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Les peurs et l’autre colère des anti-« gilets jaunes »

Les Français opposés aux blocages dénoncent un mouvement qui veut imposer par la force ses positions politiques au reste du pays.

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Publié le 07 décembre 2018 à 06h40, modifié le 07 décembre 2018 à 11h36

Temps de Lecture 3 min.

Sur le camp de base des « gilets jaunes » au Magny, à hauteur de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), le 6 décembre.

Ils sont anti-« gilets jaunes » et veulent le faire savoir. « Terroristes », « liberticides », « antidémocratiques », ils n’ont pas de mots assez durs pour caractériser la menace que ferait peser sur le pays le mouvement de protestation contre la hausse des taxes sur les carburants. Ceux-là font partie du tiers des Français qui désapprouvent depuis le début le « conflit des ronds-points ». Les témoignages que nous avons recueillis sur Lemonde.fr déroulent les griefs contre cette révolte qui ébranle le pays.

Les Français sont encore très majoritaires à soutenir la mobilisation enclenchée voici un mois. Le dernier sondage Elabe pour BFM-TV, publié mercredi 5 décembre et réalisé après les annonces d’Edouard Philippe, souligne ainsi que 72 % des Français l’approuvent ou ont de la sympathie. Certes en baisse de trois points, ce soutien reste massif.

Mais il y a aussi tous ceux que les barrages insupportent et qui se disent ulcérés par l’unanimité que semble susciter la gronde antitaxe. Leur premier argument renvoie à la liberté de circuler, cardinale à leurs yeux. Se faire bloquer à un carrefour, être empêché dans ses déplacements, leur est intolérable. « Je n’accepte pas de subir ces entraves qui me privent de ma liberté de circuler et de travailler. Les “gilets jaunes”, c’est un pourcentage infime de la population qui donne des leçons de démocratie à la majorité restante », s’insurge Stéphanie, 45 ans, qui travaille dans la communication en Haute-Marne. Joël, professeur à la retraite à Montpellier, n’a pas apprécié son expérience du 17 novembre : « J’ai été arrêté par un “gilet jaune” pour passer et il m’a dit : “Vous êtes d’accord avec moi sinon je vous empêche de passer”. Cela commence comme ça le totalitarisme ! », s’exclame le sexagénaire.

Les qualificatifs pour nommer les protestataires sont souvent pleins de colère et de mépris. Pour Malika, secrétaire médicale dans le Nord, ce sont des « barbares ». « Ils se permettent d’entraver notre liberté de mouvement et veulent à tout prix nous imposer leurs revendications farfelues sous la menace, l’intimidation et la violence ! », commente-t-elle. « Ils ne communiquent pas, ils aboient », juge Steph qui vit en Haute-Garonne et regarde les blocages comme des « défouloirs », « prenant en otage ceux qui veulent bosser ». « Dans l’ivresse du défoulement, le slogan “Nous sommes le peuple” devient un permis de bloquer ou d’insulter d’autres citoyens qui ne feraient pas partie du peuple », fustige aussi Robert, retraité de Gif-sur-Yvette (Essonne).

Peur et incompréhension

Derrière ce vif rejet s’expriment des peurs bien réelles. Peur physique quand on se retrouve bloqué dans sa voiture. Les méthodes de certains bloqueurs qui obligent les automobilistes à « montrer patte blanche » en arborant son gilet jaune sont particulièrement critiquées. On y lit aussi la crainte de ce que cette colère sociale peut produire. « Depuis plusieurs jours, j’ai peur. Peur de cette bêtise, de cette haine, de l’atteinte à notre liberté et notre démocratie… des actes de violence et du vandalisme », écrit ainsi une infirmière libérale qui veut rester anonyme.

On sent dans les témoignages une totale incompréhension devant cette explosion sociale. Beaucoup redoutent les conséquences politiques de la révolte en cours sur le système politique français. « L’expression de cette colère est effrayante car elle est destructrice, voire nihiliste. Personnellement, je crains qu’elle ne débouche sur la fin de notre démocratie », nous assure un Parisien, dirigeant de TPE. « Nous subissons une prise d’otage qui va mettre l’économie du pays à terre. Sans compter tous les dégâts causés lors des manifestations qui seront réglés par nos impôts tant décriés, si toutefois nos manifestants y sont soumis, ce dont je doute », s’alarme de son côté un manageur commercial de Noyon (Oise).

D’autres voient dans la mobilisation une manipulation des extrêmes qu’ils disent craindre plus que tout. « Ce qui m’inquiète, c’est la tournure insurrectionnelle, voire totalitaire, que prend le mouvement », souligne Julien, cadre à Toulouse, qui croit déceler chez les « gilets jaunes » « un travail d’aiguillonnage de plus en plus visible des militants nationalistes et identitaires ». « Ce mouvement est exploité par l’extrême droite et La France insoumise. C’est un festival de démagogie. Le populisme nous menace », assure aussi Brigitte, de Bordeaux.

Au bout du compte, pour la plupart des répondants, ces manifestations sont tout simplement illégitimes. Dans leurs revendications comme dans leur expression. « Ce mouvement n’est plus crédible car il persiste alors que le gouvernement a fait marche arrière », raille un fonctionnaire de Parthenay (Deux-Sèvres). Et Catherine, médecin dans un petit village de Normandie, d’interroger le slogan qui s’entend de plus en plus chez les « gilets jaunes » : « Macron démission ? ! Et qui à la place ? Je crains que les partis extrémistes ne soient à la manœuvre. Et ça, je suis 100 % contre. » Elle n’est pas la seule dans les quelque 592 lecteurs qui ont voulu témoigner.

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