Cannabis thérapeutique : une première avancée vers le joint sur ordonnance

Selon nos informations, un comité d’experts s’est prononcé ce mercredi soir en faveur de la consommation d’herbe dans un but médical. Nous avons rencontré des malades contraints d’en fumer illégalement.

 Des travaux devront être menés pour déterminer sous quelle forme et pour quelles maladies il sera indiqué.
Des travaux devront être menés pour déterminer sous quelle forme et pour quelles maladies il sera indiqué. LP/Jean Nicholas Guillo

    Ce sont des malades qui doivent se cacher pour soulager leurs maux, vivre dans l'illégalité. Les patients souffrant de douleurs chroniques, d'épilepsie sévère, de sclérose en plaques et d'autres pathologies, seront-ils bientôt autorisés à fumer ou vaporiser du cannabis en France ?

    Ce jeudi, un comité d'experts, mandaté par l'Agence du médicament, va annoncer s'il juge pertinent de développer l'utilisation de cette plante dans un cadre médical. Une étape fondamentale et très attendue par les malades qui pourraient être entre 300 000 et 1 million à en bénéficier.

    Selon nos informations, un « oui sous conditions » l'a emporté. D'autres travaux devront être menés pour déterminer sous quelle forme et pour quelles maladies il sera indiqué.

    «Ça me redonne l'envie de vivre»

    « Il faut faire bouger les lignes, exhorte, Franck 27 ans, consommateur de cannabis atteint d'une sclérose en plaques, diagnostiquée à ses 18 ans. Beaucoup d'études montrent son efficacité, il doit être accessible, de manière sécurisée, pour ceux qui en ont besoin. » Cette plante, c'est sa bouée de sauvetage.

    À peine majeur, Franck est victime « d'une crise neurologique » en se couchant. Il ne tient plus debout, des migraines saisissent son crâne, sa mâchoire fait mal. Le diagnostic tombe mais cet épisode lui a laissé des séquelles. « Les nuits suivantes, mon cerveau ne s'éteignait plus, je n'arrivais pas à dormir. » Des somnifères lui sont prescrits, les réveils sont brumeux, douloureux.

    Franck, 27 ans, mange des petites doses d'herbe toutes les quatre heures./DR

    Pourquoi ne pas tester le cannabis, qu'il prenait, de façon récréative, plus jeune ? Franck a trouvé son médicament. Il délaisse vite le joint pour passer à la vaporisation, « plus saine », et mange aussi de petites doses d'herbe, toutes les quatre heures en journée. « Le cannabis me redonne l'envie de vivre », confie ce gérant d'entreprise qui vit au Plessis-Trévise (Val-de-Marne).

    Le cannabis atténue la douleur de ses spasmes musculaires et la fatigue, qu'il compare à une déprime permanente. Lorsqu'on l'interroge sur les risques, il répond par une question. « La prise d'antidouleur n'est-elle pas plus risquée ? » lance-t-il, en référence au nombre croissant de morts par overdoses médicamenteuses.

    Condamnée à cinq mois de prison avec sursis

    Prisca, 39 ans, fume quatre joints chaque jour./DR

    Dans la petite ville d'Aniche (Nord), Prisca, 39 ans, partage le combat de Franck. Cette mère de quatre enfants a développé un glaucome, une maladie de l'œil causée par la grave pathologie congénitale dont elle souffre. Le matin, elle fume deux joints qui lui permettent « d'être bien en journée, de faire ses petites courses et de s'occuper de ses enfants », et deux le soir « pour détendre ses muscles, passer une bonne nuit ». Car sa maladie atrophie ses bras et crible son corps de douleurs. « Parfois, je mets de l'huile de cannabis dans mes plats, ça m'apaise beaucoup, c'est un petit miracle. »

    Mais il y a pile un an, Prisca a été condamnée à cinq mois de prison avec sursis. Les policiers ont découvert chez elle quatre plants de cannabis qu'elle faisait pousser. « C'est vraiment injuste de me punir. Je ne vais pas en cultiver des hectares, j'ai juste besoin de quelques plantes que j'ai moi-même choisies, qui me font du bien, je ne suis pas un dealer, lance-t-elle. Juste une maman qui essaye de vivre comme les autres. »

    «Je suis très vieille et très angoissée»

    Même Janine, une Parisienne de 95 ans, utilise de l'huile de CBD, une des molécules du cannabis. Tous les matins, cette ancienne chirurgienne-dentiste met quelques gouttes sous sa langue. « Vous savez, je suis très vieille et très angoissée, j'ai beaucoup de problèmes de santé et je suis contractée en permanence, lâche-t-elle, d'une voix chevrotante. C'est peut-être une hallucination mais je me trouve bien plus détendue. »

    L'illégalité du cannabis à visée médical ? Janine s'en offusque. « Je trouve ça aberrant, je suis complètement pour son autorisation officielle. Vous savez, mon corps est handicapé mais j'ai toute ma tête. »

    Des législations très différentes selon les pays

    Dans le monde, 67 États ont légalisé le cannabis thérapeutique dont une trentaine aux États-Unis. Il peut s'agir de l'utilisation de la fleur dans un cadre thérapeutique ou de médicaments, parfois les deux. Le Canada a été le premier en 2001. Aujourd'hui la Jamaïque, la Colombie, le Mexique mais aussi le Lesotho, le seul d'Afrique, l'autorisent.

    « En tout, 1,4 milliard de personnes vivent dans un État où ils ont accès à un médicament à base de cannabis », explique Béchir Bouderbala, de NORML, une association militant pour l'évolution de son statut légal.

    En Europe, 22 l'ont autorisé. Plus précisément, 15 ont dit oui à l'utilisation de sa fleur, dans un cadre thérapeutique. C'est le cas de l'Allemagne, de l'Italie, des Pays-Bas ou de la Macédoine. Et 6 ont dit non au cannabis médical ou ont voté une loi, en sa faveur, qui n'est pas appliquée. C'est le cas de la France, la commercialisation de médicaments à base de cannabis a été autorisée. Mais jamais aucun n'a été commercialisé.

    Parcourez les plus célèbres citations sur les vieilles femmes