« La Déclaration universelle des droits de l’homme ne serait même pas adoptée aujourd’hui »

Le Palais de Chaillot, en 1948, où se tient l’Assemblée générale de l’ONU qui adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme. ©AFP - INTERCONTINENTALE / AFP
Le Palais de Chaillot, en 1948, où se tient l’Assemblée générale de l’ONU qui adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme. ©AFP - INTERCONTINENTALE / AFP
Le Palais de Chaillot, en 1948, où se tient l’Assemblée générale de l’ONU qui adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme. ©AFP - INTERCONTINENTALE / AFP
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« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », proclame l’article premier de la Déclaration signée à Paris le 10 décembre 1948. En plein débat sur les inégalités provoqué par les gilets jaunes, cet anniversaire révèle les limites de cette belle déclaration, 70 ans après.

C’est un anniversaire qui aurait dû être célébré en grande pompe, mais qui passe relativement inaperçu ; et pourtant, c’est au Palais de Chaillot, à Paris, que fut signée le 10 décembre 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme. Triste anniversaire il est vrai, car la promesse de ce texte fondateur de l’après-seconde guerre mondiale est loin d’avoir été tenue.

Il y a même un incroyable effet de miroir historique à relire l’article premier que tout le monde connait, « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », et à le relier au sentiment d’inégalité qui est au cœur du mouvement des gilets jaunes en France. Cette déclaration reste un idéal vers lequel tendre, mais qui s’avère plus difficile que prévu à réaliser.

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Affiché dans les écoles, les commissariats, ou les palais de justice, le texte de 1948 a toujours du mal, 70 ans après, à être considéré comme le socle des valeurs communes de l’humanité. Aujourd’hui encore, il est au mieux ignoré et contourné, au pire combattu au nom de la négation de l’universalité.

Ces divisions existaient dès l’origine en 1948. Sur les 58 membres des Nations Unies de l’époque, seuls 50 États ont voté l’adoption de la Déclaration. L’Afrique du Sud blanche refusait l’égalité de tous les humains, l’Arabie saoudite s’opposait à l’égalité hommes-femmes, et l’Union soviétique et ses alliés contestaient la définition de l’universalité.

Ces clivages existent toujours. La Chine a récemment répondu aux critiques sur le traitement de la minorité Ouïgour en déclarant que les droits de l’homme sont une invention occidentale ; une partie du monde islamique continue de placer les lois religieuses au-dessus des valeurs universelles ; Et les États-Unis viennent de se retirer du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, tout comme ils refusent la Cour pénale internationale au nom de la souveraineté.

On le voit encore avec le Pacte sur les migrations signé aujourd’hui à Marrakech, et qui se place dans l’esprit de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme, sur la libre circulation. Il est vivement attaqué par les nationalistes, on le voit en Belgique où ils ont fait exploser la coalition gouvernementale.

Cette magnifique Déclaration reste un idéal, un but à atteindre pour les pays qui y adhèrent, un espoir pour les peuples des pays qui en sont encore privés.

Comme tous les idéaux, celui-ci est souvent malmenés. Y compris en France qui aime à se proclamer « patrie des droits de l’homme », mais dont la réalité humaine, est parfois en décalage avec les engagements.

Le paradoxe est que nombre des objectifs de cette déclaration ont connu, à l’échelle mondiale, de grands progrès, comme la réduction de la pauvreté. Mais sur bien d’autres, c’est au contraire la régression, sur tous les continents, y compris en Europe.

Ce 70ème anniversaire aurait dû être l’occasion du renouvellement d’un engagement sur la voie des droits humains. Mais pour Amnesty International, « la Déclaration universelle de 1948 ne serait même pas adoptée aujourd’hui ». Triste époque.

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