A Tibhirine, on ignore toujours qui a tué les 7 moines

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Par Caroline Hick

Le père anversois Charles Deckers, des Missionnaires d'Afrique (Pères blancs), sera béatifié en même temps que 18 autres martyrs, parmi lesquels les moines de Tibéhirine, dont le film "Des hommes et des dieux" (2010) a retracé l'histoire. Ceux-ci ont été assassinés en Algérie en 1996.

Vingt-deux ans après les faits, l’enquête sur l’assassinat de 7 moines résidant au monastère de Tibhirine (sud-ouest d'Alger) n’est toujours pas bouclée. On ne sait donc toujours pas pourquoi et par qui ils ont été enlevés puis tués en mars 1996. La thèse officielle des autorités algériennes accuse un chef local du GIA, le groupe islamique armé, qui aurait commis cet acte fort pour renforcer son autorité sur la région. Mais pour la justice française et les familles des victimes, cette thèse présente de nombreuses incohérences. Et l’opacité des autorités algériennes n'a fait que renforcer leurs doutes.

D'autres thèses sont à l'étude

Depuis plusieurs années, on évoque aussi une bavure d’un hélicoptère de l’armée algérienne, maquillée en égorgement pour accuser les islamistes. Ou encore la signature des services secrets algériens, qui se seraient débarrassés de ces moines trop enclins à soigner tout le monde, notamment des combattants islamiques. Selon l'avocat des familles des moines, il faudra attendre que les langues se délient en Algérie pour connaître un jour la vérité. Ils sont convaincus que là-bas, certains détiennent les clés de cette sombre histoire.

Vague d'assassinats dans les années 1990

Entre 1994 et 1996, 19 religieux catholiques sont assassinés en Algérie, par balle, par égorgement ou au moyen d'une bombe. Parmi eux, les 7 moines de Tibhirine mais aussi l'évêque d'Oran, monseigneur Pierre Claverie, un homme pourtant décrit comme un homme de terrain et d'ouverture, fervent défenseur d'un rapprochement entre les religions. On citera aussi le père belge Charles Deckers, assassiné avec trois autres "pères blancs" à Tizi-Ouzou.

Une béatification dans un pays musulman, une première

Pour ces 19 religieux, l'Eglise a insisté sur l'importance d'une béatification en Algérie, un pays qu'avaient adopté tous ces religieux qui s'y étaient installés depuis parfois plusieurs dizaines d'années. Certains parlaient l'arabe, le berbère et avaient étudié le Coran. Ils avaient tous tissé des liens étroits avec la population la plus pauvre qui les entourait.

Pour l'Eglise, il ne s'agit pas de "glorifier la mort de chrétiens face à des musulmans", mais bien de célébrer leur mort aux côtés des dizaines de milliers de victimes algériennes.

Soulignons d'ailleurs qu'à la même époque, plus de 140 imams ont eux aussi été assassinés pour avoir refusé de signer ou de cautionner des fatwas justifiant la violence en Algérie. Environ 200.000 personnes ont péri durant la guerre, dont de très nombreux civils, victimes d'attentats ou de massacres imputés aux groupes islamistes qui ont affronté les forces de sécurité entre 1992 et 2002.

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