Les usines d'antibiotiques indiennes polluantes créent des foyers d'antibiorésistance

Les usines d'antibiotiques indiennes polluantes créent des foyers d'antibiorésistance
A Hyderabad en juillet 2012 (NOAH SEELAM/AFP)

En rejetant des antibiotiques dans la nature, ces usines permettent l'apparition de microbes multirésistants.

Par Le Nouvel Obs
· Publié le · Mis à jour le
Temps de lecture

Les usines indienne et chinoise fabriquent plus de 90% de nos antibiotiques. Mais en rejetant leurs effluents dans la nature, celles-ci créent dans le même temps des foyers d'antibiorésistance, raconte "Le Monde" lundi 10 décembre. Autrement dit, notre résistance aux infections bactériennes pourrait être affectée par ceux-là même qui sont censés la renforcer... 

Depuis plus de 10 ans, ONG et chercheurs du monde entier dénoncent la contamination de l'environnement par les effluents d'usines d'antibiotiques implantées en Inde. Là où elles sont implantées, des études ont révélé la présence de produits dangereux pour la santé (arsenic, nickel, chrome...) dans des quantités surpassant largement toutes les normes nationales et internationales. 

La suite après la publicité

Produits polluants donc, mais pas que : là où passent les effluents, les relevés notent des concentrations d'antibiotiques "astronomiques". Il en émerge des microbes résistants. "Au-delà de la surconsommation humaine et vétérinaire d’antibiotiques, il existerait donc une troisième source d’antibiorésistance dont on ne parle jamais : celle liée à la fabrication même de ces produits, dans des usines asiatiques peu regardantes sur leur contamination environnementale", explique "le Monde".

Réglementations peu contraignantes

Hyderabad, dans l'est de l'Inde, est l'un des sites majeurs de fabrication d'antibiotiques dans le monde. On y trouve, entres autres, les usines de Mylan, Aurobindo, Neuland, Merck... D'après le quotidien du soir, quelque 150 industriels pharmaceutiques sont installés dans les environs. Gudavarthy Vijay, professeur d’économie à l’université d’Hyderabad, explique : 

"Ils bénéficient ici d’une main-d’œuvre bon marché, de taxes très faibles, de réglementations environnementales très peu contraignantes et aussi de milliers de lacs et de rivières dans lesquels décharger leurs déchets."

La zone figure désormais parmi les plus polluées du monde. Dans les rivières et les lacs des environs, les concentrations en antibiotiques sont 100.000 à 1 million de fois supérieures à celles relevées dans les eaux européennes... 

Superbactéries super résistantes

La situation est la même partout dans la région : les cours d'eau transportent la pollution d'un endroit à l'autre. "D’abord les rivières, ensuite les puits et les villages, puis les plantes et le bétail", énumère Narasimha Reddy, docteur en science politique. Le mélange des eaux polluées et des eaux domestiques pleines de matières organiques créent de plus les conditions idéales à l'émergence de superbactéries qui résistent à tout type d'antibiotique. 

La suite après la publicité

"Lorsqu’un médecin prescrit des antibiotiques, c’est toujours après avoir comparé le bénéfice de sauver un patient avec le risque de promouvoir l’antibiorésistance. Mais lorsque les industriels rejettent des antibiotiques dans l’environnement, il n’y a clairement aucun bénéfice à tirer. Si ce n’est économique pour les fabricants", estime Joakim Larsson, un chercheur suédois qui étudie la question des rejets des antibiotiques depuis plus de 10 ans. 

Dans les hôpitaux des environs, on estime entre 30% et 40% le taux de patients multirésistants. Et le problème sanitaire n'est pas présent qu'en Inde : 70% à 90% des voyageurs revenant du pays portent des bactéries multirésistantes. La plupart du temps, elles disparaissent au bout de quelques semaines. Mais, écrit "le Monde", "selon les estimations, environ 700 000 personnes meurent chaque année dans le monde à cause d’infections résistantes aux antibiotiques, dont 25 000 en Europe et sans doute le triple rien qu’en Inde."

L.D.

Le Nouvel Obs
Sur le même sujet
Les plus lus
A lire ensuite
En kiosque