dans les 8 jours, afin d'organiser une rencontre avec eux, où seront présentées leurs revendications, qui seront "accordées" ou "refusées", avec les explications ad hoc. C'est dans une rencontre informelle de ce type, qu'un mouvement informel de ce type, peut finir par désenfler, s'évaporer, puis retour à la normale, avec cependant pour le gouvernement la nécessité d'adapter sa politique à la nouvelle donne... C'est tout de même mieux que le chaos... Ou la dictature, qui nous pend au nez.