Au Costa Rica, le pelage des singes hurleurs vire du noir au jaune. Une évolution dans la production de mélanine, due à l’utilisation massive de pesticides.


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    En hiver, le lièvre variable et le renard des neiges changent de couleurcouleur pour s'adapter à leur environnement. Mais si les singes hurleurs à manteau, au Costa Rica, virent au jaune, c'est pour une toute autre raison. Depuis cinq ans, les scientifiques ont commencé à remarquer des animaux avec des curieuses tâches jaunes sur le pelage, habituellement d'un noir uniforme. Au départ, il s'agissait juste d'une petite partie de la fourrure, sur le bout de la queue ou sur une main. Mais au fll du temps, ces tâches se sont étendues sur des parties de plus en plus grandes du corps, deux des singes devenant entièrement jaunes.

    Le singe hurleur se nourrit de feuilles issues des plantations de bananes, ananas et palmiers à huile arrosées de pesticides. © Arturo de Frias Marques
    Le singe hurleur se nourrit de feuilles issues des plantations de bananes, ananas et palmiers à huile arrosées de pesticides. © Arturo de Frias Marques

    Les plantations de bananes coupables ?

    Pour comprendre cette mystérieuse décoloration, les chercheurs ont prélevé des échantillons de fourrure pour des analyses. Ils ont alors découvert que les poils décolorés possèdent cette variante différente de mélaninemélanine (le pigment qui colore la peau et les cheveux), appelée phéomélanine, responsable d'une coloration de jaune à rouge, tandis que les poils noirs en contiennent une autre sorte, l'eumélanine. Mais pourquoi les singes hurleurs se mettent-ils soudainement à fabriquer plus de phéomélanine ?

    De tels cas n'ayant jamais été observés ailleurs dans la nature ou en captivité, les chercheurs penchent pour le soufresoufre utilisé dans les pesticides. En effet, les singes vivent à proximité des plantations de bananes, ananas et palmiers à huile cultivés dans la région, dont ils raffolent des feuilles. Le Costa Rica est ainsi l'un des plus gros consommateurs de pesticides dans le monde, avec 22,9 kgkg par hectare de terre cultivée. Or, « l'exposition au soufre augmente la disponibilité des sulfhydryles dans les cellules, ce qui peut favoriser la synthèse de la phéomélanine dans les mélanocytesmélanocytes », expliquent les chercheurs.

    Cette dépigmentation risque fort d'attirer de sérieux ennuis au singe hurleur à manteaumanteau : les grosses tâches jaunes le rendent plus visible dans les arbresarbres pour ses prédateurs, comme le jaguarjaguar, l'ocelotocelot et le pumapuma.