« Selon une enquête du Monde, menée à Hyderabad (Inde), plus de 90 % de nos antibiotiques sont fabriqués dans des usines chinoises ou indiennes », rapporte la revue de presse de l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

« Une partie des effluents de ces usines polluent l’environnement et créent des foyers d’antibiorésistance capables de se diffuser mondialement, en raison des échanges internationaux. »

Le Monde décrit :

« Il y a d’abord l’odeur, âcre et irritante, qui donne immédiatement la nausée. Il y a ensuite ce paysage, sorte d’immense forêt métallique, faite de hautes cheminées fumantes, de tuyauteries, de réservoirs, de hangars. Il y a enfin ce filet d’eau jaunâtre et visqueux, dans lequel viennent mourir quelques bulles en surface. Comme une sécrétion purulente issue de cette forêt d’usines et dont on devine, à travers les marques laissées sur les rives et les déchets accrochés aux branches, que son débit peut décupler. Cet écoulement suinte librement à travers champs, au milieu de quelques vaches squelettiques, juste en face du village de Gaddapotharam (sud de l’Inde). Avant d’entamer sa descente du plateau, traversant une succession de villages, irriguant plusieurs lacs, dont celui de Gandigudem, où quelque 200 000 poissons ont été retrouvés morts, en octobre 2017.

Voilà plus de dix ans que des chercheurs suédois, indiens, allemands, ainsi que des ONG, comme la fondation néerlandaise Changing Markets, documentent cette contamination persistante. Chacune de ces études révèle la présence de quantités importantes de produits dangereux (arsenic, ­nickel, chrome hexavalent…), surpassant l’ensemble des normes nationales et internationales.

Mais il y a plus insidieux encore : au milieu de cette soupe toxique se trouvent des concentrations d’antibiotiques astronomiques, plusieurs milliers de fois supérieures à ce que l’on retrouve habituellement dans les effluents hospitaliers ou urbains. Et, corollaire de cette pression massive, des microbes résistants émergent. Au-delà de la surconsommation humaine et vétérinaire d’antibiotiques, il existerait donc une troisième source d’antibiorésistance dont on ne parle jamais : celle liée à la fabrication même de ces produits, dans des usines asiatiques peu regardantes sur leur contamination environnementale. »

Hyderabad est l'un des sites majeurs de fabrication d'antibiotiques dans le monde, précise L'OBS citant Le Monde. « On y trouve, entres autres, les usines de Mylan, Aurobindo, Neuland, Merck... Quelque 150 industriels pharmaceutiques sont installés dans les environs. »

« Dans les hôpitaux des environs, on estime entre 30 % et 40 % le taux de patients multirésistants. Et le problème sanitaire n'est pas présent qu'en Inde : 70 % à 90 % des voyageurs revenant du pays portent des bactéries multirésistantes », ajoute l'OBS.

La revue de presse de l'Inserm poursuit :

« En juillet, des activistes indiens et des représentants de communautés locales ont envoyé une lettre à la Commission européenne, l’exhortant à agir contre “la grave crise liée à la production de médicaments” en cours dans leur pays. Mais, souligne Le Monde, les lobbys pharmaceutiques se félicitent ouvertement de l’inaction européenne.

“Je n’ai jamais vu l’industrie être si franche sur son opposition à la législation. Ce qui est encore pire, c’est que cela vient de la part d’industriels qui devraient être en tête des efforts à mener contre la résistance antibiotique, l’AMR Alliance, la prétendue alliance contre l’antibiorésistance”, déclare Nusa Urbancic, directrice de campagne de l’association Changing Markets. »

Pour plus d'informations sur les antibiotiques, voyez les liens plus bas.

Illustration : source : Changing Markets.

Psychomédia avec sources : Le Monde (partiellement réservé aux abonnés), Inserm, L'OBS, Changing Markets.
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