Ça baigne pour les panneaux solaires

LE PARISIEN WEEK-END. En pleine expansion, la filière photovoltaïque investit des espaces ni constructibles ni cultivables. Dans le Vaucluse, c’est un lac artificiel qui accueillera bientôt la plus grande centrale solaire flottante d’Europe.

    Jusqu'ici, la bourgade de Piolenc, dans le Vaucluse, n'était réputée que pour sa fête de l'ail, célébrée chaque été autour d'un aïoli géant. Nul n'aurait imaginé que cette charmante commune de 5 000 habitants se placerait à l'avant-garde de la transition énergétique en accueillant sur ses terres la plus grande centrale solaire flottante d'Europe.

    La PME française Akuo Energy installe en ce moment un équipement photovoltaïque étalé sur le lac artificiel voisin du village, une ancienne carrière immergée de 17 hectares. Pas moins de 47 000 panneaux seront ainsi disposés, pour une mise en service prévue l'année prochaine.

    Ces derniers sont équipés de flotteurs fabriqués par une autre société française, Ciel & Terre, créée en 2006 dans la banlieue lilloise et spécialisée dans le solaire flottant depuis 2011. Au total, la centrale développera une puissance de 17 MWc (mégawatt-crête, l'unité de mesure de la puissance des panneaux), ce qui correspond à la consommation moyenne de 4 733 foyers.

    « Piolenc sera la première ville de France à énergie positive, c'est-à-dire qui produit plus d'électricité qu'elle n'en consomme », s'enorgueillit le maire, Louis Driey.

    Ce projet précurseur est emblématique du potentiel de cette filière en pleine expansion, car cette méthode de production d'énergie présente non seulement l'avantage d'être renouvelable et sans émission de CO2, mais aussi celui d'occuper des espaces qui n'auraient pas pu être utilisés pour la construction de logements ou l'agriculture.

    « C'est une excellente solution pour éviter les conflits d'usage entre les différentes activités d'un territoire », insiste Eric Scotto, président d'Akuo Energy. Sa société, qu'il a cofondée il y a quinze ans, d'abord spécialisée dans la production d'électricité éolienne, solaire, issue de la biomasse ou hydroélectrique, parie aujourd'hui sur le solaire flottant.

    L'étude d'impact menée à Piolenc a permis de vérifier qu'aucune espèce végétale ni aucun oiseau ne seraient menacés par la centrale.

    Même sur des bassins pollués

    L'installation s'accompagne d'un effort de sensibilisation des riverains. « Notre ambition est de promouvoir un nouveau modèle énergétique, décentralisé et au contact des citoyens, poursuit l'entrepreneur. Nous avons organisé des ateliers sur l'agroécologie, la biodiversité et la transition énergétique dans les écoles et les centres de loisirs de la commune. Il y aura un sentier pédagogique près de la centrale. Nous finançons la réhabilitation de terres adjacentes qui vont accueillir deux maraîchers bio. Ils fourniront en légumes la cantine scolaire et les habitants alentour. Nous avons même ouvert le capital du projet, qui s'élève à 17 millions d'euros, aux résidents du Vaucluse et des départements limitrophes. »

    Les dirigeants d'Akuo ne comptent pas en rester là. Ils ont recensé tous les plans d'eau français disponibles. D'anciennes carrières immergées, comme à Piolenc, mais aussi des réservoirs d'eau potable ou encore des bassins industriels pollués.

    Ils ont exclu de leur projet les lieux où une centrale fragiliserait la biodiversité, ainsi que ceux situés à plus de 10 kilomètres d'un point de raccordement. « Si la distance est trop grande, explique Eric Scotto, cela perd de son intérêt, car le raccordement devient trop cher. » Selon eux, la France dispose d'un potentiel de production de 7 à 8 gigawatts, qui correspond à la puissance d'environ huit centrales nucléaires.

    A l'étranger, la filière se développe aussi. Ciel & Terre a déjà participé à une centaine de projets dans 25 Etats, notamment au Japon, le pays qui compte le plus grand parc de fermes solaires flottantes actuellement en service.

    Mais, en matière de gigantisme, c'est la Chine qui détient le record mondial du secteur. A Huainan, à 500 kilomètres au nord-ouest de Shanghai, 160 000 panneaux solaires recouvrent depuis le printemps 2017 un lac artificiel pollué, venu combler une ancienne mine de charbon. Leur capacité atteint 40 MWc, plus de deux fois celle de Piolenc. En matière d'aïoli, le village du Vaucluse reste toutefois inégalé.

    DES CAMIONS MIS AU COURANT

    Des camions modifiés testeront la première autoroute électrique d'Italie sur 6 kilomètres de l'A35, dès 2019. Les véhicules devront pour cela doter leur toit d'un double pantographe, ce bras articulé comme celui des trains et tramways. Les poids lourds se connecteront ainsi aux caténaires nouvellement installées pour alimenter leur moteur.

    Le système est déjà testé en Suède et en Allemagne. Mais les dirigeants de Brebemi, la société qui exploite cette importante autoroute reliant Brescia, Bergame et Milan, veulent une électrification sur 80 kilomètres, contre seulement 2 en Suède et une dizaine en Allemagne. En complétant ce dispositif avec des panneaux solaires installés le long de la voie, Brebemi souhaite créer une véritable autoroute écologique.