Gilets jaunes : les syndicats face à la colère de leur base

Réunis ce jeudi au siège de la CFDT, les centrales syndicales ont tendu la main au gouvernement, sans appeler à rejoindre les Gilets jaunes. Une position contestée par les militants de base.

 La CFDT, dirigée par Laurent Berger, a signé le communiqué commun des syndicats qui dénonce « les formes de violences dans l’expression des revendications » des Gilets jaunes.
La CFDT, dirigée par Laurent Berger, a signé le communiqué commun des syndicats qui dénonce « les formes de violences dans l’expression des revendications » des Gilets jaunes. LP/Olivier Arandel

    Ne pas jeter de l'huile sur le feu, ni se couper de la base… C'est l'exercice périlleux tenté par les responsables syndicaux réunis ce jeudi matin dans les murs de la CFDT de 8h30 à 10h30. Un huis clos sur « l'actualité sociale » (prévue initialement la semaine prochaine) à quelques heures de l'acte IV de la mobilisation des gilets jaunes : le quatrième samedi de la colère annoncé comme celui de tous les dangers.

    Signé par 7 syndicats sur 8 (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU), le communiqué commun, qui dénonce « les formes de violences dans l'expression des revendications », a semé la confusion au sein des centrales. Et même la colère dans les rangs des militants, partagés sur la position à adopter samedi vis-à-vis « de tous ceux qui se battent dans rue pour vivre dignement ».

    « C'est raté ! Ils jettent de l'huile sur le feu et se coupent de la base. Catastrophique dans une période aussi mouvementée » se désole un responsable syndical cégétiste opposé à la décision prise par son syndicat de ne pas être aux côtés des Gilets jaunes. « Ils sont inconscients ! » lance un autre gradé mécontent, cette fois dans les rangs de FO. « Les syndicats ont décidé qu'il est urgent de ne rien faire. Cette déclaration est hors sol » tacle le syndicat Solidaires qui a refusé de signer.

    Aucune plate-forme commune de revendications

    Que dit ce texte? Outre la condamnation des violences des Gilets jaunes, il en appelle, entre les lignes, à Emmanuel Macron pour faire enfin confiance aux syndicats. Il faut « garantir de réelles négociations » demandent-ils, espérant être l'acteur incontournable de la sortie de crise. Reste que leur volonté de jouer les pompiers laisse déjà apparaître des divisions. Aucune plate-forme commune de revendications à la clé… Chaque « syndicat avancera ses propres revendications », est-il été écrit et « en commun chaque fois que cela sera possible ».

    « C'est l'aveu de l'incapacité des syndicats à prendre la main », décrypte un connaisseur. Une main à peine tendue et pourtant saisie dans la foulée par la ministre du Travail. Les syndicats et le patronat sont attendus dans ses bureaux ce vendredi matin. Objectif affiché : évoquer « notamment » la prime exceptionnelle défiscalisée versée par les entreprises.

    De nombreux militants CGT menacent de déchirer leur carte

    Sur les réseaux sociaux, où les Gilets jaunes sont très actifs, cette déclaration a fait l'effet d'une douche froide. « On savait qu'on ne pouvait pas compter sur eux ! » résume dépité l'un d'eux. « Ce sont des traîtres ! » twitte rageur un autre. Des réactions qui n'ont pas surpris de nombreux militants syndicaux. Sur le terrain, à la CFDT comme chez FO, une partie de la base se disait désorientée. Dans les rangs de la CGT, c'est même une véritable déflagration de colère qui a suivi l'envoi du communiqué. « Chez nous aussi c'est l'insurrection ! On est en train de se vendre au gouvernement. La CFDT nous a bien utilisés dans cette affaire » s'emporte l'un d'eux.

    Selon nos informations, de nombreux militants CGT menacent même de déchirer leur carte. L'Union régionale des Bouches-du-Rhône a exprimé son désaccord dans un mail au vitriol adressé à Philippe Martinez. « C'est un signal catastrophique envoyé à toutes celles et ceux qui luttent. Nous mettons en danger nos militants » dénonce l'UD CGT 13 qui réclame (comme plusieurs organisations de la centrale) la tenue d'une réunion en urgence du parlement de la CGT mercredi prochain.

    « En cas de refus nous prendrons toutes nos responsabilités », prévient le communiqué. Quitte à aller jusqu'à désavouer le patron de la centrale de Montreuil.