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Pollutions

Les ondes 2G et 3G ont causé des cancers chez des rats, selon des chercheurs

Un lien de causalité fort a été établi entre des tumeurs au cœur chez des rats mâles et leur exposition aux ondes 2G et 3G. Peut-on extrapoler ce résultat aux humains ? Les scientifiques restent prudents.

Les ondes 2G et 3G ont très certainement entraîné le développement de tumeurs cancéreuses du cœur chez des rats mâles. C’est le lien de causalité établi par une étude scientifique étasunienne rendue publique le 1er novembre dernier. Elle a été réalisée par le très officiel National Toxicology Program (NTP), ou programme national de toxicologie des États-Unis, qui présente l’expérience comme la plus complète à ce jour sur l’exposition des rongeurs aux ondes 2G et 3G.

Cette recherche répond à une demande de l’administration fédérale étasunienne qui, constatant que 95 % des adultes dans le pays utilisent un téléphone portable, souhaitait savoir si un tel niveau d’utilisation peut avoir des « effets néfastes sur la santé publique ». Lancée il y a plus de 10 ans, l’étude s’est intéressée aux technologies alors utilisées pour les téléphones portables, c’est-à-dire la 2G et la 3G. Mais ces fréquences d’ondes « sont encore utilisées pour les appels téléphoniques et les messages », note le NTP.

Le document de présentation du NTP.

L’expérience a consisté à placer des rats et des souris dans des chambres réverbérantes, c’est-à-dire des pièces permettant une diffusion optimale des ondes. Une première génération de rongeurs a été exposée à partir de quelques jours de gestation et jusqu’au sevrage des petits. Parmi ces derniers, une deuxième génération a été sélectionnée au hasard pour poursuivre l’expérience et divisée en plusieurs groupes. Un groupe témoin n’a pas été exposé aux ondes, puis trois autres groupes ont été exposés à des puissances croissantes (1,5, 3 et 6 watts par kilo), durant neuf heures par jour, le tout pendant deux ans. Le but était d’exposer les animaux sur un temps long, et à différentes étapes de la vie : depuis la gestation jusqu’à l’âge adulte.

« Un effet clair des ondes étudiées sur l’activité cancérogène chez les rats mâles »

Dans leur rapport, les scientifiques constatent que l’exposition aux ondes n’a pas eu d’influence sur « la taille des portées, la survie des mères, la mortalité des petits ». En revanche, le poids des femelles pendant l’allaitement était « significativement plus faible » pour les mères exposées aux doses d’ondes les plus fortes. Mais un rattrapage s’est ensuite effectué car, en définitive, tous les animaux pesaient en moyenne le même poids.

Au bout des deux années, les traces de cancer ont été recherchées chez les rongeurs. Les résultats ont été classés en « évidents », « partiels » et « équivoques » (c’est-à-dire soumis à discussion), en fonction de la force du lien de cause à effet que les chercheurs ont pu établir entre les tumeurs et l’exposition aux ondes. Ainsi, le NTP relève « des signes évidents de tumeurs dans le cœur des rats mâles (…), des signes partiels de tumeurs dans le cerveau des rats mâles (…), des signes partiels de tumeurs dans les glandes surrénales [les glandes au-dessus des reins sécrétant notamment l’adrénaline] des rats mâles. » En revanche, les chercheurs estiment que le lien entre les tumeurs observées chez les rats femelles et chez les souris mâles et femelles est « équivoque », donc pas assez clair pour faire un lien avec l’exposition aux ondes. Ils n’expliquent pas pour l’instant pourquoi les souris et les rats femelles sont moins touchées. L’hypothèse avancée est celle de la taille : plus on est gros, plus on reçoit une quantité d’ondes importante.

« Il y a un effet clair des ondes étudiées sur l’activité cancérogène chez les rats mâles », résume l’étude. De là à conclure que les ondes 2G et 3G peuvent provoquer des cancers chez les humains, il n’y a qu’un pas, que les scientifiques du NTP ne font pas. « Le type de cancer observé chez les rats est le même que celui observé chez les utilisateurs intensifs de téléphones portables dans certaines études », reconnaissent-ils. Mais, « je veux insister sur le fait que les degrés d’expositions dans nos expériences ne sont pas comparables aux expositions habituellement rencontrées chez les êtres humains utilisant un téléphone portable », a indiqué le docteur John Butcher, directeur associé du NTP, lors de la conférence de presse de présentation du rapport. « Les gens sont surtout exposés localement, dans les tissus situés près de là où ils tiennent leur téléphone portable. Et le degré d’exposition le plus faible sur tout le corps des rongeurs correspond au degré le plus haut d’exposition localisée des utilisateurs de téléphones portables. »

« Cependant, ces études mettent en question l’hypothèse de longue date selon laquelle les ondes électromagnétiques ne posent pas de problème tant que leur puissance reste faible et qu’elles ne chauffent pas significativement les tissus », indique le NTP dans son document de présentation.

Les scientifiques étasuniens annoncent donc poursuivre leurs recherches, notamment afin de s’intéresser aux technologies plus récentes telles que la 4G, la 5G et le wifi. « Nos études ont montré où chercher leurs effets potentiels, les futures expériences seront plus rapides et efficaces », a assuré le docteur Butcher. Le NTP a notamment pu concevoir de plus petites chambres de réverbération permettant de réaliser des études sur quelques semaines ou quelques mois. Les scientifiques souhaitent également utiliser des indicateurs se détectant plus rapidement que le cancer tels que le niveau de stress, le rythme cardiaque, des altérations de l’ADN et des modifications de l’expression des gènes.

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