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Économie

Chine : les capitalistes rouges investissent la France

A Paris, le président Xi va célébrer l'entrée de Dongfeng au capital de PSA. Une opération qui illustre un casse-tête français : profiter de l’argent chinois sans se faire dépouiller.
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382 Cover lancement Chinois
Xu Ping (Dongfeng Motor) et Philippe Varin (Peugeot Citroën), le 21 septembre 2010.
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Le français Peugeot Citroën "sauvé" par le chinois Dongfeng ! Qui aurait validé, il y a peu, un tel scénario, alors que ce constructeur – créé sur ordre de Mao en pleine Révolution culturelle – a longtemps été réputé pour sa production locale low cost ? Qu’importe. Aujourd’hui, à Pékin, on bombe le torse. Grâce à Dongfeng et à cette prise de participation, "Peugeot Citroën est de retour dans la course des grands", s’emballe ainsi l’agence de presse Xinhua.

Réticences des deux côtés

A Paris, même si l’on va faire la fête au président chinois Xi venu parrainer l’accord, la perception n’est pas aussi unanime. Si les autorités de l’Etat se félicitent de la recapitalisation de Peugeot, des industriels s’inquiètent. Jean-Dominique Senard, le patron de Michelin, qui a mal vécu la perte de technologies françaises de premier plan quand il dirigeait la division aluminium de Pechiney, a confié à son ami Philippe Varin, grand artisan pour Peugeot du rapprochement avec Dongfeng, qu’il aurait préféré "une solution européenne".

De toute façon, insiste Ding Yifan, directeur adjoint de l’Institut d’études sur le développement mondial à Pékin, "économiquement, la Chine en France reste encore discrète". Car, si l’Europe concentre plus du tiers de toutes les fusions-acquisitions chinoises dans le monde (soit quelque 90 milliards de dollars l’an dernier, huit fois plus qu’en 2005 !), la France restait globalement épargnée par cette razzia chinoise. Elle ne capte que 7 à 8% de ces investissements en Europe, pour 33% en direction de l’Allemagne et 18% vers le Royaume-Uni.

Et s’il y a officiellement 300.000 personnes de nationalité chinoise, moins de 12.000 salariés à Paris et en province travaillent pour le compte de firmes originaires de Chine. En cause, l’image d’une France jugée "très compliquée auprès des investisseurs chinois", relève Ding Yifan. L’Hexagone est pour ces capitalistes rouges synonyme "d’Etat providence, de pression syndicale, de règles administratives strictes et opaques"… Le bureau pékinois de l’agence de relations publiques Hill + Knowlton note même que "les entreprises chinoises ne sont toujours pas les bienvenues" en Europe et, notamment, en France.

A l’inverse, la presse officielle chinoise titre souvent sur une France déroulant "le tapis rouge aux investisseurs chinois". Elle se félicite que François Hollande ait appelé, lors de sa visite officielle en Chine en avril 2013, à lever "tous les obstacles et les freins aux investissements chinois en France". Selon les projections de la Direction (française) générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, le pays pourrait, d’ici à 2020, accueillir plus de 15 milliards de dollars de flux chinois par an. "Beaucoup d’entrepreneurs sont fascinés par la France, et reconnaissent la qualité et le niveau de formation de notre main-d’œuvre", note, depuis Shanghai, Emmanuel Gros, senior adviser au sein de la banque d’affaires Benoit & Associés, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises chinoises en France. "Je crois au moment français comme il y a eu un moment allemand", poursuit-il.

Cette France "romantique"

Le patron et fondateur de l’équipementier télécoms Huawei, Ren Zhengfei, cela fait sept ans qu’il y croit ! Depuis l’ouverture très symbolique d’un bureau d’études à Lannion, berceau des télécommunications françaises. En novembre dernier, Ren s’était livré à une opération de charme devant les ministres Laurent Fabius et Arnaud Montebourg. "Ce pays romantique", lâchait l’homme d’affaires à propos d’une France où les gouvernants vantent le patriotisme économique et où les opérateurs télécoms ont du mal à se passer des produits de Huawei. Et pour bien montrer que son propos n’était pas ironique, le patron chinois a promis d’ouvrir deux nouveaux centres de R&D dans l’Hexagone et d’y créer 170 emplois cette année.

Mais c’est surtout dans le tourisme que cette "poussée chinoise" en France est attendue, avec une passion marquée pour les propriétés viticoles du Bordelais. La France reste, de fait, surtout prisée pour son art de vivre. Déjà, Paris promet depuis peu de délivrer des visas aux touristes de l’empire du Milieu en quarante-huit heures. Objectif : attirer de plus en plus de Chinois devenus, avec plus de 70 millions de voyageurs à l’étranger tous les ans, les plus grands globe-trotteurs de la planète derrière les Américains (75 millions environ) et les Allemands (plus de 85 millions). Et parmi les plus dépensiers.

Leur panier moyen (montant dépensé dans un même magasin le même jour) s’élève à plus de 1.500 euros en France, deux fois et demie de plus qu’en 2005. Un point qui n’a pas échappé au géant Fosun, un gros conglomérat privé chinois entré dans le capital du Club Med en 2010, qui veut renforcer sa présence dans l’industrie touristique en France et en Chine. "Nous sommes en discussion avec plusieurs entreprises françaises", dit-on au siège du groupe à Shanghai. Mais sans en dévoiler plus. 

Pierre Tiessen, à Pékin

 

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