Le chef de l'ONU a annoncé jeudi, à l'issue de consultations de paix sur le Yémen en Suède, un accord âprement négocié entre belligérants pour faire provisoirement taire les armes dans plusieurs régions dévastées de ce pays au bord de la famine.

Le secrétaire général, Antonio Guterres, et son envoyé spécial Martin Griffiths, cherchent une solution durable après quatre ans de guerre qui ont fait environ 10 000 morts et menacent jusqu'à 20 millions de personnes de famine, selon l'ONU.

Les médiateurs, qui ne nourrissaient que de maigres espoirs d'obtenir une percée, ont indiqué que les deux camps devaient se revoir fin janvier pour tenter de définir un cadre de négociation en vue d'un règlement politique.

En attendant, ces accords vont «améliorer la vie de millions de Yéménites», s'est félicité Antonio Guterres.

Un «cessez-le-feu» doit entrer en vigueur «dans les prochains jours» à Hodeida, port de la mer Rouge par où entre l'essentiel de l'aide dans ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, et où sévit selon l'ONU «la pire crise humanitaire du monde».

Les forces gouvernementales, soutenues par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite sunnite, et les combattants Houthis appuyés par l'Iran chiite, doivent se retirer de la ville et du port. Celui-ci est contrôlé par les insurgés et subit les assauts de la coalition progouvernementale.

L'ONU jouera un «rôle clé» dans le contrôle du port, a précisé Antonio Guterres lors d'une cérémonie en présence des deux délégations. Et selon une source onusienne, 30 observateurs de l'ONU pourraient être déployés dans la ville.

Le ministre yéménite des Affaires étrangères, Khaled al-Yémani, et le négociateur en chef des Houthis, Mohammed Abdelsalam, ont échangé une poignée de mains à forte portée symbolique à l'issue de la cérémonie.

M. Al-Yémani a toutefois prévenu que l'accord sur le retrait de Hodeida restait «hypothétique» jusqu'à sa mise en oeuvre. «On attend de voir», a-t-il dit.

«Je n'arrive pas à y croire», a réagi Manal Qaed, une jeune journaliste venue de Hodeida couvrir les négociations. «Chaque jour j'appelle mon mari et mon fils de 11 ans de peur qu'il ne leur soit arrivé quelque chose», raconte-t-elle.

Points de blocage

Mais «il reste des questions en suspens», a averti M. Guterres.

Aucun accord n'a en effet été trouvé sur le redressement de l'économie yéménite ni sur la réouverture de l'aéroport de la capitale Sanaa.

Contrôlé par les rebelles et fermé depuis trois ans, l'aéroport fait de facto l'objet d'un blocus par la coalition progouvernementale qui reste maître du ciel.

Un responsable yéménite a indiqué jeudi que la Banque centrale du Yémen attend une injection de trois milliards de dollars de la part du Koweït et des Émirats arabes unis, alors que le pays cherche à revitaliser une économie en ruine.

Le résultat des pourparlers sera présenté vendredi au Conseil de sécurité à New York.

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a salué l'accord conclu en Suède, qualifié de «premier pas crucial». «La paix est possible», a-t-il ajouté.

L'Arabie saoudite a apporté son «soutien déterminé» à l'accord, «un pas majeur» pour «parvenir à une solution politique», selon l'ambassadeur saoudien aux États-Unis, Khaled ben Salmane, frère du prince héritier Mohammed ben Salmane.

Le ministre d'État aux Affaires étrangères des Émirats arabes unis, autre pilier de la coalition anti-rebelles, a attribué les progrès réalisés à «la pression militaire» exercée sur les Houthis.

Camouflet au Sénat

L'Iran a salué jeudi les avancées «prometteuses» obtenues en Suède, espérant que des négociations futures permettent de parvenir à un accord final.

Mais pour l'ONG Mercy Corps au Yémen, les accords annoncés en Suède «ne constituent qu'un petit pas». Ils seront jugés «à l'aune des actions prises sur le terrain, pas par des déclarations dans une salle de conférence».

Alors que les Houthis ne s'étaient pas rendus à des négociations prévues à Genève en septembre, leur présence en Suède a été favorisée par deux mesures de confiance : l'évacuation début décembre de 50 rebelles blessés vers Oman et un accord d'échange de prisonniers ouvrant la voie à la libération de 15 000 combattants des deux camps.

Les images de dévastation provoquées par les raids aériens de la coalition et celles de la crise humanitaire ont par ailleurs convaincu les grandes puissances de la nécessité d'accélérer un règlement du conflit.

A Washington, le Sénat américain a asséné jeudi un dur camouflet au président Donald Trump en approuvant une résolution qui interdit tout soutien militaire à l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen.

Cette résolution ne pourra pas être débattue à la Chambre des représentants avant janvier, et sera de toutes façons bloquée par un veto de Donald Trump, qui entretient de bonnes relations avec l'allié stratégique saoudien.

Mais son approbation au Sénat a une forte portée symbolique et témoigne de la colère des sénateurs, républicains comme démocrates, face à Riyad, provoquée par ce conflit meurtrier et le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, tué dans le consulat de son pays début octobre à Istanbul.