Il était une fois la COP1, la première conférence de l'ONU sur le climat

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Il était une fois la COP1, la première conférence de l'ONU sur le climat

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Angela Merkel en mars 1995 devant le logo de la Conférence de l'ONU sur le climat. La future chancelière est alors ministre de l'environnement et chargée d'organiser la COP1 de Berlin.
Angela Merkel en mars 1995 devant le logo de la Conférence de l'ONU sur le climat. La future chancelière est alors ministre de l'environnement et chargée d'organiser la COP1 de Berlin.
© Getty - Martin Gerten / Picture alliance

Previously. La COP1 a lieu à Berlin en 1995. Le monde est alors divisé entre pays riches et pays pauvres, qui refusent de porter la responsabilité du réchauffement climatique. Berlin ouvrira la voie à Kyoto, où des objectifs de réduction des émissions de CO2 seront pris deux ans après, sans grand succès.

Bien avant la COP24 qui ouvre ses portes ce dimanche à Katowice, en Pologne, il y eut la COP1 à Berlin. La première édition de la Conférence des parties sur les changements climatiques a eu lieu du 28 mars au 7 avril 1995 : véritable événement diplomatique pour l'Allemagne à l'époque, le pays recevait pour la première fois une conférence plénière des Nations unies. La conférence de Berlin a été le théâtre d'une confrontation entre pays industrialisés, responsables du réchauffement, et pays pauvres, qui souhaitaient mener à bien leur développement économique sans renoncer aux énergies fossiles. Berlin n'a pas abouti à des mesures concrètes mais a préparé le terrain aux véritables décisions prises deux ans plus tard au Japon avec le protocole de Kyoto (1997).

Avant 1995, la prise de conscience du réchauffement climatique

François Mitterrand à la tribune du Sommet de la Terre de Rio en juin 1992
François Mitterrand à la tribune du Sommet de la Terre de Rio en juin 1992
© Getty - Antonio Ribeiro / Gamma-Rapho

La montée en puissance de l'alerte sur le réchauffement climatique commence réellement dans les années 80. À l'époque, la communauté scientifique comprend peu à peu que les activités humaines sont à l'origine de ce phénomène. Les premiers à s'y intéresser sont des modélisateurs du climat qui mènent les premières simulations sur les effets que pourraient avoir un réchauffement. "D'après leurs mesures, ils envisagent un doublement des teneurs en gaz carbonique dans l'atmosphère à l'horizon 2050", explique le climatologue Jean Jouzel, "ce qui correspond alors à un réchauffement prévu de l'ordre de 3 degrés et à une élévation du niveau de la mer de 60 cm à 1 mètre. En fait, les premières simulations étaient les mêmes que celles que l'on fait aujourd'hui, elles étaient simplement moins détaillées".

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En 1985, une équipe franco-russe, dont Jean Jouzel fait partie aux côtés de Claude Lorius, découvre le lien entre gaz carbonique et changement climatique dans le passé de la Terre. "Nous avons prélevé des carottes glaciaires au pôle nord qui nous ont permis de remonter 150 000 ans en arrière et de constater qu'il y avait moins de CO2 en période glaciaire. Ces résultats ont participé à la prise de conscience".

Les années 80 voient toute une série de conférences, en particulier à Villach en Autriche en 1985, où des scientifiques comme le Suédois Bert Bolin essaient de sensibiliser les décideurs politiques. À la fin des années 80, le G7 décide de créer le GIEC (le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Une décision appuyée à l'époque par Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui y voient un moyen de créer une institution détachée de toute forme d'écologie politique et militante. Le GIEC, fruit également de la volonté de l'ONU et de l'OMM (Organisation météorologique mondiale), est présidé par Bert Bolin.

Le premier rapport du GIEC est remis en 1990 et confirme les chiffres qui circulaient déjà : un réchauffement possible à +3° à l'horizon 2050 par rapport à l'ère préindustrielle. Il faut attendre deux années supplémentaires avec le Sommet de la Terre de Rio (les deux précédents ont eu lieu en 1972 à Stockholm et 1982 à Nairobi) pour que les décideurs politiques prennent le cri d'alarme des scientifiques au sérieux. Cette conférence est l'endroit où tout commence. Trois textes sont mis sur pied : sur la biodiversité, sur la désertification et sur les changements climatiques.

Environ 170 pays participent à cette conférence et construisent ce qui sera la base de l'effort international pour répondre à ce défi : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le texte reconnaît trois grands principes : le principe de précaution, au nom duquel il faut agir, le principe des responsabilités communes mais différenciées (chaque pays ne partage pas la même responsabilité dans la situation) et le principe du droit au développement. Les pays signataires deviennent parties prenantes de ce processus dont le premier acte a lieu en 1995 à Berlin : on l'appelle la COP, la conférence des parties signataires à la Convention-cadre des Nations unies. En quelques années, les pays du monde se sont mis en ordre de marche pour répondre à l'enjeu climatique.

L'Allemagne en championne de la cause environnementale

La première édition de la Conférence des parties sur les changements climatiques, la COP1, à Berlin en 1995. Angela Merkel est à la tribune en tant que ministre de l'environnement et organisatrice.
La première édition de la Conférence des parties sur les changements climatiques, la COP1, à Berlin en 1995. Angela Merkel est à la tribune en tant que ministre de l'environnement et organisatrice.
© Getty - Peer Grimm

L'Allemagne reçoit cette première conférence des Nations unies et veut en profiter pour construire son influence. À l'époque, le pays est réunifié depuis peu et le chancelier Helmut Kohl veut saisir l'occasion pour affirmer la place de son pays dans le concert des nations ; Berlin est alors engagé dans l'idée d'obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. L'objectif ne sera pas atteint mais l'Allemagne hérite tout de même du Secrétariat de l'ONU sur le climat, qui s'installe à Bonn, et dont le rôle est d'organiser la COP chaque année. Si aucun pays n'est candidat, la conférence est censée avoir lieu dans cette ville.

La préparation et l'organisation de l'événement sont confiées à la ministre de l'Environnement de la République fédérale, Angela Merkel, qui monte souvent à la tribune pendant la durée du Sommet. "Avec son marteau et sa parfaite maîtrise de l'anglais, la Berlinoise a fait autorité tout au long de la conférence", écrit Le Monde. L'Allemagne fait alors figure de modèle en matière environnementale : le pays s'est engagé à réduire de 30 % ses émissions de CO2 entre 1987 et 2005.

Mais la presse est beaucoup plus mesuré sur le fond : "Il est vrai que, une fois le cérémonial médiatique oublié, les bilans paraissent maigres au regard de l'immense défi auquel l'humanité est confrontée", écrit encore le quotidien du soir. "La conférence sur l'effet de serre (...) ne semble avoir débouché que sur un laborieux compromis, renvoyant à deux ans et à une nouvelle réunion, à Kyoto, l'application de mesures destinées à contenir la menace de réchauffement climatique."

Le clivage entre pays riches et pays pauvres préfigure les blocages à venir

Reportage sur la première édition de la conférence des parties, la COP1 de Berlin, dans le journal de 20 heures de France 2 le 28 mars 1995. À l'époque, on ne parlait pas de "COP" mais de "conférence mondiale sur le climat".

Berlin n'aboutit pas à des mesures concrètes mais les 120 gouvernements présents prennent acte de la gravité de la situation et de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre relevant des activités humaines. À Berlin, les pays reconnaissent que les recommandations prises à Rio en 1992 s'avéraient "insuffisantes" et "inadéquates". "Au total, derrière la menace d'un effet de serre renforcé, c'est le spectre d'une déstabilisation économique et sociale généralisée qui se dessine et que la conférence de Berlin accrédite solennellement", écrit aussi Le Monde.

La conférence préfigure déjà les blocages que l'on connaîtra par la suite : "À Berlin, la responsabilité du changement climatique incombait aux pays développés", se souvient Pierre Radanne, expert des questions climatique et météorologique, présent lors de la conférence, "À l'époque, les pays en développement n'était quasiment pour rien dans la situation. Leur position était clair 'nous faisons d'abord notre développement et on verra après'. Ce clivage entre pays riches et pays pauvres n'a finalement été résolu qu'avec l'accord de Paris en 2015 où tous les pays du monde se sont engagés volontairement à prendre des mesures, qu'ils soient riches ou pas".

L'ambition d'instaurer des objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2 naît tout de même à Berlin et sera mis en oeuvre en 1997. "Le protocole de Kyoto fixait comme objectif de réduire de 5% les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2012", explique Jean Jouzel, "un protocole qui valait pour les pays développés. Mais cette ambition climatique née en 1995 a capoté quand les États-Unis ont décidé de ne pas ratifier l'accord au début des années 2000, sous la présidence de George W. Bush".

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