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Économie

Les extravagantes dérives du "musée" de la Banque de France

Dans un rapport publié lundi, la Cour des comptes pointe les dérapages financiers de la future Cité de l’économie, qui doit ouvrir en janvier 2019, avec plus de cinq ans de retard.

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Vue du bâtiment de la future Cité de l'économie de la Banque de France.

Banque de France (licence Creative Commons)

C’est l’une des façades les plus extravagantes de Paris, avec ses murs en pierre de taille et en brique rouge, ornés de multiples tourelles et clochetons. Directement inspiré du Château de Blois, l’extraordinaire hôtel Gaillard, bâti à la fin du 19ème siècle pour le banquier collectionneur Emile Gaillard, se dresse place du général Catroux dans le 17ème arrondissement de Paris.

Depuis de nombreux mois, sa vue est obstruée par les travaux d’aménagement menés par la Banque de France, propriétaire du bâtiment. Depuis 2010, ses gouverneurs se sont mis en tête de transformer cette ancienne succursale de 6.600 mètres carrés, classée aux monuments historiques, en nouveau musée. Or, la "Cité de l’économie" (Citéco), prévue initialement pour fin 2013, devrait ouvrir au mieux en 2019, après avoir vu ses coûts complètement déraper, selon un rapport sévère de la Cour des comptes, publié ce lundi 3 décembre.

Tout d’abord, les magistrats questionnent la pertinence du projet alors que des musées portant sur des thématiques proches ont déjà ouvert ou vont ouvrir d’ici 2020, à la Monnaie de Paris et à la Bibliothèque Nationale de France. Interrogé par Le Point début 2017, Marc-Olivier Strauss-Kahn, conseiller spécial du gouverneur, François Villeroy de Galhau, définissait Citéco comme "un musée de troisième génération, comme il n’en existe aujourd’hui qu’à Mexico" (sic): "le maître mot, c’est l’interactivité. Le visiteur va vivre une expérience unique. Il pourra gérer un budget sur une machine à sous, poser un objet sur un scanner d’aéroport pour découvrir la provenance de tous ses composants, assister à un conseil des gouverneurs de banques centrales…" Son enthousiasme n’a visiblement pas atteint la rue Cambon.

Une facture totale de 90 millions d'euros

Les magistrats pointent des défaillances dans le pilotage du projet, dont s’est chargé le frère de DSK. "L’organisation mise en œuvre s’est révélée insuffisamment solide du fait de la multiplicité des acteurs intervenant au titre de la maîtrise d’ouvrage comme de la maîtrise d’œuvre. En outre, la forte complexité immobilière du projet, au regard de l’ampleur des transformations à opérer, n’a pas été parfaitement anticipée." La Banque de France a notamment dû faire face à des problèmes de pollution au plomb et de voisinage. Résultat: le coût du chantier s’est envolé, passant de 36,7 à 61,1 millions d’euros, soit une dérive de 66%! Ce qui n’a pas empêché la Banque de France de continuer à communiquer sur un montant d’une "quarantaine de millions d’euros", poussant la Cour à dénoncer des "artifices de présentation". Il faut également ajouter des frais de fonctionnement relatifs à la préparation du projet, au développement du site web et à des actions pédagogiques et de communication, portant la facture totale à 97 millions sur la période 2009-2017.

Et cela risque de ne pas s’améliorer. En tablant sur 150.000 visiteurs par an dont 50.000 scolaires gratuits, les recettes de billetterie ne devraient couvrir que 18% du budget d’exploitation. Le déficit prévisionnel s’établirait à 3,5 millions d’euros. En ajoutant les charges liées au bâtiment et les agents mis à disposition par la Banque de France, le déficit grimperait à 6,7 millions d’euros. Cerise sur le gâteau: la Banque de France a fait part de son intention de bénéficier du dispositif du mécénat fiscal, qui lui permettrait de déduire de son impôt sur les sociétés (IS) 60% des subventions versées à sa Cité de l’économie. De quoi agacer les magistrats pour qui cette opération "ne devrait pas avoir pour effet de masquer la réalité du coût de Citéco pour la Banque de France". Et la Cour de conclure cinglante: "ce dernier pèsera in fine sur les finances publiques, au travers d’une minoration de l’IS, si le dispositif fiscal du mécénat était appliqué ou sinon au travers d’une diminution du dividende versé au budget de l’État."

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