Intelligence

Comment notre mode de vie modifie notre intelligence

La modification de l’expression d’un gène lié à la dopamine provoquée par des facteurs environnementaux est associée à une baisse de QI chez les adolescents.

Environnement et intelligence

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L’intelligence générale, ou quotient intellectuel (QI), regroupe de nombreuses aptitudes cognitives (raisonnement, motivation, mémoire, capacités motrices et verbales…) qui nous permettent de résoudre des problèmes et de nous adapter à notre environnement. Et nous n’avons pas tous les mêmes capacités, notamment parce qu’elles dépendent en partie de nos gènes. Mais est-il possible de les améliorer ? Oui, si l’on en croît une récente étude de Jakob Kaminski, de l’université de médecine Charité à Berlin, et de ses collègues, car notre environnement et notre mode de vie influent aussi sur le QI. Les chercheurs ont mis en évidence le mécanisme en jeu.

Selon les études menées sur des jumeaux, l’« héritabilité génétique » de nos aptitudes cognitives, c’est-à-dire la part des gènes dans le QI, serait comprise entre 50 et 70 %. Toutefois, les études génétiques sont contradictoires, et celles, plus larges, menées dans la population générale, révèlent que notre intelligence serait déterminée à 5 % par les gènes, reposant sur de nombreuses variations génétiques distinctes. De plus, après la seconde Guerre mondiale, le QI moyen a augmenté de plusieurs points en une génération, ce qui ne peut s’expliquer uniquement par des modifications génétiques. C'est parce que les conditions de vie, plus ou moins favorables, l’alimentation et surtout le stress influent aussi sur notre intelligence.

Pour déterminer le rôle de l’environnement dans nos capacités cognitives, les chercheurs ont utilisé les données génétiques, d’imagerie cérébrale et de tests neuropsychologiques du consortium IMAGEN, regroupant 1475 adolescents âgés en moyenne de 14 ans. Aujourd’hui, on sait que les facteurs environnementaux, comme une mauvaise alimentation, un manque d’affection ou d’activité physique, et plus généralement le stress, peuvent modifier l’expression des gènes par des mécanismes dits épigénétiques : le stress, qui provoque la sécrétion d’hormones dans l’organisme, entraîne l’ajout de groupes méthyles sur l’ADN – on parle de méthylation –, ce qui modifie l’expression du gène. Et cette transformation épigénétique est parfois transmise à la génération suivante.

Par ailleurs, on sait que nos aptitudes cognitives reposent sur l’architecture et les fonctions de notre cerveau, notamment sur les interactions entre le cortex et les régions du système de la récompense, impliqué dans le contrôle des émotions, du stress et de la motivation. De fait, la dopamine, l’un des neurotransmetteurs majeurs du système de la récompense, joue un rôle dans l’intelligence. Kaminski et ses collègues ont donc examiné les profils génétiques et épigénétiques des adolescents de la cohorte IMAGEN, ainsi que la structure et la fonction de leur cerveau dans le système de la récompense, et les ont comparés à leur intelligence générale, mesurée par des tests de QI.

Résultat : les jeunes qui portent une modification épigénétique du gène d’un récepteur de la dopamine ont un système de la récompense moins actif et sont moins performants au test de QI. Car la méthylation de ce gène, provoquée par des conditions environnementales défavorables (mais non identifiées dans cette étude), réduit la présence du récepteur sur les neurones. L’héritabilité épigénétique des aptitudes cognitives liée à ce récepteur serait, selon cette étude, d’environ 3 %. De plus, les variations génétiques non liées à l’environnement des participants expliquent aussi 3 à 4 % de leur différence de QI.

Des modifications épigénétiques et neurobiologiques provoquées par des facteurs environnementaux influent donc sur nos performances cognitives, qui ne sont pas seulement innées. D’autres intermédiaires que la dopamine et le stress existent certainement ; reste à les identifier.

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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Références

Jakob A. Kaminski et al., Epigenetic variance in dopamine D2 receptor: a marker of IQ malleability ?, Translational Psychiatry, vol. 8, article 169, 2018.

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