C’est un territoire encore peu connu du grand public, mais qui est en train de disparaître à grands coups de bulldozers. La savane du Cerrado, en plein cœur du Brésil, renferme 5 % de la biodiversité mondiale. Des multinationales étrangères se sont engagées à ne plus se fournir en soja ou viande issus de la déforestation dans cette région. Mais ces efforts pourraient être sapés par l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du pays.

C’est devenu l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète, en toute discrétion. En dix ans, la conversion des terres dans la savane brésilienne du Cerrado a dépassé celle en cours dans la célèbre forêt amazonienne. Or, le Cerrado, qui s’étend sur une surface équivalente à l’Espagne, l’Italie, la France, l’Allemagne et l’Angleterre réunis, recèle l’une des biodiversités les plus riches au monde.
Sa surface originelle a déjà été réduite de moitié, et d’ici 2050, il ne pourrait en rester que 15 %, entraînant la disparition de plus 480 espèces de plantes et d’animaux et l’émission de 8,5 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires. La zone est également très importante puisqu’elle permet d’approvisionner en eau les deux tiers du pays. Huit des douze plus grands bassins hydrographiques sont concentrés dans cette région.
Un manifeste pour sauver le Cerrado
Cela n’a pas empêché les poids lourds de l’agrobusiness brésilien de déboiser toujours plus pour faire de l’élevage (200 millions de bovins y broutent) et cultiver du soja, notamment pour l’exportation. En septembre 2017, une quarantaine d’organisations ont lancé l’alerte à travers un manifeste. Celui-ci s’adresse directement aux grands industriels de l’agro-business.
"Il est nécessaire que tous ces acteurs prennent des engagements et adoptent des politiques efficaces pour mettre un terme à la conversion de la végétation naturelle, et qu’ils ne s’approvisionnent plus dans des zones récemment déboisées", lance le WWF. L’ONG appelle ainsi ces producteurs à s’approvisionner exclusivement en soja certifié sans déforestation.
Cet appel a trouvé un écho auprès de 61 entreprises, dont huit Françaises (Auchan, Avril, Bel, Carrefour, Casino, Cooperl, Danone et L’Oréal). Elles se sont engagées à préserver le Cerrado de la pression exercée par les cultures de soja et l’élevage du bœuf, envoyant un signal très clair pour les fournisseurs et pour toute la chaîne de valeur liée. La France importe chaque année près de quatre millions de tonnes de produits à base de soja, principalement originaires d’Amérique latine.
Déforestation record en 2017
Mais ces efforts pourraient bien être sapés par l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du pays, proche du lobby des "boi" (bœuf en portugais) représentant les grands propriétaires terriens. Le président d’extrême droite, qui prendra ses fonctions le 1er janvier prochain, a promis d’amender une série de réglementations environnementales, de promouvoir l’usage des pesticides, de sortir de l’Accord de Paris, ou encore d’ouvrir les territoires indigènes à l’exploitation minière et forestière… La semaine dernière, il a même renoncé à accueillir la COP25 l’an prochain.
L’État fédéral brésilien risque d’être beaucoup plus laxiste dans la lutte contre la déforestation. Pourtant, celle-ci a atteint un record en 2017 avec 8 000 kilomètres carrés d’arbres coupés en un an, soit 75 fois la surface de Paris, en hausse de 14 %. C’est le niveau le plus élevé enregistré depuis dix ans. Une déforestation néfaste et inutile. Selon WWF, il y a près de 400 000 km² de terres brésiliennes déjà défrichées, qui peuvent être utilisées pour produire du soja, sans avoir à couper un seul arbre de plus.    
Concepcion Alvarez, @conce1

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