Des surfaces agricoles bétonnées, des exploitations vendues à des investisseurs chinois qui font flamber les prix et favorisent l'agriculture intensive... C'est le constat que dresse un rapport parlementaire sur le foncier agricole. Cela met en péril la sécurité alimentaire de la France et ses objectifs écologiques. L'État doit reprendre la main, demande le co-rapporteur Dominique Potier. 

C’est à un problème majeur que viennent de s’attaquer deux députés. Anne-Laurence Petel (LREM) et Dominique Potier (PS) ont présenté le mardi 5 décembre les conclusions de leur mission d’information sur le foncier agricole. Et malgré des divergences, le constat est commun : l’artificialisation des terres est galopante et la financiarisation des surfaces agricoles menace la souveraineté alimentaire.
"Si on laisse la main aux marchés financiers, on va ruiner notre bien commun, notre sol", prévient Dominique Potier. Le député milite pour une nouvelle loi foncière, plus ambitieuse qui passerait par la reconnaissance de la terre comme bien commun de la nation. "Il y a des failles législatives qui permettent à des sociétés de capitaux de prendre la main sur l’agriculture française. Il y a un triple enjeu, à la fois de souveraineté alimentaire, de renouvellement des agriculteurs et de réchauffement climatique", énonce le député.
Les investisseurs étrangers font flamber les prix 
Il faut dire qu’en France, 164 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour. Soit 60 000 hectares détruits tous les ans, l’équivalent de six fois la surface de Paris. Cette artificialisation s’accompagne d’un autre phénomène : l’accaparement des terres agricoles par des investisseurs étrangers. "On se rend compte que de plus en plus de personnes morales achètent les terres agricoles au détriment des agriculteurs", atteste Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural."Il s’agit d’investisseurs français mais aussi de holdings étrangères dont le montage est opaque".
C’est l’achat, par un investisseur chinois, de 2 000 hectares de terres à blé dans l’Indre et l’Allier qui a mis le feu aux poudres. En août dernier, des centaines d’agriculteurs ont ainsi manifesté contre cette acquisition, qui favorise la spéculation du foncier agricole. L’investisseur aurait en effet acheté au moins 12 000 euros l’hectare, soit le double des prix du marché. L’enjeu est d’autant plus important qu’il s’agit de donner accès au foncier pour le renouvellement des générations dans le secteur agricole.
Un livret d’épargne vert pour les primo accédants
D’où l’idée de Dominique Potier de créer un livret d’épargne vert qui permettrait aux agriculteurs d’accéder à des prêts bonifiés, calqué sur le modèle du Livret A pour le logement social. Reste que pour l’instant, "l’exécutif donne des signaux contradictoires" sur la mise en place de ces mesures, assure l’élu.
Or, l’accaparement et l’artificialisation de sols ont des multiples impacts aussi bien sur la biodiversité que sur les emplois. "Ils favorisent l’agriculture intensive, la mécanisation et les monocultures. Cela a évidemment un impact sur la biodiversité puisqu’il y a moins de variétés de cultures", dénonce Guy Kastler de la Confédération paysanne. "L’agrandissement de ces exploitations ne rime pas avec une augmentation de la main d’oeuvre, au contraire. On met en péril le modèle d’agriculture familial français".
Marina Fabre @fabre_marina 

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