Google News menace de fermer à cause de la directive droit d’auteur

Le moteur de recherche accuse la directive « droit d’auteur » de mettre en péril son service d’agrégateur d’informations en Europe, à quelques jours d’une réunion cruciale des ministres européens sur le dossier.

L’article 11 de la directive sur le droit d’auteur est aussi appelé « clause des droits voisins » par ses défenseurs, ou « taxe sur les liens » par ses détracteurs. Son objectif est d’obliger les plateformes à payer les éditeurs pour les extraits d’articles qui apparaissent lorsqu’un lien est partagé sur les réseaux sociaux.

Le vice-président de Google Actualités, Richard Gingras, a prévenu que Google était « très inquiet » de l’inclusion de l’article dans la directive finale sur le droit d’auteur.

« La possibilité que nous fermions le service Google Actualités dans l’UE est réelle », a-t-il déclaré, ajoutant que Google avait pris des mesures similaires après l’adoption en Espagne d’une loi sur le droit d’auteur en 2014. Cette décision avait alors provoqué la suppression des liens vers les articles de médias espagnols sur Google Actualités, et une chute de l’audience en ligne des journaux.

Les commentaires de Google surviennent alors que les négociateurs européens s’apprêtent à s’asseoir autour de la table et à trouver un accord sur l’article 11, le 13 décembre, lors d’un dernier trilogue. Les discussions devraient clore les négociations interinstitutionnelles, mais, les divisions étant encore profondes, un accord risque d’être difficile à conclure.

Par ailleurs, lorsque des mesures sur le droit d’auteur ont été introduites en Allemagne en 2013, Google avait décidé de déclasser les actualités qui n’avaient pas fait l’objet d’un accord direct avec le géant technologique.

« Des conséquences négatives involontaires pourraient obliger Google à conclure des accords commerciaux avec les éditeurs », a expliqué Richard Gingras. « Cela nous mettrait dans la position difficile de devoir décider quels éditeurs nous préférerions privilégier. »

Selon lui, les mesures proposées à l’article 11 « réduiraient fortement le nombre d’éditeurs dans l’UE », car les plateformes américaines se détourneront progressivement des petits acteurs du marché, ce qui nuirait à la pluralité des médias et étoufferait les modèles d’affaires innovants du journalisme.

La présence de Google dans le débat sur le droit d’auteur intervient à un moment où les recherches menées par l’Observatoire de l’Europe industrielle détaillent les tendances de lobbying des entreprises et des associations professionnelles.

L’étude montre que Google a commencé à mettre les bouchées doubles dans le débat sur le droit d’auteur en septembre, en utilisant son parrainage de l’intergroupe non officiel EU40 pour amener le musicien Wyclef Jean au Parlement de Strasbourg.

Depuis lors, Google, via YouTube, a activement fait campagne contre l’article 13, qualifié par les opposants de clause de « machine à censure », car il obligerait les plateformes à mettre en place des technologies de filtrage qui vérifieraient le contenu avant sa publication, afin d’assurer que les règles sur le droit d’auteur ne soient pas violées.

Comment YouTube fait faire du lobbying maison contre le droit d’auteur

La campagne #SaveYourInternet mobilise les « youtubers » contre la directive européenne. Mais en défendant l’Internet libre, les militants protègent surtout la rentabilité de la plateforme.

 

Un domaine dans lequel YouTube a déjà acquis de l’expérience, après avoir établi son propre algorithme de contrôle de violation du droit d’auteur, Content ID.

La technologie aurait coûté 60 millions de dollars (53 millions d’euros) et a fait l’objet de vives critiques en raison du matériel bloqué, tel que des vidéos contenant des éléments parodiques ou satiriques.

Cependant, l’étude de l’Observatoire montre également que le lobbying de Google n’a pas été aussi important que ne l’avaient rapporté de nombreuses personnes, y compris l’industrie de la musique britannique, qui a affirmé que Google avait dépensé jusqu’à 31 millions d’euros en lobbying auprès de l’UE sur le droit d’auteur. L’étude indique que ce chiffre s’appuie sur un calcul incorrect.

De l’autre côté, un groupe d’auteurs et d’artistes-interprètes s’est regroupé le 10 décembre pour publier une déclaration conjointe  en faveur de la proposition de directive sur le droit d’auteur. La lettre a été signée par une alliance de groupes d’artistes, dont l’Association of European Performers’ Organisations, l’International Council of Music Creators et les European Visual Artists.

« La valeur fondamentale du système d’octroi de licences de droits d’auteur repose sur la créativité des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants », peut-on lire dans la déclaration. « Leur rémunération doit donc être au cœur du modèle économique des industries et ne pas être considérée comme une simple variable d’ajustement. »

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